Une équipe de l’UQAR vient de publier dans le journal Proceedings of the Royal Society of London les résultats d’une recherche qui montre que le réchauffement du climat en Arctique risque d’hypothéquer la reproduction des plectrophanes des neiges, ces oiseaux qui sont réputés pour leur acclimatation au froid. Un constat inquiétant pour la communauté scientifique.
Le professeur en biologie François Vézina et son équipe s’intéressent depuis des années au plectrophane des neiges (Plectrophenax nivalis). Ce passereau reproducteur de l’Arctique est un modèle d’adaptation aux conditions froides. « Nos calculs indiquent que cet oiseau de seulement 30-40g pourrait théoriquement endurer des températures allant jusqu’à -90°C! », illustre le professeur Vézina, qui est un spécialiste de la physiologie des oiseaux.
Or, le réchauffement de l’Arctique pourrait avoir impact direct sur le comportement du plectrophane des neiges, révèle un article signé par le chercheur postdoctoral en biologie Ryan S. O’Connor et ses collègues Audrey Le Pogam et les professeurs François Vézina et Dominique Berteaux, de l’UQAR, Oliver P. Love, de l’Université de Windsor, Anna L. Hargreaves, Emily S. Choy et Kyle H. Elliott, de l’Université McGill, Kevin G. Young, de l’Université Western, Christopher J. Cox, de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique, H. Grant Gilchrist, d’Environnement Canada, et Andrew Tam, de la Défense nationale. Gabrielle Roy et Francis Robitaille ont aussi participé à l’étude alors qu’ils étudiaient au baccalauréat en biologie de l’UQAR.
Cette étude découle d’observations effectuées à la volière de l’UQAR. « Pendant l’été, nous avons constaté que les plectrophanes des neiges ne sont pas très actifs lorsqu’il fait chaud. Ils se mettent même à haleter pour se refroidir lorsqu’ils sont actifs pendant les pics de chaleur estivale. Or ces oiseaux sont rarement exposés à nos températures en été. Nous avons alors voulu déterminer à partir de quelle température ressentie ces oiseaux seraient forcés de changer leur comportement dans leur habitat naturel en Arctique pour éviter la surchauffe pendant la reproduction », relate le professeur Vézina.
Les travaux de recherche ont été effectués pendant l’été 2019 à Alert, dans le Haut-Arctique, ainsi qu’à East-Bay dans le Bas-Arctique. Des oiseaux imprimés en 3D munis de consignateurs de données ont été utilisés pour mesurer la température ressentie par les plectrophanes sur leur territoire de reproduction pendant la période correspondant au pic d’effort reproducteur. Ces données ont ensuite été combinées à des mesures physiologiques réalisées sur des oiseaux au laboratoire de l’UQAR à Alert.
Les résultats ont confirmé la crainte des chercheuses et des chercheurs. « En considérant l’effet du rayonnement solaire et la chaleur générée par l’exercice, les plectrophanes pourraient être forcés d’adapter leur comportement à partir de températures ressenties aussi faible que 12°C pour éviter la surchauffe pendant l’approvisionnement des oisillons. Par exemple, en réduisant l’effort physique ou en travaillant d’avantage lorsque la température est plus froide, ce qui pourrait avoir un impact sur la croissance des oisillons et le succès reproducteur. Si les oisillons restent au nid plus longtemps parce que leur croissance est plus lente, ils sont plus susceptibles d’être découverts par des prédateurs », indique le professeur de biologie de l’UQAR. Avec le réchauffement rapide de l’Arctique, ces scénarios pourraient affecter le succès de reproduction d’une espèce déjà en fort déclin », souligne Ryan S. O’Connor.
L’alimentation des oisillons demande un effort exigeant aux plectrophanes, ajoute le professeur Vézina. « Les plectrophanes n’ont qu’environ 13 jours entre l’éclosion et l’envol des oisillons. Ils ne prennent que quelques heures de pause par jour. Le reste du temps, ils doivent faire la navette entre un site d’alimentation et le nid en volant pour apporter des insectes aux jeunes. Or le vol génère beaucoup de chaleur qui s’additionne à celle reçu par le rayonnement solaire quasi permanent. On a comparé cette période critique chez des oiseaux comme les plectrophanes au tour de France pour des athlètes humains. »
L’équipe de recherche a par ailleurs comparé l’environnement thermique des plectrophanes entre le Haut-Arctique et le Bas-Arctique. « Nous nous attendions à ce que les oiseaux du Bas-Arctique soient plus exposés aux conséquences des températures élevées que les oiseaux du haut Arctique. Mais nos résultats montrent plutôt que les oiseaux d’Alert pourraient en fait être en moins bonne posture que ceux de East-Bay », indique M. O’Connor.
Les travaux de l’équipe de recherche suggèrent en effet que la situation pourrait être plus critique dans le Haut-Arctique. « Au site de East Bay, dans le Bas-Arctique, le soleil descend suffisamment bas chaque nuit pour créer des périodes de températures favorables pour l’effort des oiseaux. Les plectrophanes pourraient donc maximiser l’effort pendant le soir et le matin. À Alert, nous avons 24 heures de lumière par jour. Alors, si le temps est nuageux, les conditions peuvent être bonnes pendant toute la période d’approvisionnement. Par contre, s’il fait soleil pendant plusieurs jours, les oiseaux pourraient être exposés à des températures au-dessus du seuil de surchauffe pendant une grande portion ou toute la période d’approvisionnement. L’impact pourrait être un échec de reproduction complet si les parents doivent fortement réduire leur effort », évoque le professeur Vézina.
Ces recherches qui ont mené à la publication de l’article « Warming in the land of the midnight sun : breeding birds may suffer greater heat stress at high – vs low – Arctic sites » publié dans Proceedings of the Royal Society of London ont reçu l’appui financier du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies. On peut télécharger l’article ici. L’équipe va poursuivre ses recherches afin de vérifier sur le terrain si ces prédictions se confirment dans le comportement des plectrophanes. « Nous espérons découvrir que les oiseaux des deux populations sont en mesure d’ajuster leur comportement pour tirer profit des périodes froides ou de leur micro environnement thermique », conclut le professeur Vézina.
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