L’ISMER a le vent dans les voiles

Guillaume St-Onge est le directeur de l'Institut des sciences de la mer de l'UQAR.

Guillaume St-Onge est le directeur de l’Institut des sciences de la mer depuis bientôt quatre ans. En plus de ses fonctions à la tête de l’ISMER-UQAR, il poursuit ses activités de recherche comme titulaire de la Chaire de recherche du Canada en géologie marine qui a été renouvelée récemment. L’UQAR-Info l’a rencontré pour discuter de sa vision de l’avenir de l’ISMER et des projets de recherche qu’il poursuit.

UQAR-Info : Quel bilan faites-vous de vos premières années à la tête de l’ISMER?

Guillaume St-Onge : Mon premier mandat à la direction de l’ISMER fut tout un défi avec la pandémie de COVID-19. En plus de me familiariser avec mes nouvelles fonctions, j’ai été fortement impliqué dans la reprise des activités de recherche à l’UQAR en laboratoire, sur le terrain et en mer. Cette situation particulière a pris beaucoup de temps et d’énergie et fut sans contredit l’une des périodes les plus exigeantes de ma carrière. J’ai été beaucoup impliqué avec l’ensemble des membres de la communauté de l’ISMER afin de bien communiquer l’information sans cesse changeante, d’écouter leurs besoins et préoccupations afin de trouver des solutions et de faire avancer l’ISMER dans un contexte de crise sanitaire sans précédent. Malgré les nombreux défis liés à la pandémie, mon premier mandat fut marqué par d’importantes réalisations collectives à l’ISMER avec le recrutement et l’embauche de plusieurs nouvelles et nouveaux professeurs, un accroissement important du nombre d’étudiantes et d’étudiants grâce notamment à la mise sur pied de divers programmes de bourses d’excellence, le développement d’un plan d’action en équité, diversité et inclusion, ainsi qu’avec une augmentation des projets de recherche et des revenus issus des subventions et des contrats, résultant en une attractivité et une situation financière très favorable. Au cours de mon premier mandat, j’ai aussi consacré beaucoup d’efforts au positionnement stratégique et au rayonnement de l’ISMER et de l’UQAR sur les scènes provinciale, nationale et internationale. Ce positionnement a porté fruit et a permis à l’Université d’être un joueur incontournable dans le cadre des concours de subvention fédéraux comme Apogée et sur le plan provincial ou partenarial avec le soutien financier pour le navire Coriolis II, le Réseau Québec maritime (RQM), l’Institut France-Québec pour la coopération scientifique en appui au secteur maritime (IFQM), la station de recherche en acoustique marine (projet MARS) et la zone d’innovation sur l’économie bleue en développement. Ces développements font de l’ISMER un milieu extrêmement stimulant et inspirant où l’on peut rêver et oser!

U-I : L’ISMER est le plus important institut de recherche francophone en sciences de la mer au pays. Quelles sont vos grandes priorités pour les prochaines années?

G. St-O. : Au cours des prochaines années, je compte contribuer à la poursuite du positionnement et du développement de l’ISMER et de l’UQAR en recherche et en formation en sciences de la mer. Ceci se fera par la mise sur pied des grands programmes de recherche comme Transformer l’action pour le climat, mais aussi en soutenant la création de nouvelles opportunités avec le leadership de l’ISMER dans des initiatives d’envergure comme le renouvellement du RQM et du réseau pancanadien MEOPAR (Marine Environmental Observation, Prediction and Response Network), dont la professeure Fanny Noisette assume la direction scientifique associée, ou le développement de nouvelles chaires de recherche. Sur le plan des infrastructures, une bonne partie du parc d’instruments en chimie et en géochimie sera mise à jour grâce à l’octroi récent d’une subvention majeure de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI), favorisant du même coup le développement de nouvelles collaborations et notre compétitivité à l’échelle nationale et internationale. Dans le même ordre d’idées, l’agrandissement de la station aquicole est aussi l’un des projets importants pour l’ISMER, tout comme le remplacement du Coriolis II afin de maintenir le leadership de l’UQAR et du Québec pour l’accès à la mer dans une période critique pour trouver des solutions face aux changements climatiques. Plusieurs partenariats permettront à l’ISMER et à l’Université de se développer dans les prochaines années, dont la création éventuelle de la zone d’innovation sur l’économie bleue. Le développement de cette quatrième zone est le fruit d’un partenariat entre Rimouski et Grande-Vallée ainsi que de nombreux partenaires dont les centres collégiaux de transfert de technologie des régions du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie et vise à faire du Québec un leader dans l’économie bleue. L’arrivée du programme de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal facilitera l’établissement de liens pour réaliser des projets de recherche sur les animaux marins. Tous ces projets de développement seraient impossibles sans le soutien de toute l’équipe de l’ISMER et de la communauté de l’UQAR. C’est pour cette raison que je porterai une attention particulière à poursuivre l’appui et le développement de l’équipe de soutien.

