Étudiante à la maîtrise en océanographie, Mélany Belzile vient de publier dans la revue Journal of Geophysical Research : Oceans le résultat de ses recherches sur la circulation profonde du fjord du Saguenay réalisées sous la direction du professeur Daniel Bourgault, de l’UQAR-ISMER, et Peter Galbraith, de l’Institut Maurice-Lamontagne.
Ces travaux de recherche ont été menés dans le cadre de la mission SAGWIN, dont l’objectif était d’étudier l’océanographie hivernale du fjord du Saguenay.
« Il est connu, depuis une quarantaine d’années, que les eaux profondes du Saguenay sont un mélange entre ses eaux de moins grandes profondeurs et les eaux du Saint-Laurent qui sont pompées au-dessus du seuil de 20 mètres par les importantes marées à Tadoussac. Cependant, dépendant du moment de l’année, les eaux de l’estuaire qui entrent dans le fjord n’ont pas la même salinité et donc pas la même densité. En général, les eaux salées sont plus « lourdes » que les eaux douces. Ce changement en densité à l’embouchure du fjord permet au Saguenay de recevoir de nouveaux approvisionnements en eau, que l’on appelle aussi renouvellements, à différentes profondeurs dépendant de la saison », explique Mélany Belzile.
Les chercheurs de l’ISMER et de l’IML ont découvert qu’il y a trois patrons de circulation dans le Saguenay. À l’automne et au début de l’hiver, les eaux de l’estuaire qui passent par-dessus le seuil sont très salées et plongent jusque dans les abysses du fjord. Vers le milieu de l’hiver, les eaux du St-Laurent deviennent plus douces et se faufilent à moins de 50 mètres de profondeur, tandis qu’à l’été, ce sont les eaux intermédiaire (50 à 150 mètres de profondeur) qui sont renouvelées.
« Le Saguenay se distingue de plusieurs fjords par son coté très énergétique », précise la chercheure de l’UQAR-ISMER. « Il a dans ses eaux profondes de 10 à 100 fois plus d’énergie que dans certains fjords canadiens, suédois et écossais. Cela est en grand partie grâce à la forme d’entonnoir de l’estuaire, favorisant des marées pouvant aller jusqu’à 6 m d’amplitude à l’embouchure du Saguenay en période de vive eau. »
Cette énergie de marée se change ensuite en turbulence à l’intérieur du fjord. Ces turbulences aident de deux façons différentes à l’oxygénation du Saguenay. « Tout d’abord, cela permet d’apporter de l’oxyène contenu dans les eaux de surface vers les eaux denses du fond, simplement par l’action du mélange turbulent. De plus, grâce à ce mélange turbulent, les eaux de fond deviennent de plus en plus légères au fil des mois. Cela permet ainsi à de nouvelles eaux denses en provenance de l’estuaire de s’insérer en dessous. Lorsque cela se produit on parle alors d’un épisode de renouvellement des eaux de fonds », indique le professeur Daniel Bourgault.
C’est la présence d’oxygène dissous dans les profondeurs du Saguenay, qui permet à des poissons de fonds comme le sébaste, la morue et le flétan du Groenland d’y vivent aisément, qui a motivé la réalisation de cette étude. « La question de la provenance de cet oxygène est pertinente, car le Saguenay, comme beaucoup d’autres fjords, possède une barrière physique, un seuil peu profond à Tadoussac, qui réduit les échanges avec les eaux du Saint-Laurent. Dans plusieurs autres fjords du monde entier, ce type de barrière est synonyme d’un manque d’oxygène à l’intérieur des fjords, mais pas dans le Saguenay », observe Mme Belzile.
Cette recherche a nécessité des observations sur plusieurs années afin de bien comprendre la circulation profonde. En plus des premières données hivernales de 2011, des échantillonnages sur toute la longueur du fjord ont été effectués par bateau en été et par hélicoptère en hiver, de septembre 2010 à mars 2013. Des instruments sont d’ailleurs restés dans l’eau un peu moins d’un an et ont mesuré les courants, la température et la salinité plusieurs fois par heure.
Intitulé Water renewals in the Saguenay Fjord, l’article de Mélany Belzile, de Peter Galbraith et de Daniel Bourgault peut être téléchargé ici.
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