La Chaire de recherche en géoscience côtière de l’UQAR a développé une expertise de pointe sur les risques naturels. Mariant la science fondamentale et la science appliquée, les travaux menés par une centaine d’étudiants et de chercheurs dans tout le Québec maritime permettent de faire avancer les connaissances sur la dynamique des systèmes côtiers dans un contexte de changements environnementaux.
Au Québec maritime, pas moins de 2100 kilomètres de côtes sont sensibles à l’érosion et 43 % des côtes sont potentiellement à risque de submersion. Sous la gouverne du professeur de géographie Pascal Bernatchez, une équipe de chercheurs consacre ses recherches, depuis 2003, à la dynamique et à la gestion intégrée des zones côtières ainsi qu’aux causes naturelles et anthropiques qui influencent l’érosion côtière dans une perspective de développement durable des littoraux et à la déglaciation et aux variations du niveau marin dans l’Est du Québec.
Le professeur Bernatchez est le titulaire, depuis 2007, de la Chaire de recherche en géoscience côtière. Financée par le gouvernement du Québec, cette chaire a établi des collaborations avec divers professeurs de l’UQAR et de l’ISMER, dont les géographes Bernard Hétu, Thomas Buffin-Bélanger, Guillaume Marie et Simon Bélanger, la géochimiste Gwénaëlle Chaillou et les océanographes Simon Senneville, Dany Dumont, Guillaume St-Onge et Urs Neumeier.
Se concentrant principalement sur l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent, les travaux de la Chaire de recherche en géoscience côtière sont particulièrement importants pour l’aménagement et la compréhension de la dynamique des zones côtières du Québec maritime. Au fil des ans, la chaire a collaboré avec plus d’une soixantaine de partenaires gouvernementaux, municipaux, privés et organismes à but non lucratif.
« L’Est du Québec est une région exceptionnelle pour les travaux de la Chaire de recherche en géoscience côtière. Nous avons parmi les milieux les plus diversifiés dans le monde – cela est dû à leur histoire géologique. On retrouve sur les côtes du Québec maritime une diversité de types de système côtier et de processus d’érosion qui, d’un point de vue de la recherche, est très intéressante pour les chercheurs de partout dans le monde », observe M. Bernatchez.
Le Québec maritime a la particularité d’avoir des côtes « relativement naturelles » comparativement à des côtes qui ont été altérées de façon importante par l’activité humaine, explique le professeur Bernatchez. « Que ce soit en Europe ou aux États-Unis, nous avons souvent de la difficulté à départager les causes naturelles des causes humaines dans l’évolution des systèmes côtiers. Or, dans le Québec maritime, on retrouve des milieux où les interventions humaines datent d’au plus un ou deux siècles. Alors, nous sommes en mesure de départager la composante naturelle de la composante humaine – ou anthropique – avec différents outils et d’en arriver à faire des projections sur les vitesses de recul dans le futur. »
Les changements climatiques sont l’un des facteurs qui influencent le plus la dynamique des zones côtières. La Chaire de recherche en géoscience côtière dispose d’ailleurs de plusieurs outils pour les étudier. Un réseau de 4200 stations de mesure et d’une cinquantaine de caméras, disposées aux quatre coins du Québec maritime, permet aux chercheurs de suivre l’évolution de l’érosion côtière.
Plusieurs centaines d’infrastructures dans l’Est du Québec, comme des résidences, des commerces et des routes, sont en outre dans la mire des chercheurs de l’UQAR. « Cela permet d’avoir un état de la situation d’année en année, de voir s’il y a des infrastructures qui sont plus vulnérables que d’autres et de conseiller les responsables en sécurité civile pour intervenir de façon préventive ou en urgence », précise le titulaire de la Chaire de recherche en géoscience côtière.
Inventaire historique des intempéries
L’année dernière, la Chaire de recherche en géoscience côtière a mené une étude sur les intempéries qui sont survenues dans l’Est du Québec entre 1880 et 2010. Tous les événements ayant provoqué des dommages sur les côtes du Québec maritime, comme des glissements de terrain, la submersion et l’érosion par les vagues, ont été relevés. Pour ce faire, un groupe de chercheurs a passé en revue les journaux de Charlevoix, de Chaudière-Appalaches, de la Côte-Nord, du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. Des documents d’archives et des bases de données des ministères de la Sécurité publique et des Transports ont aussi été étudiés.
