Dans plusieurs régions du Québec, le nombre d’élèves tend à diminuer dans les écoles situées en milieux dévitalisés. Une réalité qui pose d’importants défis aux commissions scolaires qui doivent y offrir des services éducatifs de qualité. Une équipe de chercheurs de l’UQAR s’est penchée sur le cas de trois petites écoles de la Gaspésie afin de proposer des solutions pour concilier ces enjeux.
En 2012, la Commission scolaire René-Lévesque a approché le professeur en sciences de l’éducation Jean Bernatchez afin de documenter la problématique des services éducatifs en milieux dévitalisés dans un contexte de baisse démographique. « La fluctuation du nombre d’élèves est un défi constant pour les commissions scolaires. Dans le cas de la Commission scolaire René-Lévesque, on observe une diminution des effectifs de 2 % par année dans des écoles qui ont entre 25 et 30 élèves, ce qui est énorme », indique M. Bernatchez.
En partenariat avec la Commission scolaire René-Lévesque, le professeur Bernatchez a mis sur pied une recherche-action à laquelle ont participé trois étudiantes en sciences de l’éducation, soit Odile Marquis-Gendron, Julie Sarault et Lucia Savard. « Dans une perspective de recherche-action, les chercheurs œuvrent en partenariat avec les gens du milieu afin d’orienter l’action dans le sens d’un changement visant à combler un écart entre une situation vécue et une situation souhaitée. Cette posture permet de produire des connaissances originales sur le phénomène à l’étude et sur les stratégies déployées pour résoudre le problème », explique le professeur Bernatchez.
Trois écoles menacées de fermeture ont été ciblées pour la portion « terrain » de la recherche. L’équipe de chercheurs de l’UQAR a identifié certaines pistes de solution permettant d’offrir des services éducatifs de qualité en dépit du nombre d’élèves qui diminue. Parmi celles-ci, le regroupement d’écoles en réseau est une alternative favorisant la socialisation des élèves.
« C’est un modèle qui tend à se développer. Il consiste à connecter deux classes par le Web. Ainsi, les enseignants de deux écoles de différents territoires se partagent les cours qui sont donnés. Ce modèle a été instauré dans l’une des écoles de la recherche. Il y a aussi des modèles plus souples par lesquels les étudiants travaillent avec un élève d’une autre école. Cela contribue principalement à la socialisation des élèves, un aspect qui peut faire défaut dans de plus petites écoles », souligne le professeur Bernatchez, qui est membre du groupe de recherche Apprentissage et socialisation (APPSO).
L’une des écoles a, par ailleurs, fait l’objet d’un projet d’école entrepreneuriale et environnementale. « Le fait de donner une couleur qui est propre à l’école est en général une stratégie porteuse. Une analyse doit toutefois être réalisée au préalable pour que nous nous assurions que le projet réponde aux besoins du milieu, plutôt que nous mettions en place une solution clé en main provenant d’une autre école ayant une autre réalité », précise M. Bernatchez.
L’instauration de classes multiâge est une autre possibilité pour les petites écoles situées dans un milieu dévitalisé. C’est d’ailleurs le cas des trois écoles étudiées dans le cadre de cette recherche-action. Cette option oblige toutefois l’enseignant à maîtriser plusieurs programmes éducatifs au cours d’une même année.
Les chercheurs de l’UQAR ont également évalué l’efficacité de la politique institutionnelle de maintien et de fermeture d’école de la Commission scolaire René-Lévesque. « La fermeture d’une école s’envisage à la fois sur le court terme et sur le long terme », mentionne le professeur Bernatchez. Au cours des 20 prochaines années, la population d’âge scolaire diminuera de façon marquée dans la région de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine. Selon l’Institut de la statistique du Québec, la proportion des 0 à 19 ans devrait passer de 17 100 en 2011 à 14 400 en 2036.
L’équipe dirigée par le professeur Bernatchez a fourni des outils pour guider la Commission scolaire René-Lévesque dans ses décisions. « La fermeture d’une école a une riche portée symbolique pour un milieu et il ne faut pas oublier qu’elle se fait dans le contexte d’état de droit. Il revient à la commission scolaire d’établir la légitimité de sa décision et il est souhaitable que les personnes concernées, notamment les parents et les organisations publiques, comme la municipalité, soient parties prenantes de l’exercice. »
Si la concertation est essentielle pour assurer le maintien d’une école, cette sauvegarde doit également reposer sur un projet bien défini, poursuit le professeur Jean Bernatchez. « Les projets porteurs doivent être réfléchis. On n’improvise pas en se disant : on va offrir davantage de cours d’anglais à l’école et les élèves vont y rester. Il faut un projet qui émane d’un partenariat soutenu réunissant la commission scolaire, les familles et la communauté. »
Règle générale, la fermeture d’une école n’est pas souhaitée dans les petites communautés. Cela dit, comme la mission de l’école est d’instruire, de socialiser et de qualifier, les commissions scolaires doivent parfois se résoudre à fermer certains établissements. « Elles ne doivent pas maintenir ouverte une école à tout prix parce qu’elle est le cœur et l’âme du village. Elles doivent plutôt s’assurer que les services éducatifs qui y sont offerts soient de qualité et en nombre suffisant. Leur devoir de loyauté est d’abord à l’endroit de chacun des élèves afin d’en faire des citoyens de la société et du monde », conclut le professeur Bernatchez.
Cette recherche-action a été menée grâce au soutien de la Fondation de l’Université du Québec à Rimouski, qui gère un don versé par Hydro-Québec.
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