L’Institut des sciences de la mer de Rimouski collabore à une recherche citoyenne visant à cartographier le mouvement des eaux de surface de la baie des Chaleurs. Encadrée par le professeur Dany Dumont, cette initiative marie la science et l’implication d’une trentaine de citoyens soucieux de mieux connaître et de préserver leur environnement.
Spécialiste en océanographie physique, le professeur Dumont a pris part, en 2013, à une première recherche indépendante sur les impacts environnementaux associés à l’exploration éventuelle du prospect Old Harry, dans le golfe du Saint-Laurent. Publiée au printemps 2014 dans la revue Environmental Research Letters1 cette étude a eu beaucoup d’échos dans le monde scientifique et dans les médias en apportant un nouvel éclairage sur l’impact qu’aurait un déversement sur les côtes de Terre-Neuve, de la Nouvelle-Écosse et des Îles-de-la-Madeleine.
À la suite de cette recherche qui consistait à simuler des déversements à l’aide d’un traceur virtuel, le professeur Dumont et son collègue Daniel Bourgault ont été approchés afin de participer à un documentaire de l’émission Découverte sur le gisement Old Harry. Cette fois, ce sont des bouées dérivantes munies d’émetteurs GPS qui ont été utilisées, ce qui a permis aux chercheurs de l’UQAR-ISMER d’obtenir les toutes premières mesures de la dérive de surface dans cette portion du golfe du Saint-Laurent.
C’est à la suite de la diffusion du documentaire que Marc-André Bernard, de Maria, a eu l’idée de communiquer avec le professeur Dumont. En raison des inquiétudes soulevées par le projet de construction d’un terminal pétrolier au port de Belledune, au Nouveau-Brunswick, M. Bernard voulait vérifier la possibilité d’effectuer une semblable étude dans la baie des Chaleurs.
Ce premier contact a donné naissance à un projet de recherche, qui est notamment financé par le réseau MEOPAR, auquel s’est rapidement associé le Comité ZIP Gaspésie. « L’objectif du projet est d’avoir les informations pertinentes pour intervenir efficacement si un accident majeur se produisait sur les eaux de la baie des Chaleurs », explique Geneviève Lemoyne, directrice du Comité ZIP Gaspésie qui est maître d’œuvre du projet. Le professeur Dany Dumont chapeaute pour sa part le volet scientifique du projet.
En tout, 30 largages de bouées dérivantes ont été effectués par des bénévoles autour de la baie des Chaleurs à l’été 2015. « Ce projet est un bel exemple de science participative. Les citoyens sont au cœur du projet, de la formulation de la question jusqu’à l’interprétation des résultats. Mon rôle consiste à valoriser les données récoltées par les bouées dans la baie des Chaleurs en vérifiant et en améliorant possiblement les modèles de prévision de la dérive de surface », indique le professeur Dumont. Près de 7900 déplacements ont été enregistrés par les bouées entre le 11 juin et le 31 octobre 2015.
C’est la première fois qu’une telle recherche est menée dans la baie des Chaleurs. « Peu importe où sont lancées les bouées dérivantes, elles nous fournissent des données que nous pouvons valoriser. Ce que nous voulons évaluer ici, c’est la performance du modèle qu’utilise la Garde Côtière Canadienne pour prévoir la dérive de nappes ou d’objets lors de leurs interventions en mer », poursuit M. Dumont. Mentionnons que plusieurs étudiants et auxiliaires de recherche de l’UQAR-ISMER sont aussi impliqués dans le projet. Il s’agit de Paul Nicot, de Simon St-Onge-Drouin, de Claudie Tessier-Bolduc et de Michel Tamtare.
Plusieurs facteurs influencent le déplacement des bouées dérivantes : les courants, eux-mêmes forcés par le vent, la marée et la bathymétrie, le vent qui agit directement sur les bouées, et les vagues. « Plus nous aurons de données, mieux ce sera pour valider les améliorations que nous apporterons au modèle de prévision », observe Dany Dumont.
Au-delà des résultats sur la dérive de surface, ce projet amène les citoyens à s’approprier le sujet, à réfléchir et, parfois, à revoir leurs conceptions à propos de la dynamique océanique. « La population est mobilisée et les préoccupations ne se limitent pas uniquement aux impacts négatifs que pourraient avoir la pollution dans la baie des Chaleurs. Il y a des questionnements sur le transport larvaire et l’érosion côtière, entre autres. Le projet permet donc de soulever des questionnements, de nuancer des idées préconçues sur la circulation des eaux de surface de la baie, bref de contribuer à ce que les gens entretiennent une relation informée avec la mer. C’est à mes yeux un bénéfice énorme », conclut le professeur Dumont.
1Bourgault, D., F. Cyr, D. Dumont, A. Carter (2014). « Numerical simulations of the spread of floating passive tracer released at the Old Harry prospect », Env. Res. Lett., 9(5), 054001 doi:10.1088/1748-9326/9/5/054001.
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