La revue Environmental Research Letters a publié ce printemps la première étude scientifique indépendante à se pencher sur les impacts environnementaux associés à l’exploration éventuelle du prospect Old Harry, dans le golfe du Saint-Laurent. Cette étude des professeurs Daniel Bourgault et Dany Dumont, de l’UQAR-ISMER, Frédéric Cyr, chercheur postdoctoral au Netherlands Institute for Sea Research, et Angela Carter, politologue à l’Université de Waterloo, caractérise la dispersion de polluants autour d’Old Harry et invite à poser un regard critique sur le processus régulatoire entourant le développement des hydrocarbures dans le golfe du Saint-Laurent.
Les courants de surface dans le golfe du Saint-Laurent, influencés notamment par le vent, les marées et la banquise, sont très variables, ce qui rend particulièrement difficile la prévision de la trajectoire et de la dispersion d’un polluant. L’étude tient compte de cette variabilité pour caractériser, à partir d’un grand nombre de simulations, les zones les plus à risque d’être touchées par un déversement à Old Harry. Pour réaliser les simulations, les chercheurs ont utilisé les prévisions horaires des courants issues du modèle opérationnel d’Environnement Canada et disponibles en ligne à travers l’Observatoire global du Saint-Laurent.
À l’aide d’un traceur virtuel, ils ont simulé un déversement par semaine pour toute l’année 2012 pour trois scénarios, soit des déversements d’une durée de 1, 10 et 100 jours. Plus de 150 simulations ont donc été réalisées. « Il ne s’agit pas de simulations de déversement d’hydrocarbure. L’exercice visait à suivre la trajectoire d’un colorant afin d’anticiper le comportement des courants autour d’Old Harry », précise le professeur Bourgault.
Les côtes de Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse seraient les plus susceptibles d’être touchées en cas de déversement. « Nos résultats suggèrent, par ailleurs, qu’en cas d’un déversement limité ou intermédiaire, soit d’une journée à dix jours, le risque que les Îles-de-la-Madeleine soient affectées se situe entre 5 à 10 %. En revanche, si le déversement est majeur et dure jusqu’à 100 jours, c’est toute la partie est du golfe du Saint-Laurent qui est susceptible d’être affectée, dont une probabilité de plus de 50% pour les Îles-de-la-Madeleine », explique M. Bourgault.
Les auteurs ont aussi produit une vidéo qui vulgarise l’essentiel de leur recherche. Cette vidéo est publiée sur le site d’Environmental Research Letters (version anglaise, version française).
Selon les auteurs de l’article, les connaissances scientifiques sont loin d’être suffisantes pour dresser un portrait juste et complet des conséquences de déversements pétroliers sur l’écosystème du golfe. « Notre étude n’est encore que préliminaire et, surtout, elle n’est basée pour le moment que sur des simulations numériques. Il y a actuellement un manque criant de mesures de terrain sur le site même d’Old Harry et nous espérons aller recueillir des données dans la prochaine année, si nous obtenons les fonds nécessaires. », ajoute M. Bourgault.
Or, à la suite de la publication de l’article dans Environmental Research Letters, MM. Pier Gagné et Jean-Pierre Rogel de l’émission Découverte de Radio-Canada ont approché ce printemps M. Dumont et M. Bourgault dans le cadre d’un documentaire sur Old Harry actuellement en production. « Lorsque nous avons appris que l’équipe de Découverteprévoyait déjà aller prendre des images sur le site même d’Old Harry, à bord d’un crabier, nous avons sauté sur l’occasion pour leur demander de déployer pour nous trois bouées dérivantes. En collaborant avec Radio-Canada, nous avions là une opportunité unique d’obtenir des premières mesures des courants de surface dès cet été », raconte M. Dumont.
Trois bouées équipées d’un système de positionnement accessible en temps réel ont donc été déployées par l’équipe de Découverte le dimanche 29 juin, sur le site même d’Old Harry, tout près de la bouée océnographique Viking IML-10. Ces trois bouées dérivantes représentent les toutes premières mesures de terrain qui nous aideront à comprendre la circulation de l’eau de surface et la dispersion autour d’Old Harry. « J’ai bien hâte de voir les trajectoires de ces bouées dans les prochains jours et semaines. Je ne serais pas surpris que ces bouées nous révèlent des comportements encore insoupçonnés et nous force à revisiter et à améliorer nos méthodes de prévisions. L’Océan nous réserve parfois bien des surprises! », lance Daniel Bourgault.
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