U-I : Le financement de 154 M$ pour réaliser le programme de recherche Transformer l’action pour le climat issu du Fonds d’excellence en recherche APOGÉE Canada marque un tournant pour l’Université. Quelles retombées entrevoyez-vous pour l’ISMER?

G. St-O.: D’abord, il faut savoir qu’il y a déjà des retombées. Le financement d’un tel programme a permis de créer des liens entre de nombreuses chercheuses et de nombreux chercheurs de l’ISMER et d’autres départements de l’UQAR. À l’Université, près du tiers des professeures et des professeurs fait de la recherche en lien avec les sciences de la mer, que ce soit en histoire, en lettres, en archéologie, en sciences de la santé, en biologie, en chimie, en géographie, en génie et bien sûr en océanographie. Cette masse critique est un atout exceptionnel pour l’UQAR et il faut continuer de la mettre en valeur et de la soutenir. Ensuite, toujours avant même le financement, nous avons bâti sur nos fortes collaborations déjà existantes avec l’Université Laval et nous avons créé des liens avec les universités des Maritimes dont Dalhousie et Memorial qui, comme l’UQAR, sont des chefs de file en sciences de la mer. Le développement de ces liens à travers le processus d’idéation de la demande, mais aussi celui de la rédaction et de la préparation des diverses étapes d’évaluation et maintenant, de mise en œuvre, a permis de rassembler les forces vives en recherche et en formation de tout l’est du pays pour un partenariat et un financement historiques. Ce projet est très ambitieux et permettra d’aller au-delà de la compréhension des changements climatiques en recherchant des solutions concrètes avec l’océan au cœur des travaux avec de nombreux partenaires et les Premiers Peuples.  L’UQAR sera au centre de ce programme avec un leadership important sur divers volets. Il y aura du temps navire sur le Coriolis II, le brise-glace Amundsen, de nouveaux postes, le recrutement de nouvelles étudiantes et de nouveaux étudiants, mais surtout une nouvelle façon de faire de la recherche collaborative.

(Photo : Stéphane Lizotte)(Photo : Stéphane Lizotte)U-I : Vous êtes titulaire de la Chaire de recherche du Canada en géologie marine depuis 2016. Quels sont les principaux travaux réalisés au cours des dernières années?

G. St-O. : Il y en a eu plusieurs, notamment sur les risques naturels touchant l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent. Avec mon équipe, j’ai réalisé des travaux mettant de l’avant différents processus sédimentaires associés à des crues, des tempêtes et des tremblements de terre, en plus de permettre l’établissement de l’évaluation de la fréquence de ces événements au cours des derniers 10 000 ans. Les travaux d’un de mes étudiants, Méril Mérindol, ont par exemple permis de déterminer que de nombreuses couches sédimentaires déposées rapidement dans l’estuaire du Saint-Laurent étaient synchrones sur une distance de plus de 250 km et donc associées à d’importants séismes au cours des derniers 2000 ans. Il s’agit d’ailleurs d’une des dix découvertes de l’année de Québec Science. Une part importante des travaux a été consacrée à des projets nationaux et internationaux à partir de diverses missions en mer pour établir le cadre chronostratigraphique de séquences sédimentaires des deux hémisphères, avec un accent particulier dans l’Arctique où de nombreux défis persistent en raison de la difficulté de dater les sédiments dans cet environnement. De plus, avec des collègues de l’INRS-ETE et de l’Université Laval, nous avons réussi à cartographier et à échantillonner les sédiments de plusieurs lacs profonds, dont les lacs Walker, Pentecôte, Pasteur et Jacques-Cartier au Québec et Grand au Labrador. Le lac Walker est le plus profond au Québec, soit 280 mètres, et nous avons utilisé une nouvelle plateforme de carottage pour réussir à échantillonner les sédiments de ce lac et du lac Grand. Les changements climatiques ont aussi été au cœur des travaux de la chaire. Avec plusieurs collègues, mon équipe et moi avons pu reconstituer les variations climatiques et océanographiques au Quaternaire (dernières 2,6 millions d’année) dans l’Arctique, en Alaska, au Groenland, dans l’est du Canada et en Patagonie. Ces travaux originaux et collaboratifs ont permis de reconstituer la dynamique du climat et des calottes glaciaires au cours du Quaternaire, en plus du rôle du climat sur l’érosion glaciaire et même le tectonisme! L’expertise de pointe développée par mon équipe nous a permis de participer à de nombreux projets internationaux avec d’autres équipes possédant des moyens et des expertises complémentaires. Les infrastructures de pointe de mon laboratoire permettent de réaliser l’important volume d’analyses parfois requis pour les projets internationaux d’envergure comme l’International Ocean Discovery Program ou l’International Continental scientific Drilling Program.

