L’annonce de la création du Réseau Québec Maritime (RQM) par le gouvernement du Québec vient donner un coup d’envoi important aux recherches dans le secteur maritime. Reconnue pour son expertise en sciences de la mer, l’Université du Québec à Rimouski est à l’origine de cette initiative et s’est vu confier par les Fonds de recherche du Québec la gestion de ce nouveau réseau de recherche panquébécois. L’Universitaire s’est entretenu avec le vice-recteur à la formation et à la recherche, François Deschênes, au sujet du rôle qu’a joué et jouera l’UQAR dans le cadre de cette initiative visant à mobiliser et à canaliser les expertises scientifiques québécoises en faveur d’un développement optimal et durable de ses ressources et de ses environnements maritimes contribuant alors à l’essor de la société québécoise.

L’Universitaire : Comment est né le Réseau Québec Maritime ?

François Deschênes : L’UQAR a pris l’initiative, avec les Fonds de recherche du Québec, de réunir des chercheurs provenant des universités, de collèges et de centres collégiaux de transfert de technologie, des directeurs des différents regroupements stratégiques œuvrant dans le domaine maritime ainsi que d’acteurs de différents ministères au campus de Lévis le 7 novembre 2014. Lors de cette réunion, les participants, d’horizons et d’expertises variés, ont fait un constat : plusieurs regroupements de chercheurs très performants existent au Québec, lesquels s’intéressent à différents enjeux relativement bien balisés et selon un angle d’attaque qui leur est propre, c’est-à-dire teinté par leurs expertises. Or, nombreux sont les enjeux liés au secteur maritime qui nécessitent de faire appel non pas à un seul regroupement stratégique, mais à plusieurs si l’on souhaite avoir une compréhension plus complète et des solutions mieux adaptées. Pensons, par exemple, à l’érosion côtière qui nécessite non seulement des connaissances de pointes en sciences naturelles, mais également des connaissances permettant de mesurer les impacts potentiels sur les communautés, sur l’économie, voire même sur la santé des populations concernées. Ainsi, il est rapidement apparu évident qu’il devenait nécessaire pour le Québec de se doter d’une plate-forme intersectorielle panquébécoise pour fédérer tous ces foyers de recherche et de chercheurs. À la suite de cette conclusion, l’UQAR a mis sur pied et a coordonné les travaux d’un groupe de travail composé de chercheurs et d’administrateurs de la recherche provenant de partout au Québec, lequel a donné forme au projet de RQM.

L’U : Quelle est la mission de ce nouveau réseau ?

F.D. : Le Réseau Québec Maritime favorisera la concertation et la collaboration entre les chercheurs, quels que soient leurs champs de recherche. Il favorisera donc le partage des données, des expertises et des équipements. Par ailleurs, ce regroupement créera au Québec une masse critique intersectorielle hautement stratégique à plusieurs égards. Il sera plus facile pour les entreprises, les gouvernements, les ministères et les municipalités d’avoir accès à ces expertises. Il sera ainsi plus aisé d’identifier à travers le RQM quels sont les chercheurs parmi ses organisations membres qui sont les plus aptes à répondre aux besoins exprimés ou encore à s’attaquer aux enjeux identifiés, ce qui favorisera un rapprochement entre chercheurs et organisations du milieu. De plus, en regroupant ces chercheurs, nous développerons de nouvelles connivences entre eux, ce qui devrait favoriser un meilleur positionnement pour accéder à du financement d’envergure. L’objectif, c’est de créer un réseau qui met en lumière les expertises et regroupements québécois, qui les positionne avantageusement à différentes échelles et qui crée des interrelations permettant d’attaquer la complexité des enjeux du secteur maritime.

L’U : Quelles seront les thématiques de recherche du RQM ?

F.D. : Les thèmes de recherche évolueront en fonction des enjeux qui sont prioritaires pour la société québécoise. À ce jour, cinq grands thèmes ont été ciblés : 1) santé des écosystèmes, 2) santé des communautés humaines, 3) surveillance, sûreté et la sécurité maritime, 4) transport maritime durable et intelligent, 5) ressources, énergies marines et santé du secteur économique maritime. Comme le RQM s’intéressera à tout l’axe Saint-Laurent et à toutes autres zones maritimes du Québec, et comme il se définit par son approche globale d’entrevoir les enjeux liés à un ou à plusieurs de ces thèmes, les recherches seront par définition intersectorielles, c’est-à-dire réalisées par des chercheurs dont l’expertise et le secteur de rattachement naturel (sciences naturelles et génie, sciences humaines et sociales ou encore sciences de la santé) sont complémentaires. Par exemple, un enjeu comme l’exploitation des hydrocarbures interpellera des chercheurs en sciences naturelles, en sciences humaines, en sciences de la gestion, en sciences de la santé, en développement régional et en génie.

L’U : Quel rôle jouera l’UQAR dans le cadre du RQM ?

F.D. : Les Fonds de recherche du Québec ont confié à l’UQAR la responsabilité du Réseau Québec Maritime en raison de son expertise dans le secteur maritime et du leadership de l’Université dans la mise sur pied du RQM. L’UQAR agira donc à titre d’établissement gestionnaire, c’est-à-dire, d’une part, qu’elle hébergera la cellule de direction du RQM, et d’autre part, qu’elle soutiendra ce réseau dans la réalisation de ses activités et la gestion de ses fonds, et conséquemment, dans la reddition de compte auprès des autorités concernées. Enfin, l’Université aura un grand rôle à jouer dans la réalisation de la recherche et aussi dans la poursuite de ce rôle d’agent fédérateur dans le domaine maritime.

