Les familles sont directement interpellées lorsqu’un de leurs membres est atteint d’un trouble mental. Or, il reste encore beaucoup de chemin à faire pour que l’apport des proches aidants soit reconnu dans le processus d’intervention. Spécialiste de l’intervention familiale en santé mentale, la professeure en travail social Marie-Hélène Morin réalise une recherche novatrice sur les trajectoires de services de proximité et spécialisés  offerts dans le contexte d’un premier épisode psychotique (PEP).

Le rôle de soutien joué par les membres de la famille des personnes atteintes d’un trouble mental est de plus en plus reconnu socialement. Dans son Plan d’action en santé mentale 2015-2020, le ministère de la Santé et des Services sociaux soulignait l’apport des proches dans le processus d’intervention en santé mentale. Ce plan évoque notamment le besoin des membres de la famille d’être soutenus, mais aussi que l’on reconnaisse pleinement leur implication et leur participation à titre de partenaires dans l’organisation, la planification et la prestation des services offerts aux personnes atteintes.

La professeure Marie-Hélène Morin.La professeure Marie-Hélène Morin.Les enjeux d’accessibilité et de continuité des services offerts aux familles des personnes atteintes d’un trouble mental sont cruciaux, estime la professeure Morin. « Malgré une volonté politique et sociale de reconnaître le rôle de soutien exercé par les proches aidants, des lacunes et des insatisfactions demeurent observables quant aux services s’adressant aux familles engagées dans un rôle de soutien. Trop souvent, les familles témoignent des ruptures entre les différents services, du fait qu’elles sont laissées à elles-mêmes et du manque de reconnaissance de leur rôle de partenaires par les intervenants. »

Financée par le Fonds de recherche Société et culture, la recherche de la professeure de travail social de l’UQAR vise justement à apporter un éclairage sur les trajectoires de services empruntées par des jeunes adultes et leurs proches aidants lors de l’émergence d’un trouble psychotique. Celle-ci est menée à un moment charnière du développement des pratiques en santé mentale : l’intervention et la détection précoce lors d’un premier épisode psychotique et la reconnaissance accrue du rôle de soutien joué par les membres des familles figurent parmi les grandes orientations du Plan d’action en santé mentale 2015-2020 du ministère de la Santé et des Services sociaux. 

Les troubles psychotiques surviennent généralement au passage à la vie adulte et touchent 4 à 5 % des jeunes, indique la professeure Morin. « L’émergence du trouble sollicite alors grandement les membres de la famille qui dans 60 à 70 % des cas doivent exercer un important rôle de soutien. » Annuellement, les 39 associations regroupées au sein de la Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale (FFAPAMM) répondent à 60 000 demandes d’aide, alors que c’est près d’une vingtaine de cliniques pour premiers épisodes psychotiques, membres de l’Association québécoise des programmes pour premier épisodes psychotique (AQPPEP), qui offrent des services spécialisés aux jeunes adultes et aux familles au Québec.

La FFAPAMM et l’AQPPEP sont les deux principaux partenaires de la recherche dirigée par Mme Morin. Par leur entremise, l’équipe de la professeure en travail social sollicitera la participation des associations de famille et des cliniques offrant des services spécialisés lors d’un premier épisode psychotique dans certaines régions du Québec, incluant le  Bas-Saint-Laurent.

En tout, 20 jeunes adultes atteints d’un trouble psychotique, 20 proches aidants et une vingtaine d’intervenants issus des milieux de pratique seront recrutés pour participer à la recherche. « Les entrevues réalisées auprès des jeunes adultes et des proches aidants permettront de tracer les trajectoires individuelles de services depuis l’émergence du trouble psychotique. Elles porteront sur divers thèmes, comme les événements marquants de la trajectoire de services, l’arrimage entre les différents services, le partage d’information entre les intervenants, la question de la confidentialité et la perception de la détresse chez les proches aidants », précise la professeure Morin.

C’est au printemps 2020 que les résultats de cette recherche seront publiés. « La participation des proches aidants dans les équipes d’intervention demeure un défi, mais leur rôle est essentiel dans le processus d’intervention. La recherche donnera une voix aux familles et aux personnes atteintes d’un trouble psychotique en plus de contribuer à améliorer les pratiques. Les meilleures pratiques recommandent l’engagement des familles dès le début du processus d’intervention. Les interventions familiales ayant un effet favorable sur l’état de la personne atteinte d’un trouble mental, plus particulièrement sur le taux de rechute qui peut être réduit de 20 %. Notons également que l’intervention offerte vise le maintien du fonctionnement social de la personne atteinte de même que celui des membres de sa famille. Ce type d’intervention est d’ailleurs spécifique au champ d’action des travailleuses et des travailleurs sociaux dans ce secteur d’activité », conclut la professeure Morin.