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Quel est le véritable pouvoir des communautés locales dans la gouvernance des aires marines et côtières?

Raphaëlle Dancette est étudiante au doctorat en gestion des ressources maritimes. (Photos : Joao Tavares)

Le déclin alarmant de la biodiversité associé aux impacts des changements climatiques et la fragilité de la biodiversité incite plusieurs états côtiers à mettre en place des aires marines protégées. Étudiante au doctorat en gestion des ressources maritimes, Raphaëlle Dancette a constaté sur l’île de Maio au Cap-Vert l’impact de la surpêche sur la subsistance de ses communautés. Ses constats en matière de gouvernance reflètent la vulnérabilité des collectivités dépendantes de la pêche à l’heure de la mondialisation. 

L’archipel du Cap-Vert est composé de dix îles situées dans l’océan Atlantique, à 570 km au large des côtes du Sénégal, en Afrique de l’Ouest. La pêche constitue une activité économique importante de cet état insulaire où les pêcheurs s’approvisionnent notamment en langouste, en thon, en maquereau et en espadon.

Le Cap-Vert figure parmi les pays les moins peuplés d’Afrique (~500 000 habitants). Il a renouvelé en 2014 son partenariat avec les pays de l’Union européenne (UE) autorisant leurs navires à pêcher dans ses eaux territoriales. En retour, l’UE lui verse une contrepartie financière annuelle moyenne de 525 000 euros. Le territoire du Cap-Vert fait partie de la zone d’un réseau d’aires marines protégées en Afrique de l’Ouest (RAMPAO) créé en 2007 dans le but de maintenir la conservation de la biodiversité́ et des habitats marins et côtiers pour le bien-être des communautés locales.

Raphaëlle Dancette a séjourné durant quatre mois au Cap-Vert afin de recueillir auprès des différents acteurs du milieu marin leur vision de celui-ci. Elle a cherché à comprendre les relations qu’ils entretiennent avec leur territoire, afin d’intégrer leurs préoccupations à la gouvernance des aires marines protégées.

Elle est dirigée par le professeur à l’Institut des sciences de la mer (ISMER) spécialiste en halieutique et titulaire de la Chaire UNESCO en analyse intégrée des systèmes marins Jean-Claude Brêthes. La chercheure est également codirigée par la professeure spécialiste de la gouvernance des ressources naturelles à l’Université de Toulouse Léa Sébastien.

La chaire UNESCO en analyse intégrée des systèmes marins de l’ISMER est basée sur une étroite collaboration nord-sud entre l’ISMER et les pays d’Afrique de l’Ouest (Sénégal, Mauritanie et Cap-Vert). Première chaire UNESCO dans le domaine maritime au Canada, elle poursuit notamment les objectifs de développer des réseaux d’aires marines protégées afin de favoriser la conservation de la biodiversité marine et d’analyser l’impact des pêcheries sur la structure des écosystèmes.

Une analyse des gouvernances des aires marines protégées

Dans le cadre de son doctorat, Raphaëlle Dancette a comparé les gouvernances officielles de jure (selon les textes gouvernementaux, lois, déclarations officielles, etc.), les gouvernances de facto (modes de prise de décision effectifs sur le terrain) et la gouvernance désirée par les pêcheurs, vendeuses de poissons, gestionnaires locaux et nationaux et simples citoyens préoccupés par la préservation du milieu.

« J’étudie la communauté de l’île de Maio, une petite collectivité de 7000 habitants dont la survie dépend directement des fruits de la pêche. Les résultats de mes entretiens ont révélé que malgré une forte volonté affichée du gouvernement de faire participer les communautés à la prise de décision concernant leur milieu marin, cette participation est souvent limitée aux projets de conservation (ou de restriction de la pêche locale) dont la responsabilité leur incombera. De plus, les communautés sont parfois totalement exclues du processus de décision, comme dans le cas des accords de pêche avec des pays étrangers menant au déclin des stocks de thons dont elles dépendent directement », explique la chercheure.

Même si l’île de Maio se trouve en Afrique de l’Ouest, à des milliers de kilomètres du Canada, la réalité des habitants peut se transposer à plusieurs autres communautés de petites régions insulaires. « Si la gouvernance participative de jure était véritablement mise en œuvre, les décideurs nationaux et locaux délègueraient davantage de pouvoir et de moyens aux communautés insulaires comme celle de Maio. Or, comme plusieurs gouvernements centraux se sentent redevables des pays leur fournissant de « l’aide au développement », les décisions peuvent entrer en conflit avec les intérêts des populations locales », précise-t-elle.

Le projet de recherche de Raphaëlle Dancette met en lumière les accords de pêches inéquitables que certains pays insulaires sont contraints d’accepter, sans disposer de la capacité financière et technique à contrôler les pratiques des flottes étrangères dans leurs eaux territoriales. « Avec la mondialisation des marchés, nous, habitants de l’hémisphère nord, consommons de plus en plus de poissons, sans en connaître le véritable coût humain associé. Faire prendre conscience de la réalité des pays en voie de développement nous permet ainsi de faire des choix en accord avec un développement plus durable et équitable », souligne Mme Dancette. Diplômée de l’UQAR au baccalauréat en biologie, concentration en sciences marines, Raphaëlle Dancette s’est ensuite inscrite au doctorat en gestion des ressources maritimes afin de mieux analyser les politiques et les pratiques de gestion dans ce secteur. .

 

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