La professeure-chercheure Geneviève Brisson, anthropologue et spécialiste en développement territorial à l’UQAR, a récemment publié une étude ethnographique auprès de la population de Lac-Mégantic concernant la tragédie ferroviaire du 6 juillet 2013.
Cette étude a été réalisée à la demande de la Direction de la santé publique de l’Estrie. Publié en deux tomes1, le rapport porte sur les préoccupations, les opinions et les souhaits quant aux risques et à la gestion des risques de la population de la région de Lac-Mégantic. Il s’agit d’un des rares portraits ayant été produits au sujet des préoccupations d’une population qui a été exposée à une catastrophe ferroviaire d’envergure.
A partir de près de 60 entrevues effectuées auprès des habitants de Lac-Mégantic, de personnes de municipalités avoisinantes et de divers acteurs socio-économiques, Geneviève Brisson et sa collègue Emmanuelle Bouchard-Bastien (INSPQ) ont fait ressortir que cet accident a eu plusieurs conséquences sur la qualité de vie et le bien-être des citoyens, et que la perception de ces derniers à l’égard des risques et la gestion des risques a drastiquement changé depuis le déversement ferroviaire.
« Les résultats soulignent la grande variété de préoccupations quant aux risques à la santé et mettent en lumière plusieurs groupes de personnes vulnérables. Une réponse innovante et coordonnée, réalisée dans une perspective plus globale, est donc souhaitable », indique la professeure du Département Sociétés, Territoires et Développement, aussi chercheure associée à l’INSPQ.
La gestion demeure un facteur important quant aux risques perçus et aux conséquences sociales et sanitaires de la tragédie. La recherche souligne les perceptions locales positives quant à l’efficacité de la prise en main de la situation par les autorités et quant à la dynamique multipartenaire de la gestion des risques. « Par contre, la recherche met en lumière des complications administratives et l’enjeu du pouvoir occupé par l’industrie ferroviaire », mentionne Mme Brisson.
La chercheure estime qu’au moment de la reconstruction, plusieurs ont ressenti que les valeurs humaines ont cédé le pas aux considérations financières. Par exemple, « les participants à l’étude estiment qu’on leur a offert de s’exprimer, mais qu’on a peu pris en compte leur attachement aux lieux, notamment au moment de l’annonce de la démolition du centre-ville, qualifiée par plusieurs de « seconde tragédie de Lac-Mégantic », explique Geneviève Brisson.
Finalement, certaines lacunes concernant la transparence des autorités municipales et gouvernementales dans les communications publiques ont engendré une perte de confiance et peuvent avoir brouillé la compréhension des décisions mais ont aussi créé un climat tendu propice à de nouvelles blessures sociales et psychologiques.
La collecte des données a été menée de juillet 2014 à février 2015. Les résultats de cette étude soutiennent les recherches récentes en sciences sociales sur les catastrophes, notamment en ce qui a trait aux hydrocarbures. Ils représentent une occasion de tirer des apprentissages de la tragédie de Lac-Mégantic concernant les risques individuels et collectifs, dans une logique d’accompagnement de la santé publique régionale. « Les résultats obtenus permettent au réseau de santé publique, aux ministères concernés et aux autres groupes intéressés d’acquérir une meilleure compréhension des conséquences psychologiques et sociales liées à la gestion d’un sinistre », conclut Geneviève Brisson.
Rapport gestion: https://www.inspq.qc.ca/publications/2211
Rapport impacts psychosociaux: https://www.inspq.qc.ca/publications/2210
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