Toxicité et bioremédiation des hydrocarbures pétroliers en zones polaires
La bioremédiation et la toxicité résiduelle des hydrocarbures pétroliers en zones polaires constituent une problématique hautement stratégique et prioritaire pour le Canada à cause du réchauffement climatique en cours et l’ouverture probable de nouvelles routes de navigation commerciale autour de l’océan Arctique. La même question se pose en Antarctique, en particulier pour le ravitaillement des nombreuses stations de recherche dont la source d’énergie principale reste le diésel et le mazout lourd. Les basses températures et surtout la pauvreté des sols polaires en matière organique et micro-nutriments réduisent fortement la vitesse de la bioremédiation naturelle des hydrocarbures.
Cependant, nos travaux et ceux de quelques autres laboratoires ont montré qu’il est tout à fait possible d’accélérer ce nettoyage naturel par l’addition d’éléments nutritifs et l’augmentation de la température. Nous comptons poursuivre notre association avec l’Institut Paul-Émile Victor (IPEV-France) ainsi que les chercheurs de l’Institut antarctique argentin pour compléter la faisabilité de la méthode des biopiles et pour appliquer cette technique à des problèmes réels en Antarctique. Une fois bien éprouvée, cette technique pourra être appliquée à des problèmes similaires dans l’Arctique canadien.
Mécanismes d’action des contaminants en milieu froid
Ce projet comporte plusieurs sous-projets parmi lesquels on note surtout les travaux en cours et à venir sur les effets combinés des hydrocarbures dissous et des rayons ultra-violets (RUVB) sur les communautés planctoniques des zones polaires. Ce projet rejoint le précédent puisqu’il traite des impacts des hydrocarbures déversés en mer polaire et de l’augmentation des RUVB liée au trou d’ozone. Nous avons démontré que la combinaison hydrocarbures dissous + RUVB fait basculer la communauté planctonique d’une phase «production primaire par le phytoplancton» vers une phase «recyclage du carbone organique par les bactéries». Un tel basculement des phases aurait un impact très significatif pour la production secondaire si le problème survenait en plein été polaire sur une grande surface océanique, ce qui est tout à fait plausible en cas d’un accident pétrolier majeur en zone arctique ou antarctique. Notre approche est essentiellement expérimentale avec l’utilisation de mésocosmes de grands volumes. Les questions à résoudre sont d’ordre mécanistique (comment s’établit la toxicité conjointe des hydrocarbures et des RUVB ?) et cinétique (quels sont les facteurs qui gouvernent la vitesse et la réversibilité de ce phénomène ?).
Les sous-projets en réalisation à Pointe-au-Père avec la collaboration de Pêches et Océans Canada portent sur les mécanismes de bioaccumulation et de dépuration de certains métaux sur les invertébrés et les poissons marins. D’autres travaux sont réalisés à Curitiba (Brésil) sur les mécanismes de cytotoxicité des métaux chez des poissons tropicaux.
Modélisation du transfert trophique
La modélisation du transfert trophique des contaminants au sein d’un écosystème reste au cœur des problématiques propres à l’écotoxicologie aquatique. Les HAP offrent une problématique particulière puisque non seulement la molécule mère peut être transférée de la proie vers le prédateur, mais aussi ses principaux métabolites. Nous avons démontré un tel phénomène de transfert du sédiment vers un polychète et ensuite vers un poisson et nous avons constaté qu’il y a une certaine toxicité qui en résulte chez le poisson. La disponibilité des mésocosmes de Pointe-au-Père nous offre une nouvelle approche expérimentale avec la possibilité d’exposer simultanément plusieurs composantes de notre réseau trophique modèle (phyto- et zooplancton, polychètes, bivalves, petits crustacés, échinodermes et poissons) à un ou plusieurs contaminants organiques ou inorganiques. La possibilité de travailler avec les radio-marqueurs augmente considérablement notre capacité de modéliser les processus de contamination et de dépuration à des échelles spatiale et temporelle de plus en plus proches de la réalité.
Caractérisation biogéochimique et écologie approfondie des marais côtiers
Les marais côtiers de l’estuaire du Saint-Laurent se retrouvent sous un couvert de glace de 3 à 4 mois par année et de ce fait offrent une dynamique très éloignée de ceux de la côte est américaine. Quel est le rôle véritable de ces marais en dehors de la période estivale ? Quels seront les effets des changements globaux en cours (réduction de la période de gel intense et remontée du niveau d’eau) sur ces écosystèmes ? Y a-t-il des effets anthropiques directs ou indirects sur ces marais côtiers ? Depuis quelques années, nous travaillons à la caractérisation biogéochimique la plus complète possible de deux maris côtiers, l’un situé dans le Parc national du Bic (sans impact anthropique) et l’autre à Pointe-au-Père (égouts municipaux et lessivage de terres agricoles). Nous poursuivons avec des travaux orientés vers la biogéochimie et l’écologie des marelles qui sont soumises à des conditions extrêmes de température et de salinité en fonction de leur position dans le marais. Ces micro-écosystèmes devraient nous en apprendre beaucoup sur les espèces benthiques peuplant les marais côtiers froids et sur leur adaptabilité à certains changements globaux.
Risques environnementaux dans le Parc marin Saguenay-Saint-Laurent
Nos travaux sur l’évaluation des risques environnementaux au Parc marin Saguenay-Saint-Laurent ont commencé en 2006. Le fjord du Saguenay a été sujet à de multiples impacts anthropiques d’origine industrielle, urbaine et de navigation au cours des décennies. Nous avons décidé d’y développer une approche d’évaluation du risque selon une approche dite «régionale» déjà appliquée à d’autres sites similaires. Nous poursuivrons ces travaux sur encore trois ans en développant plusieurs indicateurs biologiques et microbiologiques pour les coupler au modèle de risques en développement.
Nanoécotoxicologie marine
Le terme «nanotoxicologie» est un néologisme désignant une nouvelle discipline qui s’intéresse aux impacts de la nanotechnologie et des nanomatériaux sur les écosystèmes naturels et sur les humains. La production industrielle de nanomatériaux pour des usages domestiques, environnementaux et biomédicaux ouvre la porte à de tout nouveaux risques environnementaux : la dispersion et la persistance des nanoparticules (< 200 nm) dans les environnements aquatiques. Nous développons des méthodes de laboratoire répondre aux deux questions suivantes : Que deviennent les nanoparticules (dispersion, coagulation, dégradation) une fois libérées dans un environnement naturel ? Les espèces marines (surtout bivalves, crustacés et poissons) peuvent-elles devenir des victimes pour des nanoparticules transportant des médicaments ou autres substances utilisés en nanotechnologie ? À partir de notre expertise en chimie, nous sommes en mesure de synthétiser des nanoparticules radioactives ou de les marquer avec des molécules organiques radioactives. Pour localiser plus finement les nanoparticules dans les tissus et cellules, nous utiliserons aussi le microscope électronique à balayage déjà en place à l’ISMER.