L’U : Quel peut être l’apport de la recherche dans la Stratégie maritime ?

F.D. : Les recherches effectuées par les partenaires du Réseau Québec Maritime contribueront à un véritable développement durable du Saint-Laurent et, incidemment, au déploiement de la Stratégie maritime. Selon les enjeux priorisés, la recherche permettra de faire avancer les connaissances et d’obtenir des informations objectives afin de guider les décideurs, tant publics que privés, qui pourront alors prendre des décisions éclairées, les expliquer et échanger à leur sujet avec la population. Les recherches amèneront également leur lot d’innovations, notamment dans le domaine des transports. La connaissance de pointe est essentielle pour assurer non seulement la réussite d’un grand projet de société comme la Stratégie maritime, mais également pour assurer aux générations futures la préservation du potentiel que représentent pour le Québec ses zones maritimes. 

L’U : Quel sera le rôle du Réseau Québec Maritime en matière de coopération scientifique internationale ?

F.D. : Le RQM est un réseau qui fédère les chercheurs du secteur maritime de partout au Québec. À travers sa mission et son rôle de mise en valeur des expertises, il favorisera un rapprochement entre les chercheurs et les organisations du Québec et ceux d’autres pays, et établira un positionnement stratégique permettant de saisir de nouvelles occasions internationales de financement pour la recherche. On peut penser à des initiatives comme Future Earth ou à des fonds européens, par exemple. Cette approche intersectorielle et internationale permettra de briser les frontières et de faire un pas de géant en ce qui a trait à la recherche dans le secteur maritime.

L’U : La formation et la recherche en lien avec le domaine maritime font partie de l’ADN de l’UQAR depuis plusieurs années. Comment cela se traduit-il ?

F.D. : Depuis sa création, l’un des axes d’excellence de l’UQAR est celui des sciences de la mer, ce qui se traduit notamment par la présence de l’Institut des sciences de la mer, l’ISMER, un fleuron de la recherche en océanographie. Un autre axe d’excellence, celui du développement régional, est également teinté par notre réalité maritime. Par ailleurs, nous offrons une maîtrise et un doctorat en gestion des ressources maritimes associés au domaine de la gestion et nous avons plusieurs activités de recherche et de formation touchant au domaine maritime en biologie, en chimie et en géographie. En fait, plus du quart des professeures et des professeurs de l’UQAR ont des activités de recherche liées directement ou indirectement au secteur maritime, ce qui est particulièrement important comme proportion.

L’U : Selon vous, l’interdisciplinarité est un atout pour assurer un développement maritime durable pour le Québec ?

F.D. : Effectivement. L’interdisciplinarité est même essentielle au développement durable du secteur maritime, ce qui est d’ailleurs souhaité par la Stratégie maritime. Les enjeux liés au domaine maritime sont tellement complexes qu’ils peuvent faire intervenir des connaissances autant en biologie, en physique, en chimie que des connaissances liées aux populations riveraines et aux dimensions économiques. Si nous isolons une seule de ces dimensions, nous n’arrivons pas à des solutions intégrées, adaptées et acceptables. Par exemple, l’augmentation du transport maritime de marchandises et de ressources sur le fleuve peut avoir des conséquences sur plusieurs plans. Les infrastructures portuaires et logistiques, d’une part, doivent être en mesure d’accueillir cette croissance économique profitable pour le Québec. D’autre part, la dynamique accrue des vagues engendrée par l’accroissement de la navigation peut dans certaines circonstances avoir des impacts sur l’érosion des berges, affectant les écosystèmes et les populations côtières. Finalement, les populations animales qui vivent dans le fleuve et qui supportent les industries de la pêche et du tourisme peuvent à leur tour être affectées par un trafic maritime accru. Bref, les environnements et les enjeux sont interconnectés et ne peuvent être considérés en silos dans une approche de développement maritime durable. Pour avoir une idée juste et complète de tels enjeux, il est important qu’il y ait des recherches de pointe afin de bien les cerner. D’où l’importance de favoriser une approche interdisciplinaire et de faire en sorte que les experts des différentes universités et centres de recherche puissent bénéficier d’un cadre leur permettant de travailler ensemble, de partager leurs données et leurs infrastructures. C’est ce que le Réseau Québec Maritime et l’Institut France-Québec pour la coopération scientifique dans le domaine maritime permettront de faire à une échelle nationale et internationale.

L’U : En terminant, quels seront les retombées pour les régions desservies par l’UQAR ?

Nous retrouvons une imposante masse critique de centres de recherche et d’organisations vouées au développement maritime sur notre territoire, que ce soit au sein d’Innovation Maritime, de Merinov, du Centre de recherche sur les biotechnologies marines, de l’Institut Maurice-Lamontagne, du Centre interdisciplinaire de cartographie des océans, de l’Institut maritime du Québec, de la Technopole Maritime du Québec, pour n’en nommer que quelques-uns. Le RQM donnera certes une visibilité accrue et une impulsion marquée aux travaux qui y sont réalisés grâce aux alliances et aux projets interinstitutionnels novateurs qui seront développés par les organisations et les chercheurs membres du Réseau. Ainsi, le RQM permettra aux organisations, même en région, d’avoir un positionnement stratégique de premier plan pour accéder à de nouvelles sources de financement de même qu’à de nouvelles occasions pour valoriser leurs réalisations.