La diplômée de l’UQAR en enseignement secondaire, Denise Lemieux, a un parcours vraiment particulier. Après avoir enseigné quelques années en suppléance à Montréal, elle s’est retrouvée dans le Nord-du-Québec, dans le village nordique de Kuujjuarapik. Sa mère enseignait sur place et un accident l’empêchait alors de poursuivre ses activités d’enseignement. C’est donc Denise Lemieux qui a terminé l’année scolaire! Elle y aura finalement enseigné quelques années pour ensuite entreprendre un défi professionnel hors de l’ordinaire en compagnie de son père. Rencontre avec une fière Gaspésienne énergique et fort vaillante.
Ruée vers le Nord…
Quelle aventure! J’étais à Montréal lorsque ma mère, qui enseignait alors les mathématiques et la physique de niveau secondaire à Kuujjuarapik, s’est cassé une jambe! Le village vivant au même moment une pénurie d’enseignants et de logements, j’ai décidé d’y tenter ma chance comme enseignante, tout en demeurant avec ma mère. J’ai alors passé les tests et les entrevues à partir de Montréal pour la Commission scolaire Kativik et cela a fonctionné. C’est ainsi que j’ai terminé l’année scolaire francophone débutée par ma mère auprès de jeunes Inuits, et ensuite j’ai enseigné l’automne suivant du côté Cris en anglais! J’y ai enseigné les mathématiques et la physique, ce qui fut tout un défi d’enseigner ces matières en anglais.
Par la suite, j’ai pu pourvoir à un poste disponible à l’école Inuit en arts plastiques et j’y suis restée quatre
ans pour le primaire et le secondaire. J’enseignais les arts visuels en français et en anglais aux jeunes du
primaire et de secondaire 1 à 5. Les jeunes du primaire étaient plus nombreux dans les classes, car le taux de décrochage était malheureusement assez élevé chez les plus vieux.
Une réalité différente…
C’était nettement plus difficile de les intéresser pour la physique ou les mathématiques, car les jeunes avaient peu d’intérêt pour les résultats scolaires. Mis à part quelques-uns, c’était une dynamique très différente. L’école était bien souvent considérée par les élèves comme un endroit sécuritaire, et il y avait le Club des petits déjeuners pour nourrir les plus démunis. Certains se couchaient directement sur le plancher, ce qu’ils n’avaient pu faire dans leur maison surpeuplée où il se passait parfois toutes sortes de choses. Comme enseignante, il fallait savoir manoeuvrer devant certaines situations difficiles afin d’aider les jeunes.
Les élèves aimaient davantage les arts visuels, parce que c’était plus concret pour eux que les mathématiques ou la physique. En fait, ces deux matières accéléraient le décrochage scolaire chez certains. Ils ne comprenaient pas à quoi cela allait leur servir là-bas. Mon expérience en arts visuels pendant quatre années à l’école Inuit fut très plaisante.
J’ai ensuite choisi de descendre travailler au Saguenay afin de suivre mon conjoint actuel, rencontré dans le Nord alors qu’il y travaillait comme contractuel. J’ai enseigné deux ans en histoire à Alma, au Saguenay, à l’école secondaire Camille-Lavoie. C’est alors qu’une occasion vraiment particulière s’est présentée dans mon village natal de Grande-Vallée, en Gaspésie. Une des épiceries du village était à vendre et elle se trouvait dans un bâtiment appartenant à la famille. Comme il n’y avait pas d’acheteur intéressé, je me suis dit pourquoi pas! Voilà une belle occasion de retourner à la maison. J’ai alors acquis l’épicerie avec mon défunt père qui avait 70 ans à l’époque. Elle se nomme l’Épicerie Lemieux. Ce fut le début d’une nouvelle aventure qui se concrétisa en octobre 2017.
Un parallèle entre l’enseignement et l’épicerie…
Être propriétaire d’une épicerie de village représente énormément de travail. J’y passe plus de 65 heures par semaine et mon équipe compte vingt personnes. Des étudiantes et étudiants l’été et du personnel régulier au cours de l’année. Comme à l’école, je dois fais preuve d’une grande patience et constamment répéter les directives. De plus, je dois continuellement encourager mon équipe pour éviter le décrochage en plus de voir à leur formation et m’assurer que ceux-ci se présentent au travail.
Je développe actuellement des outils de gestion avec des lignes directrices claires et un tableau des apprentissages afin de former adéquatement mes employées et employés à devenir le plus polyvalents possible. C’est une façon de me sécuriser également, car je pourrai ensuite les laisser travailler en toute confiance. C’est exactement comme un plan de formation à l’école où j’intègre différents apprentissages avec des évaluations périodiques! Mon épicerie s’apparente à une grande classe puisqu’il arrive constamment de nouveaux visages, car nous ne pouvons offrir de gros salaires en dehors de postes comme boucher, cuisinier ou gérant. Je dois également renouveler mes employé.e.s étudiantes et étudiants régulièrement, comme plusieurs vont quitter la région pour les études à la fin du secondaire. Heureusement, on me décrit comme étant une personne très vaillante, et je crois que c’est effectivement le cas!
Je suis très fière de m’investir dans mon coin de pays et d’avoir choisi d’y revenir en 2017!
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