La flore est aux premières loges des changements climatiques. Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en biologie intégrative de la flore nordique, le professeur Guillaume de Lafontaine dirige une équipe qui s’intéresse aux réponses éco-évolutives de la flore aux changements globaux dans une perspective historique et contemporaine dont les travaux permettent d’avoir une meilleure compréhension de notre biodiversité.

C’est depuis 2018 que le professeur de Lafontaine est titulaire de cette chaire. « Notre programmation de recherche porte sur la compréhension des processus qui modulent les patrons de la biodiversité. L’approche que nous avons développée aborde conjointement la dynamique des écosystèmes terrestres et l’évolution des espèces et des populations naturelles à l’égard des changements climatiques et des perturbations naturelles et anthropiques », explique le professeur de Lafontaine.

Comptant une trentaine d’étudiantes et d’étudiants aux trois cycles universitaires, l’équipe du professeur de Lafontaine mène des recherches à l’interface des écologies de terrain, moléculaire et historique. Au cours des dernières années, l’équipe de la Chaire de recherche du Canada en biologie intégrative de la flore nordique a notamment réalisé des travaux sur l’aire de répartition du pin gris à la limite sud afin d’en étudier sa migration, son adaptation et les menaces d’extinction auxquelles il fait face.

« Ces recherches ont révélé une dynamique éco-évolutive locale qui assure la résilience des populations à la limite sud du pin gris, soit dans les peuplements les plus vulnérables au réchauffement du climat. Cette dynamique contraste avec les processus généralement observés au cœur de l’aire de répartition de l’espèce et témoigne du rôle potentiel de l’adaptation locale dans la variabilité des réponses d’une espèce boréale transcontinentale face aux changements climatiques », observe le professeur de Lafontaine.

L’équipe du professeur de biologie de l’UQAR a en outre identifié les facteurs écophysiologiques qui modulent la variabilité du sérotinisme, soit la capacité de conserver les semences matures dans le cône et d’accumuler une réserve de semences, et établi que celle-ci détermine la trajectoire démographique des peuplements marginaux du pin gris. « Grâce à l’analyse macrofossile des charbons de bois du sol, l’équipe a élucidé l’origine postglaciaire du pin gris à la limite sud de sa répartition transcontinentale et caractérisé le régime des feux inhabituel par rapport à celui en forêt boréale, mais auquel les peuplements marginaux semblent pourtant bien adaptés localement », précise le professeur de Lafontaine.

Chaire renouvelée

La Chaire de recherche du Canada en biologie intégrative de la flore nordique a récemment été renouvelée. Un budget de 500 000 $ sur cinq ans permettra de réaliser une programmation de recherche portant sur les dynamiques de résilience, d’expansion et d’effondrement des populations végétales.

Le pin gris sera une fois de plus au cœur des travaux du professeur de Lafontaine. « Comme les petites populations formant la marge chaude de l’aire de répartition sont situées aux avant-postes écologique et géographique, elles expérimentent de nouveaux environnements et des pressions évolutives inédites pour les espèces. Elles sont donc des populations directement menacées d’extirpation par les changements globaux contemporains. Nous avons établi que la variabilité du sérotinisme représente une adaptation locale qui assure la persistance du pin gris, une espèce boréale, dans des conditions environnementales inhabituelles à sa limite sud, en forêt tempérée. Nous investiguons maintenant son génome, à la recherche de gènes impliqués dans la variabilité de ce trait adaptatif, responsable de la résilience de l’espèce à la marge chaude de sa répartition. »

Les travaux menés afin d’établir un portrait historique des érablières nordiques seront aussi poursuivis. « L’analyse macrofossile des charbons de bois a permis d’établir que le pin blanc était fortement représenté dans ces peuplements il y a 4000 ans, après quoi il a décliné au profit de l’érable rouge et finalement de l’érable à sucre il y a 2500 ans. Or, des charbons d’érable sont retrouvés sporadiquement depuis 9600 ans, ce qui suggère une présence ancienne à faible effectif et témoigne de la colonisation rapide de la limite nord dès la fonte du glacier. Des travaux seront menés pour mieux comprendre la dynamique holocène de ces peuplements marginaux, ce qui permettra de raffiner les prédictions face aux changements globaux contemporains », conclut le professeur de Lafontaine. 

La Chaire de recherche du Canada en biologie intégrative de la flore nordique collabore avec plusieurs partenaires dans le cadre de ses travaux. Parmi ceux-ci, mentionnons le ministère des Ressources naturelles et des Forêts, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, la Forêt d’enseignement et de recherche de Macpès, le parc national du Bic et le parc national de la Gaspésie.