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Les changements climatiques risquent d’altérer le goût des crevettes

Le professeur Piero Calosi. (Photo : Sébastien Raboin)

Les amateurs de crevettes nordiques, communément appelées au Québec les « crevettes de Matane », ne verront plus les changements climatiques du même œil. Une recherche réalisée par le professeur Piero Calosi et ses collègues européens démontre qu’une exposition aux futures conditions d’acidification des océans risque d’altérer significativement le goût de ce crustacé.

Les crevettes nordiques font partie du patrimoine culinaire québécois. En Suède et en Norvège, elles sont même considérées comme un plat traditionnel qui accompagne, par exemple, le souper de la fête de Noël. Or, le goût des crevettes nordiques tel qu’on le connaît est susceptible d’être altéré en raison des changements climatiques qui accentuent l’acidification des océans.

Selon le GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le potentiel hydrogène (pH) des océans devrait diminuer de 0,3 à 0,5 unité d’ici la fin du siècle. Conséquemment, la concentration en acide devrait augmenter de plus de 150 fois par rapport à la période préindustrielle.

Avec ses collègues Sam Dupont et Bengt Lundve, de l’Université de Gothenburg, et Emilie Hall, de l’Université de Plymouth, le professeur Piero Calosi a voulu vérifier quels seront les impacts de cette acidification sur des crustacés que nous consommons comme fruits de mer. Ils ont porté leurs recherches sur la crevette nordique en raison de son abondance et de sa valeur commerciale.

Selon Pêches et Océans Canada, la crevette nordique représente environ 97 % de toute la pêche commerciale de l’Atlantique canadien. En 2012, près de 149 000 tonnes de crevettes ont été récoltées. La valeur totale de l’exportation de la crevette pêchée au Canada s’est chiffrée à 345 millions de dollars cette même année.

Pour évaluer l’impact de l’acidification sur la crevette nordique, les chercheurs ont exposé des crevettes nordiques à des conditions d’acidification projetées en 2100 dans les laboratoires de la station marine de Kristineberg (Sven Lovén Centre) de l’Université de Gothenburg. Pendant trois semaines, les chercheurs ont maintenu des crevettes dans des bassins d’eau de mer dont le pH est de 8 unités – un pH que l’on retrouve présentement dans les océans – et d’autres dont le pH est de 7,5 unités. « Il s’agit d’une augmentation de l’acidité de l’eau de mer de 60% comparé aux conditions qu’on retrouve – en moyenne – actuellement dans les océans », souligne le professeur Calosi.

Un chef professionnel de Suède a soumis à un test à l’aveugle un panel de 30 personnes qui connaissent bien la crevette nordique. Des plats standardisés ont été servis avec des crevettes nordiques provenant des deux bassins utilisés dans le cadre de l’expérience. Ces connaisseurs suédois ont évalué l’aspect, le goût et la consistance des crevettes servies.

S’ils n’avaient pas de commentaires particuliers sur la consistance, les participants ont relevé une modification dans le goût et dans l’aspect des crevettes. Celles exposées à de conditions d’acidification avaient 2,6 fois plus de chance d’être notées comme étant la moins bonne du plat. En revanche, celles dont les conditions actuelles de pH avaient 3,4 fois plus de chance d’être notées comme les meilleures du plat.

« Nous ne savons pas encore ce qui provoque ces changements, mais il est clair que l’acidification de l’eau de mer a empiré le goût et l’aspect des crevettes nordiques de notre expérience », indique le professeur Calosi. « Chose certaine, c’est une partie du patrimoine culinaire de plusieurs pays et cultures qui risque d’être changé si les océans continuent à s’acidifier. »

Cette recherche du professeur Piero Calosi et de ses collègues a été publiée en décembre dans le Journal of Shellfish Research*. La publication de l’article de ces biologistes a été reprise notamment par le LA Times, le Daily Mail et Science Mag.

Originaire de Florence en Italie, après avoir travaillé pendant dix ans au Royaume-Uni, c’est en juillet 2014 que Piero Calosi s’est joint à l’UQAR comme professeur de biologie marine. Spécialiste de la biologie des changements climatiques et de la physiologie comparée et évolutive des invertébrés marins, il s’intéresse notamment à l’étude des homards, des pétoncles, des oursins et des polychètes marines.

 

* Sam Dupont, Emilie F. Hall, Piero Calosi, Bengt Lundve. 2014 ‘First Evidence of Altered Sensory Quality in a Shellfish Exposed to Decreased pH Relevant to Ocean Acidification’ Journal oF Shellfish Research 33(3):857-861.

Pour nous soumettre une nouvelle : communications@uqar.ca