En tout, 392 événements provoquant des dommages sur les côtes à travers le Québec maritime ont été répertoriés, dont 292 événements depuis 1960. « Dans la décennie 2000 à 2010, il y a eu pratiquement trois fois plus d’événements qui ont causé des dommages que les périodes précédentes (1960-1999). De façon générale, nous sommes en train de cibler comme facteur la réduction de la largeur et de l’épaisseur des plages », note le professeur de géographie.
Les plages sablonneuses ont comme fonction naturelle d’absorber l’énergie des vagues et, conséquemment, de réduire l’érosion. « Au cours des recherches que nous avons menées ces dernières années, nous avons constaté une réduction de la largeur des plages allant de 60 % à 70 %, et même à 80 % dans certains cas. Certaines plages ont même disparu complètement », souligne le professeur Bernatchez.
Deux hypothèses ont été avancées par l’équipe de la Chaire de recherche en géoscience côtière pour expliquer la réduction récente de la largeur des plages : la réduction de la couverture de glace côtière durant l’hiver et l’augmentation des murets, des enrochements et des structures rigides le long des côtes. « Ces structures provoquent une réflexion des vagues, un peu comme un miroir, et ont pour effet d’abaisser la surface de la plage et de réduire la largeur de la plage », précise Pascal Bernatchez.
Les données historiques contenues dans le répertoire des intempéries apportent un éclairage important aux chercheurs de la Chaire quant à leurs prévisions. « Nous sommes en train d’analyser les conditions climatiques et les conditions de vagues qui ont entraîné ces événements pour établir des seuils à partir desquelles une tempête peut provoquer des dommages au Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie, sur la Côte-Nord et aux Îles-de-la-Madeleine », indique le professeur Bernatchez.
Submersion côtière
La hausse appréhendée du niveau de la mer amène la Chaire de recherche en géoscience côtière à porter sa programmation de recherche sur cette question au cours des prochaines années. De 1900 à 2009, le niveau mondial de la mer a augmenté de 1,7 millimètre par année en moyenne. Or, de 1993 à 2011, le niveau a connu une hausse de 3,2 mm. « La submersion côtière va devenir, à l’échelle planétaire, l’aléa numéro un », s’attend le géographe de l’UQAR.
Devant ce constat, les autorités municipales, provinciales et fédérales doivent se mettre en mode prévention, estime le titulaire de la Chaire de recherche en géoscience côtière. « Il faut commencer à agir, car les événements comme celui du 6 décembre 2010 vont être de plus en plus fréquents. D’autant plus que la plupart des tempêtes surviennent pendant l’hiver et que le couvert de glace protège de moins en moins les côtes. »
Récemment, une modélisation des glaces de mer et côtières dans le Québec maritime a été réalisée par l’équipe de la Chaire et les professeurs Simon Bélanger, de l’UQAR, et Dany Dumont, de l’UQAR-ISMER, et l’agent de recherche Simon Senneville, également de l’ISMER. Les résultats de cette recherche ont démontré que le couvert de glace côtière diminuera en moyenne de 40 à 50 jours d’ici 2055.
« Cette réduction de la couverture de glace est l’un des changements majeurs à l’échelle de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent dans le contexte du réchauffement des températures et des changements climatiques. Cela va probablement amplifier les phénomènes de submersion et d’érosion », prévoit le titulaire de la Chaire de recherche en géoscience côtière.
L’une des solutions envisagées par les chercheurs pour préserver les zones côtières consiste à ajouter du sable sur les plages à risque. « C’est une alternative qui est très fréquemment utilisée en Europe et aux États-Unis, mais très peu au Québec. Or, nous avons eu des mers postglaciaires qui ont recouvert la plaine du Saint-Laurent et nous avons beaucoup de sources de sable. Ce qui est généralement onéreux dans la recharge en sable, c’est d’aller chercher cette ressource. Il faut utiliser les bonnes solutions en fonction des dynamiques côtières », conclut M. Bernatchez.
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