Les simulateurs de croissance sont des outils permettant aux gestionnaires de forêt de prévoir un aménagement sylvicole efficient. Les simulateurs actuellement utilisés sont moins précis pour les plantations avec beaucoup de régénération naturelle comme celles de l’Est-du Québec. Une équipe de l’UQAR a développé un simulateur à l’échelle de l’arbre pouvant servir à comparer des scénarios sylvicoles adaptés à ce type de forêt.
Cotitulaire de la Chaire de recherche sur la forêt habitée, le professeur Robert Schneider a dirigé une équipe qui a mis au point un simulateur de croissance des épinettes en plantation (CEP). Amorcé en 2013, le projet de recherche s’est déroulé dans des sous-domaines bioclimatiques de la sapinière à bouleau jaune et à bouleau blanc de l’Est-du-Québec, dont la régénération naturelle peut représenter jusqu’à 40 % de la composition des plantations. Près de 100 placettes-échantillons permanentes ont été installées dans 48 plantations du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, couvrant différents types écologiques de même qu’une densité de peuplement et de hauteurs dominantes variées.
Deux plantations d’épinette blanche ont été utilisées par l’équipe de recherche pour valider leur simulateur de croissance. Trois traitements assignés aléatoirement ont été évalués, soit un traitement témoin sans éclaircie, un traitement avec une éclaircie au bas, où généralement les plus petits arbres sont récoltés – représentant environ 30 % de la surface terrière – et un traitement avec une éclaircie par dégagement de 50 et de 100 arbres élites à l’hectare de leurs compétiteurs directs. Différentes variables ont été prises en compte pour tester le simulateur, dont l’espèce et le diamètre à hauteur de poitrine de tous les arbres, la hauteur des arbres dominants, l’âge de la plantation et la forme et la taille de la parcelle.
« Les résultats des simulations montrent que les traitements d’éclaircie n’ont pas diminué la productivité des peuplements », indique le professeur Schneider. « Ceci écarte les craintes d’une baisse de rendement des peuplements quand l’éclaircie menant à la conversion de peuplements réguliers, ou équiennes, en peuplements inéquiennes, et ce, pour au moins les 25 premières années. En revanche, l’indice d’agrégation spatiale des arbres, soit une mesure de la répartition spatiale des arbres, dans les peuplements éclaircis a été inférieur à celui des peuplements témoins. Aussi, cet indice demeure stable selon les simulations sur 25 ans dans les traitements d’éclaircie alors qu’il baisse avec l’âge du peuplement pour le traitement témoin. »
Contrairement aux autres simulateurs conçus pour les plantations, le simulateur de croissance des épinettes en plantation a l’avantage d’intégrer la diversité des essences présentes. « CEP permet ainsi de choisir entre des indices de compétition dépendants ou indépendants de la distance entre les arbres. Il est alors possible de simuler de nouvelles pratiques sylvicoles autres que celle de l’éclaircie par le bas et d’analyser leurs effets sur la structure spatiale du peuplement. Ceci lui confère plus de versatilité selon les spécificités des traitements et des peuplements », précise le cotitulaire de la Chaire de recherche sur la forêt habitée.
D’autres paramètres seront à prendre en compte pour réaliser des prévisions à plus long terme, observe M. Schneider. « Le développement de la régénération, les interactions avec les changements des conditions climatiques et l’effet de la défoliation par les insectes ravageurs tels que la tordeuse des bourgeons de l’épinette, sont des données à prendre en considération pour avoir une modélisation robuste à plus long terme. »
Dirigé par le professeur Schneider, le projet de recherche a été réalisé par Tony Franceschini, Alexa Bérubé-Deschênes, Laurie Dupont-Leduc et Sophie Proudfoot de l’UQAR, Emmanuel Duchateau et Hugues Power du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec et François de Coligny de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement de France. Les résultats de cette recherche ont été publiés dans l’European Journal of Forest Research l’hiver dernier.
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