Comment les auteurs de théâtre s'adaptent-ils lorsque le financement se fait rare? Étudiante au doctorat en lettres, Marie-Ange Croft étudie la question en analysant l’évolution de l’écriture théâtrale d’un dramaturge français… du XVIIe siècle!

Marie-Ange Croft s'intéresse à la façon dont l’homme de théâtre Edme Boursault a fait évoluer son écriture et l’ensemble de l’esthétisme théâtral à l’époque Classique (~1660 à ~1680) lorsque la monarchie a cessé le mécénat dans ce secteur. « Au début de sa carrière, à l’époque glorieuse de Molière, le roi Louis XIV finançait de façon importante les auteurs de comédies, de sorte que les gens gravitant autour de la cour s’y intéressaient. À partir de 1680, le mécénat devient rare et les auteurs ont dû adapter leur répertoire à un public plus large et plus populaire », explique Mme Croft.

Associé au théâtre comique, Edme Boursault a écrit pendant près de 40 ans plusieurs formes de comédies, allant de farces (comédies légères en un acte) au début de sa carrière, puis de grandes œuvres en plusieurs actes pour proposer à la fin de sa carrière de grandes comédies moralisantes, propres à l’ère des Lumières qui s’amorçait. À l'instar des dramaturges du temps, Boursault, qui vivait de sa plume, un fait rare à l’époque, devait se conformer aux désirs de la cour en début de carrière, mais a vite dû adapter son répertoire.

« Les auteurs comme Boursault ont notamment intégré des éléments de l’actualité de l’époque, de façon à créer une connivence avec le public. Aujourd’hui, lorsqu’on lit ses pièces, il nous manque des références, au même titre que les gags des émissions spéciales de fin d’année Bye Bye d’aujourd’hui seraient incomprises des nouvelles générations», compare la chercheuse. C’est à cette époque que le concept de choses « à la mode » émerge. « C’était le début de la consommation de masse du théâtre. Les pièces devaient constamment proposer quelque chose de nouveau, à la mode et pouvant plaire au plus grand nombre », remarque Mme Croft.

Pour bien saisir le contexte qui a fait évoluer l’écriture de Boursault, Marie-Ange Croft a notamment étudié son réseau social et l’accueil réservé aux comédies de l’auteur par le public. À partir d’archives, de documents sur la comédie française et de lettres que Boursault a publiées, elle a pu établir l’évolution de son réseau social relié au mécénat, pour ensuite étudier la transformation des pièces en elles-mêmes. « Les changements liés à la production théâtrale ont eu un impact sur l’évolution de la comédie, depuis le choix des thématiques, jusqu’à la structure et aux personnages qu’on y retrouve», souligne-t-elle.

La thèse de doctorat de Marie-Ange Croft est réalisée en cotutelle avec l’Université Paris X – Nanterre, où elle a effectué deux séjours de recherche et eu accès à des documents qu’elle n’aurait pu consulter autrement. La professeure Roxanne Roy, spécialiste d’histoire littéraire XVIIe siècle dirige l’étudiante alors que le professeur Christian Biet (Paris X), spécialiste du théâtre après la période de Molière agit en tant que co-directeur.