Vivant elle-même avec une déficience physique, Danièle Dumont réalise bien l’ampleur et la diversité des difficultés vécues par les personnes à mobilité réduite dans leur démarche vers l’emploi. Dans le cadre de sa maîtrise en éthique à l’UQAR, elle analyse le décalage entre la volonté d’intégration et la persistance de la discrimination.

« Les dernières données révèlent que le taux d’emploi de ces personnes demeure très faible », souligne la chercheuse. « En effet, le taux d’emploi des personnes handicapées est d’environ 40 %, alors que celui du reste de la population dépasse les 70 %. Les obstacles ne se limitent toutefois pas qu'à l’embauche. Il y a encore beaucoup de chemin à faire pour une pleine reconnaissance des compétences et des droits de ceux qui se retrouvent en situation de handicap. Leur qualité de vie au travail et leurs conditions d’emploi sont souvent remises en question, et elles reflètent la fragilité de leur situation au sein d’un marché du travail jugé en crise par plusieurs », précise-t-elle.

Le travail constitue une des plus importantes sources de valorisation d’un individu, mais aussi d’intégration sociale. Voilà pourquoi le gouvernement du Québec a exprimé clairement sa volonté d’améliorer cette situation en instaurant en 2008 différents défis et mesures pour favoriser une plus grande participation des personnes handicapées au marché du travail d’ici 2018. Ces orientations traduisent des enjeux éthiques et sociaux liés au handicap en s'appuyant sur des valeurs de solidarité, d’égalité et de justice essentielles à l'amélioration de la situation, mais aussi des objectifs d’urgence économique pour combler les besoins croissants de main-d’œuvre, ou pour diminuer la charge de l’État sur le plan de la santé et de la sécurité sociale.

Pour son mémoire de maîtrise, Mme Dumont s’intéresse aux principaux conflits d’actions, de normes, de valeurs et de sens qui se forment dans les rapports entre les personnes impliquées.

L’objectif de la recherche est d’enrichir la compréhension et la prise en compte de la réalité des personnes vivant avec une déficience physique dans leur démarche vers l’emploi, par l’étude des valeurs, des attentes, des attitudes et des besoins des parties prenantes évoluant au cœur des situations. « Même si des employeurs font preuve d’une ouverture et d’une flexibilité remarquables envers ces personnes, bon nombre d’entre eux ont encore beaucoup de préjugés sur cette main-d’œuvre. Par exemple, la nécessité d’adapter un poste de travail peut laisser présager que ce sera plus compliqué et plus couteux pour l’employeur », constate-t-elle.

« Certaines personnes n'ont aucun besoin particulier différent de tout employé sans incapacité afin d'intégrer ou de maintenir un emploi, mais plusieurs en ont qui sont parfois mineurs, parfois plus importants. Les normes de performance et de productivité de l’entreprise peuvent entrer en conflit avec le besoin de temps d’intégration. Ces normes représentent pour certains un véritable défi puisqu’ils doivent déployer un maximum d’énergie pour atteindre ce que les autres font avec un minimum d’effort. Lorsque possible, un simple ajustement d’horaire ou un accompagnement minimal peuvent être des accommodements suffisants à une performance optimale. La conciliation des objectifs de l’organisation avec les objectifs personnels des individus et avec les objectifs des récentes mesures gouvernementales, qui donnent une dimension sociale à la problématique, est au cœur de cette réflexion éthique », conclut Mme Dumont.

Soutenue par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et par la Fondation de l'UQAR, la recherche de Danièle Dumont est dirigée par le professeur Bruno Leclerc, spécialiste de l'éthique de la recherche et de l’intervention en santé. M. Leclerc possède également une large expertise des comités d’éthiques, notamment dans le réseau des centres de réadaptation.