U-I : Votre chaire a été renouvelée récemment. Quels projets de recherche vont vous occuper au cours des sept prochaines années?

G. St-O.: Le renouvellement de la chaire va permettre de profiter du momentum que mon équipe s’est donné avec nos travaux sur les risques naturels, la stratigraphie quaternaire, les environnements sous-glaciaires et les changements climatiques des hautes latitudes des hémisphères Nord et Sud. Des travaux de recherche seront notamment menés sur des glissements sous-marins dans l’est du Canada, l’Arctique, les Antilles et l’hémisphère Sud. En collaboration avec de nombreux partenaires nationaux et internationaux, des recherches seront menées afin de déterminer la chronostratigraphie et la dynamique des instabilités glaciaires à partir des sédiments de l’est du Canada, du golfe de l’Alaska, de la Patagonie, de la Nouvelle-Zélande, de la baie d’Hudson, de l’Arctique et de l’Antarctique, des régions charnières où des calottes glaciaires étaient présentes lors de la dernière glaciation. L’étude de lacs sous-glaciaires se poursuivra avec des travaux sur des lacs profonds de l’est canadien pour déterminer les processus sédimentologiques dans ces lacs très particuliers et vérifier l’hypothèse voulant qu’ils aient hébergé des lacs sous-glaciaires lors de la dernière glaciation, tout en établissant les conditions propices à la préservation de lacs sous-glaciaires dans des bassins sédimentaires beaucoup plus faciles d’accès que les lacs profonds de l’Antarctique. Ces lacs sont aussi des analogues à des environnements sous-glaciaires d’autres planètes de notre système solaire! Une expédition récente a d’ailleurs été réalisée avec succès à Grand Lake au Labrador au printemps dernier et d’autres auront lieu au cours des prochaines années. Les changements climatiques vont occuper encore une fois une grande place dans la programmation de recherche. Mon équipe et moi allons prendre part à des projets nationaux et internationaux pour reconstituer la variabilité climatique et océanographique des hautes latitudes des deux hémisphères au cours du Quaternaire. Les données obtenues permettront d’effectuer de précieuses comparaisons entre la variabilité climatique et océanographique des hautes latitudes des hémisphères Nord et Sud afin de déceler et de comprendre les liens possibles entre la dynamique climatique, glaciaire et océanographique des deux hémisphères.

U-I : Il n’est pas commun de combiner un poste de direction comme le vôtre et celui d’une chaire de recherche. Qu’est-ce qui vous motive à mener ces deux activités de front?

G. St-O. : La recherche me passionne! Il n’y a rien que j’aime mieux que d’aller en mer, d’explorer les océans et de former les étudiantes et les étudiants à devenir des scientifiques, des leaders et des citoyennes et citoyens engagés. Au cours de ma carrière, j’ai eu la chance de prendre part à 29 expéditions, dont 15 où j’étais le chef ou le cochef de mission. J’ai toujours voulu explorer la Terre, nos océans et même d’autres planètes! Je trouve que l’exploration fait ressortir le meilleur de l’humanité et nous inspire à collaborer et à nous surpasser. Selon moi, la directrice ou le directeur d’un centre de recherche comme l’ISMER doit être une chercheuse ou un chercheur. C’est important pour comprendre la réalité de l’équipe professorale, mais ça ouvre aussi les portes pour le développement des collaborations à tous les niveaux. C’est également souvent le cas dans les plus grands centres de recherche à travers le monde. C’est évidemment plus d’énergie, mais je crois que j’ai la chance à l’ISMER de contribuer à quelque chose de plus important que mes propres travaux de recherche en aidant à positionner l’ISMER et l’UQAR sur les scènes provinciale, nationale et internationale. Ce positionnement permet alors de rassembler les chercheuses et les chercheurs de l’ISMER, de l’UQAR, du Québec, du Canada et de l’international avec divers partenaires et communautés pour trouver des solutions face à des enjeux planétaires où la mobilisation des scientifiques, des communautés et des gouvernements est capitale. 

 

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