L’expansion de la mytiliculture (l’élevage de la moule) au large des îles de la Madeleine préoccupe plusieurs pêcheurs en raison des interactions possibles avec les autres espèces comme le homard. Dans le cadre de sa maîtrise en océanographie, Émilie Simard suit la piste de ces crustacés pour bien comprendre l’impact de ce nouvel environnement pour mettre en place l’aquaculture.

Aux Îles de la Madeleine, la mytiliculture s'effectue généralement dans les lagunes. Or, comme celles-ci sont de plus en plus exploitées, l’espace disponible pour ce genre d’activité aquacole est limité. Un producteur de moules a innové en installant sa moulière au large des côtes. « La présence de structures d'élevage de la moule, comme des filières et des blocs d’ancrage de béton, ajoute des éléments de complexité au fond marin, qui favorisent la présence de plusieurs espèces. Plusieurs études antérieures ont démontré une plus grande biodiversité à proximité des lignes de moules. Il était donc pertinent de mesurer si ce type de culture avait une influence sur les comportements des homards, une espèce emblématique des îles », explique la chercheuse.

L’objectif de l’étude est de connaître la dynamique des déplacements des homards sous un site mytilicole comparativement à un site sans aquaculture. « Pour suivre leurs déplacements, nous avons plongé à plus de 20 mètres dans les profondeurs du golfe Saint-Laurent pour installer des bornes, puis nous avons capturé soixante homards pour leur poser des émetteurs acoustiques. Nous avons enregistré leurs déplacements à l’intérieur et à l’extérieur de la zone de culture de moules durant 2 mois. Puis, nous les avons récupérés et les déplacements des homards ont été déterminés à partir des signaux enregistrés », raconte Mme Simard.

Si la chercheuse s’attendait à ce que les homards passeraient plus de temps à l’intérieur d’un site mytilicole, en raison de l'abondance d'abris et de proies, les premiers résultats démontrent que près de 70 % des homards ont quitté les sites en moins d'une semaine. « Même si un tel site peut constituer un environnement préférentiel, la majorité des crustacés ont passé dans la zone sans jamais arrêter ou même ralentir. Toutefois, nous avons remarqué que les homards de plus grande taille sont restés plus longtemps dans le site. Il serait donc intéressant d’étudier le fait qu’un site de moule crée un environnement de compétition entre les espèces, qui fait en sorte que les individus les plus forts sont en mesure de s’y établir », précise Mme Simard.

Réalisé sous la direction du professeur en écologie benthique à l’ISMER Philippe Archambault et sous la codirection du chercheur en aquaculture à Pêches et Océans Canada Chris McKindsey, ce projet de recherche a des visées très précises.

« Concrètement, les résultats de l’étude faciliteront ainsi les relations entre pêcheurs et aquaculteurs en sujet de l’élevage extracôtières, grâce à une connaissance accrue des interactions entre les espèces d’élevage et celles présentant une importance commerciale comme le homard aux Îles de la Madeleine », conclut la chercheuse.