Les surfaces artificielles immergées en milieu marin sont très rapidement colonisées par les organismes indigènes du milieu. Cette colonisation biologique, appelée biofouling ou « salissures marines », impacte tous les substrats immergés que ce soit les filets, les infrastructures marines, les équipements océanographiques ou les coques de navires. Le biofouling représente une problématique majeure non seulement pour la conservation du milieu marin via le transfert d’espèces, potentiellement invasives, par les coques de navires colonisées, mais aussi pour l’économie maritime internationale en général. En effet, le biofouling génère une réduction de l’hydrodynamisme des navires et par conséquent des coûts supplémentaires en carburant et des émissions accrues de gaz à effet de serre.
La colonisation d’une surface se fait en plusieurs étapes tel que représenté sur l’image ci-bas. Tout d’abord, un film conditionneur, composé essentiellement de macromolécules organiques et inorganiques, se forme sur la surface. Ce film permet l’adhésion des bactéries qui forment, dès les premières heures d’immersion, un biofilm bactérien sur la surface immergée. Ce biofilm permet quant à lui l’installation de microalgues (microfouling) puis de macroorganismes (macrofouling) sur les surfaces immergées.
Afin de lutter contre cette colonisation biologique sur les surfaces immergées, des peintures antifouling ont été développées. Jusqu’en 2008, ces peintures étaient majoritairement à base de Tributylétain (TBT), un puissant biocide maintenant interdit en raison de sa toxicité pour les milieux naturels. Aujourd’hui, la majorité des peintures utilisées dans l’industrie maritime agissent toujours par relargage d’agents biocides moins toxiques dans le milieu, ce qui n’est pas sans effet pour les écosystèmes. Afin de proposer une alternative dans la lutte contre le biofouling, la création de nouveaux types de peintures plus écologiques est un enjeu important pour permettre le développement durable de l’industrie maritime.
L’une des alternatives aux peintures antifouling traditionnelles sont les peintures dites « fouling release » qui, en générant une surface lisse et hydrophobe, rendent les surfaces immergées inadéquates à l’installation du biofilm bactérien qui est la première étape essentielle à la formation du biofouling.
C’est dans ce contexte que s’insère mon doctorat en océanographie à l’UQAR/ISMER sous la direction de Karine Lemarchand, professeure à l’UQAR/ISMER, et la codirection de Jean-François Briand, maître de conférences à l’Université de Toulon en France. Mon projet vise à caractériser la diversité microbienne des biofilms dans la mer Méditerranée à Toulon en France et dans l’estuaire du Saint-Laurent à Rimouski au Québec, deux milieux marins contrastés, afin de déterminer les paramètres structurant ces communautés, qu’ils soient environnementaux tels que la température, la salinité, l’abondance de nutriments et la teneur en métaux ou issus des propriétés physicochimiques des peintures antifouling sans biocides comme la rugosité et l’hydrophobie.
Des immersions saisonnières de différentes peintures antifouling dans l’estuaire du Saint-Laurent au large de Rimouski au Québec et dans la mer Méditerranée dans la rade de Toulon en France nous permettent d’analyser l’installation et le développement des biofilms sur ces revêtements. À l’aide de séquençages d’ADN et d’outils quantitatifs (microscopie confocale, cytométrie en flux) nous caractérisons les communautés microbiennes et la maturation des biofilms en analysant le pourcentage de recouvrement, l’abondance et la viabilité cellulaire de ces biofilms. Nous mettons ensuite ces résultats en lien avec les caractéristiques physicochimiques du milieu et des peintures antifouling afin de déterminer quels paramètres influencent davantage la colonisation des surfaces immergées et quelles populations microbiennes dominent les biofilms formés. Ces résultats permettront d’améliorer les peintures antifouling en développement et de les rendre efficaces dans des milieux marins présentant des conditions très différentes.
Mon doctorat s’intègre au sein du projet REVAP (REVêtement Antifouling Propre) financé par le ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec cherchant à développer une peinture antifouling efficace, universelle et écologique, sans relargage de biocide. Il est réalisé en collaboration avec l’entreprise Les Enduits MIRAPAKON Inc. (Québec, QC) qui se spécialise dans la synthèse de peintures antifouling écologiques sans biocides.
(Crédit photo : Anne-Hélène Prime)
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