Le flétan de l’Atlantique a effectué un retour en force dans le golfe du Saint-Laurent depuis une douzaine d’années. Prisé pour sa valeur commerciale, ce poisson de fond fait l’objet de travaux de recherche novateurs pour assurer une gestion durable du stock. Recourant à une technologie de pointe, le professeur Dominique Robert suit à la trace les migrations saisonnières de ce poisson emblématique du Canada.
Dans les années 1950, le flétan de l’Atlantique est pratiquement disparu du golfe du Saint-Laurent. La surpêche en serait la principale cause. Puis, en 2005, il amorçait un retour spectaculaire. Cette fois, c’est le réchauffement des eaux du golfe qui en serait la principale raison. « Nous sommes dans une période de transition pour les pêcheries du nord-ouest de l’Atlantique, incluant le golfe du Saint-Laurent. Nous sommes en train de passer d’un régime océanographique d’eau froide à un régime d’eau chaude », observe le professeur Robert, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écologie halieutique.
Cette variation environnementale a entraîné des changements dans la répartition des espèces présentes dans le golfe du Saint-Laurent. Si les stocks de la crevette nordique, du crabe des neiges et du turbot sont en déclin, ceux d’autres espèces de poissons comme la morue, le sébaste et le flétan sont en hausse. « Pour éviter une mauvaise gestion des stocks et une surexploitation, il faut pallier un manque de connaissances de certaines espèces dont nous avons perdu le contact avec le temps, en particulier le flétan », indique Dominique Robert.
Pouvant atteindre une longueur de 2,5 mètres et un poids de plus de 600 livres à l’âge adulte, le flétan de l’Atlantique est le poisson de fond dont la valeur commerciale par unité de poids est la plus élevée au Canada atlantique. Les pêcheurs vendent leurs prises 6 $ la livre en moyenne, une valeur dix fois plus élevée que celle de la morue. Malgré un quota jugé conservateur, la valeur commerciale du flétan s’est chiffrée, en 2015, à plus de 51 M$ au Canada.
Il y a ainsi un intérêt économique majeur pour l’industrie à bien comprendre la dynamique de cette espèce qui est appréciée par des consommateurs de partout dans le monde. « On part d’assez loin avec le flétan. Pour le moment, on ne sait pas bien où se trouve le poisson à différents moments de l’année ni où il se reproduit. Nous avons des données partielles et une idée générale de sa distribution, mais pas assez pour établir des quotas représentatifs de son abondance », mentionne le professeur Robert.
Marquage satellite
Le manque de connaissances sur le flétan de l’Atlantique est sur le point d’être une chose du passé. Au cours des dernières années, le professeur de l’UQAR-ISMER et des collègues de Terre-Neuve ont eu recours au marquage satellite pour suivre le comportement du poisson de fond dans le nord-ouest du golfe du Saint-Laurent. « Les sondes installées dans les étiquettes satellites nous permettent de déterminer les préférences de température et de profondeur du flétan sur une période d’un an. Les sondes enregistrent des données toutes les 5 secondes. Les étiquettes sont programmées pour se détacher après un an et transmettre par satellite un sommaire de leurs données, mais on peut aussi les récupérer pour en extraire l’ensemble des données », explique le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écologie halieutique. Ces données de profondeur et de température peuvent ensuite être utilisées pour estimer la trajectoire de chaque poisson marqué au cours de l’année.
Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) a récemment confirmé le financement d’un programme de recherche sur le flétan de l’Atlantique qui sera dirigé par le professeur Robert au cours des trois prochaines années. Des travaux seront menés en collaboration avec Pêches et Océans Canada pour déterminer les zones de ponte, les nourriceries de juvéniles et les déplacements du flétan dans l’ensemble du golfe du Saint-Laurent. Dans le cadre de ce programme, le professeur Robert et son équipe ont installé des étiquettes satellites sur des flétans dans plusieurs régions du golfe. « La prochaine étape, c’est de recueillir des données au large de Sept-Îles, de l’île d’Anticosti et de l’île du Prince-Édouard pour obtenir un portrait global du stock », précise Dominique Robert.
Des étudiantes et des étudiants des cycles supérieurs vont se pencher sur les données recueillies par les étiquettes satellites, qui permettront à Pêches et Océans Canada de cibler plus précisément les zones du golfe afin d’effectuer un relevé d’abondance représentatif de la distribution de la ressource. Déjà, les travaux de l’équipe du chercheur de l’Institut des sciences de la mer de Rimouski ont permis de déterminer une zone de ponte importante du stock de flétan dans le golfe du Saint-Laurent.
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