Petit crustacé, grande importance!

Les copépodes, le groupe dominant largement le zooplancton, jouent un rôle majeur dans les réseaux trophiques océaniques en constituant un maillon primordial de la chaine alimentaire entre la production primaire et les poissons. Cependant, on ignore comment la diversité et la dynamique des copépodes affectent le flux d’énergie des producteurs primaires aux maillons supérieurs dans la zone de transition estuarienne du Saint-Laurent, entre l’Île d’Orléans et l’Isle-aux-Coudres. Or, cette région représente une pouponnière et un site d’alevinage crucial.

C’est dans cette zone de transition que l’on retrouve ce qu’on appelle « le bouchon vaseux ». Il s’agit d’une région de l’estuaire où l’eau a l’apparence d’une sorte de soupe brune épaisse. Cela peut se voir à partir du littoral de la rive sud, entre La Pocatière et Berthier-sur-Mer, ou, de la rive nord, à partir des collines de Charlevoix, entre l’Île d’Orléans et Baie-Saint-Paul. Cette zone renferme un écosystème très dynamique et hétérogène, caractérisé par la rencontre des eaux douces venant des Grands Lacs et des eaux salées venant du golfe du Saint-Laurent. Cette rencontre des eaux crée des forts gradients de salinité, de température et de matière en suspension. La circulation estuarienne renforce la rétention hydrodynamique et l’accumulation importante de biomasse, de matière en suspension, de plancton et de poisson, créant ainsi une zone de forte productivité biologique.

Le réseau trophique planctonique du bouchon vaseux est organisé longitudinalement. Les algues d’eau douce transportées dans le bouchon vaseux ont une forte production photosynthétique grâce à la turbulence qui leur permet d’être régulièrement transportées à la surface et exposées à la lumière. Cette production primaire soutient une grande densité de zooplancton, qui nourrit les prédateurs invertébrés, les larves et les jeunes poissons sur tout le tronçon du bouchon vaseux. Cette abondance de nourriture fait du bouchon vaseux un habitat essentiel et une pouponnière pour de nombreuses espèces de poissons, comme l’éperlan arc-en-ciel, le poulamon, l’alose savoureuse et, depuis son ré-établissement, le bar rayé. Même si ce réseau trophique est assez bien compris dans son ensemble, nous ne comprenons pas bien le détail des processus impliqués dans la production constante de biomasse. Particulièrement, la capacité de support de la zone de transition estuarienne n’est pas connue alors que cette capacité est souvent étroitement liée à la production des premiers maillons de la chaine alimentaire, notamment le plancton.

Vivre dans le bouchon vaseux, où les gradients environnementaux (salinité, température, etc.) sont très marqués, représente de gros défis! Le petit copépode, Eurytemora affinis, pas plus gros qu’un millimètre a plusieurs stratégies lui permettant de se développer dans ce milieu contraignant. Bien que l’on parle généralement d’Eurytemora affinis, comme étant l’espèce dominante dans le bouchon vaseux, cette appellation regroupe en fait un ensemble d’espèces semblables morphologiquement, mais génétiquement différentes que l’on appelle des espèces cryptiques. Afin de mieux comprendre l’importance écologique de cet ensemble d’espèces cryptiques pour le fonctionnement de l’écosystème du bouchon vaseux de l’estuaire du Saint-Laurent, je m’intéresse à étudier les capacités écophysiologiques, la productivité (p. ex. démographie, production) ainsi qu’à quantifier le transfert trophique de ces groupes génétiquement distincts.

Mon programme de recherche s’intègre dans un programme de recherche intégrateur sur la santé de l’écosystème du Saint-Laurent « Odyssée Saint-Laurent ». Ceci nous a permis d’effectuer au mois d’août dernier, une première mission d’échantillonnage sur le navire scientifique « Lampsilis » de l’Université du Québec à Trois-Rivières pour :

  • cartographier les communautés phytoplanctonique, zooplanctoniques et de poissons dans leurs habitats respectifs;
  • documenter les abondances, la diversité et la structure des communautés de la zone de transition estuarienne du Saint-Laurent.
  • Établir les liens trophiques entre le plancton, particulièrement le complexe d’espèces cryptiques Eurytemora affinis, le benthos et les larves et juvéniles de poissons.

Pour élargir notre équipe de recherche, nous sommes à la recherche d’un(e) candidat(e) aux études supérieures motivé(e) pour le développement d’un projet de maitrise intitulé « Le zooplancton au centre du transfert trophique entre les ressources et les consommateurs ».

(Photo : Gesche Winkler)

Pour nous soumettre une nouvelle : communications@uqar.ca