Au cours des derniers mois, le mouvement de contestation Idle No More a participé à sensibiliser la population canadienne à la réalité des Premières nations et aux défis de gestion territoriale auxquels elles font face. Étudiante à la maîtrise en développement régional, Audrey Fournier aborde ces défis en étudiant la participation de la communauté Mi’gmaq de Listuguj en Gaspésie à la gestion de la foresterie et de la pêche au saumon.

Depuis le début des années 1970, plusieurs décisions de la Cour suprême du Canada ont modifié le droit autochtone et, par le fait même, le rôle des premières nations dans la gestion territoriale. À la suite de certaines de ces décisions, l’État canadien a aujourd’hui l’obligation de consulter les communautés autochtones avant d’entreprendre des actions qui pourraient avoir des répercussions sur les territoires ancestraux revendiqués. Pour gérer des dossiers liés au territoire et aux ressources naturelles (barrages hydroélectriques, aménagement forestier, pêche, etc.) et afin de répondre à cette obligation promue par la Cour suprême, l’État a mis en place différents processus de consultation et de participation des Premières nations.

Dans le cadre de sa maîtrise en développement régional, Audrey Fournier s’intéresse à la place offerte aux communautés autochtones dans ces processus consultatifs, mais aussi aux différentes façons dont les Mi’gmaq de Listuguj participent à la gestion territoriale. « Les objectifs de ma recherche sont, d’une part, de mieux comprendre quels processus participatifs, tant étatiques qu’alternatifs, sont les plus efficaces du point de vue des Mi’gmaq. D’autre part, il s’agit de comprendre, autour de ces différents processus, comment s’articulent et se déploient dans le temps leurs stratégies de réappropriation territoriale », souligne Audrey Fournier.

Pour ce faire, l’étudiante a d’abord réalisé une recherche en archives journalistiques et répertorié différents documents portant sur les processus de consultation et sur les stratégies de réappropriation territoriale des Mi’gmaq depuis 1980. Elle a également procédé à des entretiens avec des leaders politiques actuels et passés de Listuguj.

« Un des premiers constats dégagés par l’exercice est que la consultation de la communauté de Listuguj semble demeurer une formalité vide de sens pour les Mi’gmaq. En effet, le mode de fonctionnement des processus laisse peu de place à une réelle discussion sur les enjeux prioritaires qu’ils désirent mettre de l’avant. Ainsi, la communauté adapte ses stratégies de réappropriation du territoire en ayant recours à des outils autres que ceux proposés par l’État, notamment des outils juridiques avec lesquels, à première vue, l’atteinte de leurs objectifs semble plus facile. » Ici, les traités et les décisions de la Cour suprême du Canada viennent donc agir comme autant d’assises sur lesquelles les Mi’gmaq peuvent légitimer leurs actions et leurs principes de gestion et d’aménagement du territoire, tant forestier qu’halieutique.

Peu étudiés par les chercheurs, les Mi’gmaq de Listuguj ont été au cœur de plusieurs revendications territoriales dans l’histoire récente. Certains processus consultatifs ont débouché sur des éléments positifs, comme dans le cas de l’entente de collaboration pour la gestion de la rivière Restigouche qui coule au cœur de la réserve de Listuguj. Il est donc intéressant d’examiner les différents processus, leurs issues et les impacts qu’ils ont sur le déroulement des autres processus. En comprenant mieux la dynamique des processus participatifs, on peut espérer trouver des pistes pour une gestion des ressources naturelles qui satisfasse mieux les attentes des deux parties », conclut la chercheuse. Toutefois, en respect d’une « juste collaboration », un tel projet n’a de sens que s’il est partagé dès le début avec la communauté, un partage qui se veut ancré dans l’échange, la discussion et l’intégration de nouvelles idées.

Réalisé sous la direction de la professeure Nathalie Lewis, spécialiste de l’aspect social de la gestion des ressources naturelles, ce projet financé par le CRSH est codirigé par le professeur Stephen Wyatt de la Faculté de foresterie de l’Université de Moncton.