La revue Nature Sustainability vient de publier une recherche de longue haleine qui analyse les mécanismes reliant le climat, le caribou et la capacité des chasseurs Gwich’in et Inuvialuit à satisfaire leurs besoins culturels et de subsistance. Une recherche signée par la diplômée au doctorat en sciences de l’environnement Catherine A. Gagnon, le professeur en biologie Dominique Berteaux et des membres de communautés autochtones.
En collaborant avec un programme de surveillance environnementale communautaire autochtone, soit Arctic Borderlands Ecological Knowledge Society (ABEKS), l’équipe de Mme Gagnon a pu analyser plus de 600 entrevues conduites sur neuf années auprès de 400 chasseurs autochtones de neuf communautés du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut. « L’interconnexion entre le climat, le caribou et le bien-être des populations autochtones associées au caribou a reçu peu d’attention jusqu’à maintenant. Pour combler cette lacune, nous avons réuni des connaissances autochtones et scientifiques dans un seul modèle, en utilisant comme exemple le système socio-écologique de la harde de caribous de la Porcupine », explique la chercheuse en biologie.
Les caribous migrateurs de la toundra sont en déclin presque partout en Amérique du Nord, poursuit Catherine A. Gagnon. « C’est probablement en raison de la variation naturelle de leurs populations, exacerbée par le changement climatique et les activités humaines. » Or, la harde de caribous de la Porcupine s’élève à 218 000 individus, alors qu’on en comptait 169 000 en 2010.
Dans le cas de ce troupeau, les printemps de plus en plus doux semblent avoir favorisé la croissance de sa population. « Or, nous voulions savoir ce qui en était des chasseurs, dans ce système humains-caribou. L’étude montre, entre autre, que la température et la profondeur de neige sont les variables environnementales qui ont le plus d’influence sur la perception qu’ont les chasseurs de la disponibilité du caribou, qui à son tour influence la décision d’aller chasser et la capacité de satisfaire les besoins en caribou. Contrairement aux effets positifs observés chez les caribous, les températures plus chaudes et les précipitations de neige moins importantes, en dégradant la capacité de voyager sur le territoire, ont des effets négatifs sur la perception, la chasse et, ultimement, la capacité à satisfaire ses besoins en caribou. »
L’étude publiée dans Nature Sustainability améliore la compréhension des relations complexes d’un système exposé à un changement climatique rapide. « Elle met en lumière les zones de force et de vulnérabilité et illustre la nécessité de prendre en compte la réalité humaine pour éviter des conclusions trompeuses lors de l’évaluation des impacts des conditions environnementales sur les moyens de subsistance. », indique Mme Gagnon. « Elle montre aussi les possibilités de maillage entre les savoirs autochtones et scientifique par des méthodes de recherche participative menant à des relations réciproques, à long terme. »
Les connaissances autochtones ont été reconnues comme essentielles à la base de connaissances des accords et des nouvelles politiques à adopter lors de la conférence des Nations Unies sur la biodiversité (COP15) tenue à Montréal, en décembre dernier. « Toutefois, ces connaissances sont encore sous-estimées et souvent mal comprises. Nous souhaitons que notre étude contribue à cette réflexion internationale sur l’apport des connaissances autochtones à notre compréhension des lien complexes entre le climat, la biodiversité et le bien-être humain », conclut Mme Gagnon,
On peut lire l’article « Climate, caribou and human needs linked by analysis of Indigenous and scientific knowledge » sur le site de la revue Nature Sustainability. L’étude est cosignée par Sandra Hamel (Université Laval), Don E. Russell (Yukon University), James André (ABEKS, Tsiigehtchic), Annie Buckle (ABEKS, Aklavik), David Haogak (Parks Canada, Inuvik), Jessis Pascal (ABEKS, Inuvik), Esau Schafer (ABEKS, Old Crow), Todd Powell (Yukon Government), Michael Y. Svoboda (Environnement et Changements Climatiques Canada) et le professeur Dominique Berteaux, de l’UQAR.
Depuis l’obtention de son doctorat en sciences de l’environnement, Catherine A. Gagnon a fondé le Cabinet-Conseil Érébia. Basée à Rimouski, l’organisation se spécialise dans les relations avec les communautés autochtones et dans la mobilisation et la mise en commun des savoirs autochtones et scientifiques au sein de projets de recherche ou de programme de surveillance environnementale.
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