Candidat au doctorat en biologie, Mathieu Leblond a consacré sa thèse sur les impacts des routes sur le comportement et la survie du caribou forestier, une espèce particulièrement sensible aux dérangements provoqués par les routes. Près de 60 individus de la région de Charlevoix ont été étudiés par le chercheur de 2004 à 2011.
Le doctorant a évalué les impacts des routes sur la sélection d’habitat du caribou forestier de Charlevoix, une petite population isolée retrouvée entre les régions de Québec et du Saguenay-Lac-St-Jean. Pendant huit années, il a suivi à la trace 59 caribous forestiers grâce à des colliers GPS – l’effectif total de cette population était estimé à environ 80 individus – et a analysé l’effet de la végétation, de la topographie et des routes sur la sélection d’habitat du caribou.
« Chaque variable d’habitat a été mesurée à plusieurs échelles spatiales autour des localisations télémétriques. Les routes avaient un impact négatif sur le comportement du caribou forestier jusqu’à un certain seuil, soit 750 m pour les chemins forestiers secondaires et 1250 m pour les routes pavées et les chemins forestiers primaires », indique M. Leblond.
Selon le biologiste, l’échelle spatiale la plus pertinente pour expliquer la sélection d’habitat du caribou forestier dépend des saisons et des variables d’habitat à l’étude. « Ces résultats soulignent l’importance d’inclure des variables décrivant le contexte paysager entourant les animaux en plus des variables locales lorsqu’on veut étudier les effets des ressources et des contraintes sur la sélection d’habitat des animaux sauvages », précise Mathieu Leblond.
L’hypothèse voulant que la force de l’évitement d’une infrastructure humaine par un animal soit tributaire de l’intensité du dérangement qu’elle provoque a été évaluée par le chercheur originaire de Rimouski. M. Leblond a étudié le comportement du caribou forestier par rapport à la route 175 – qui a subi d’importantes modifications de 2006 à 2010 pour devenir une route au gabarit autoroutier – avant, pendant et après son élargissement.
« Les caribous forestiers ont généralement évité la route 175 durant toute la durée de l’étude, mais une plus faible proportion de localisation de caribous forestiers se retrouvait dans une zone de 5 km de part et d’autre de la route pendant et après les travaux de réfection. À l’intérieur de cette zone, les caribous ont évité plusieurs types d’habitat qu’ils sélectionnaient pourtant ailleurs dans leur domaine vital. Leur taux de déplacement était aussi plus élevé à proximité de la route, particulièrement lorsque la densité de trafic était élevée. Ces résultats supportent l’hypothèse que l’évitement des routes démontré par les grands herbivores peut être relié à l’intensité du dérangement », mentionne M. Leblond.
L’influence des routes sur la performance individuelle du caribou forestier a également été étudiée par le doctorant en biologie. Il en conclut que la sélection d’habitat des individus adultes influence leur probabilité de mourir par prédation par le loup gris. « À large échelle, la survie des caribous forestiers était affectée négativement par la densité de routes et par la proportion de coupes forestières dans leur domaine vital. À plus fine échelle, durant la période précédant directement la mort des individus (10 à 15 jours), les individus qui ont été tués par des loups ont davantage sélectionné les coupes forestières et ont évité les peuplements de résineux matures, qui sont généralement des habitats où le risque de prédation est moins élevé pour le caribou. Ces résultats suggèrent que les activités et les infrastructures humaines, et particulièrement les routes, peuvent influencer négativement des traits liés à la valeur adaptative des grands ongulés vivant dans des milieux fragmentés, notamment en augmentant la pression de prédation sur les individus adultes », explique Mathieu Leblond.
L’étudiant de l’UQAR présente enfin une revue détaillée des principaux impacts des routes sur le caribou forestier à plusieurs échelles biologiques. « Bien que les chercheurs s’intéressent de plus en plus à l’écologie routière et à l’étude des impacts cumulés sur la faune terrestre, il demeure primordial d’aborder les questions qui permettront de réduire les impacts négatifs des routes sur la dynamique des populations d’espèces fauniques dont le statut de conservation est préoccupant », conclut M. Leblond.
Après un baccalauréat en biologie en 2004, Mathieu Leblond a obtenu une maîtrise en gestion de la faune et de ses habitats en 2007. Son mémoire de maîtrise portait sur différentes mesures de gestion pour atténuer les impacts des accidents routiers impliquant les orignaux. La thèse de Mathieu Leblond, intitulée « Impacts des routes sur le comportement et la survie du caribou forestier », a été soutenue avec succès en mai dernier. Elle a été réalisée sous la direction de Jean-Pierre Ouellet, recteur de l’UQAR, et la codirection de Christian Dussault, chercheur au ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs.
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