La cohabitation entre la grande faune et les réseaux routiers est complexe. Perturbant la composition des écosystèmes naturels, la construction d’autoroutes soulève des enjeux sur les plans économique, de la sécurité routière et de la vitalité de certaines espèces. Spécialiste de la gestion de la faune terrestre, le professeur Martin-Hugues St-Laurent dirige une équipe qui développe une méthodologie pour modéliser et valider des corridors fauniques dans le cadre de la construction de l’autoroute 85.
La route 185 est le principal lien routier entre le Bas-Saint-Laurent et la frontière du Nouveau-Brunswick. Elle est considérée comme l’une des routes les plus dangereuses au Canada. En effet, on y recense annuellement environ 12 collisions avec un orignal, un cerf de Virginie ou encore avec un ours noir. Des travaux d’élargissement visant à faire passer la route de deux à quatre voies sont en cours depuis le début des années 2000. Plus de la moitié des travaux ont été réalisés.
La principale mesure d’atténuation pour réduire le nombre de collisions entre la grande faune et les usagers de la route consiste en l’aménagement de passages fauniques. « C’est une stratégie efficace, mais qui se limite à une dimension réactive : on installe des infrastructures où les problèmes sont répertoriés », indique le professeur St-Laurent. « Toutefois, les analyses préalables sont limitées et il y a peu d’intégration des connaissances acquises sur les déplacements de la grande faune. »
Le projet de recherche dirigé par le professeur St-Laurent vise à développer une méthodologie qui encadrera la mise en place d’infrastructures qui tiendra compte des récentes avancées en écologie routière, une discipline qui vise à comprendre et à atténuer les impacts des routes sur la faune. Cette approche proactive permettra de favoriser le passage sécuritaire de la grande faune aux endroits stratégiques et de diminuer le nombre de collisions routières.
L’enjeu de la sécurité routière est crucial dans le cadre de la construction de l’autoroute 85. La route 185 est d’ailleurs considérée comme propice aux accidents avec la grande faune, particulièrement les orignaux. « Il n’y a pas de grands prédateurs au sud du Saint-Laurent. Ainsi, comme il n’y a pas de loup, il y a plus d’orignaux au kilomètre carré le long de la route 185 que le long de la route 175, au Saguenay. La densité peut atteindre dix fois celle observée en moyenne sur la rive nord du Saint-Laurent », observe le biologiste de l’UQAR.
Afin de modéliser et de valider les futurs corridors fauniques sur l’autoroute 85, l’équipe du professeur Martin-Hugues St-Laurent va identifier les zones à haut risque d’accident avec la grande faune ainsi que les habitats touchés par l’élargissement de la route. Elle va également documenter les impacts possibles de la future autoroute 85 en fonction des espèces présentant un risque pour la sécurité routière ou qui sont particulièrement vulnérables à la fragmentation routière.
« Nous allons utiliser différentes données afin d’élaborer des modèles de déplacement. Ces modèles vont tenir compte de la qualité de l’habitat dans le secteur de la route 185. En somme, on veut penser comme le ferait des animaux pour en arriver à identifier des corridors de connectivité potentiels. Ce qui est particulier, c’est qu’il s’agit d’un environnement qui contient déjà une route nationale », mentionne le spécialiste de la gestion de la faune terrestre. « En plus de régler des problèmes locaux, notre méthodologie pourra être exportée vers d’autres projets. »
Se déroulant jusqu’en 2018, cette recherche a été élaborée par le professeur St-Laurent et ses partenaires du ministère des Transports du Québec (MTQ), du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec (MFFP) et l’organisme Deux Pays, Une Forêt (2P1F). L’Agence régionale de mise en valeur des forêts privées du Bas-Saint-Laurent, le Conseil régional de l’environnement du Bas-Saint-Laurent et l’organisme Conservation de la nature sont également impliqués dans ce projet de recherche.
Mentionnons que Jérôme Laliberté consacrera sa maîtrise en gestion de la faune et de ses habitats à ce projet de recherche dirigé par le professeur St-Laurent. Les autres membres de l’équipe de recherche sont Christian Dussault et Sébastien Ross (MFFP), Louise Gratton (2P1F) et Jonathan Côté, Serge Rhéaume, Julie Boucher et Carl Dufour (MTQ).
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