Les changements climatiques affecteraient la reproduction des oiseaux qui nichent dans le Grand Nord. Les premiers résultats d’une étude de Catherine Doucet, étudiante à la maîtrise en gestion de la faune et de ses habitats à l’UQAR, sont forts révélateurs.
Sous la direction du professeur en écologie Joël Bêty, Catherine Doucet s’intéresse particulièrement à l’écologie du Plectrophane lapon, un passereau insectivore et migrateur qui niche à l’Île Bylot, au Nunavut. À l’heure des changements climatiques, la chercheuse mesure les variations dans la reproduction de l’espèce et l’effet de la disponibilité des ressources sur la croissance des oisillons.
« Chez les oiseaux, il a déjà été prouvé que la période de reproduction doit être synchronisée avec l’abondance maximale des ressources pour être optimale. Or, avec le réchauffement climatique, une perte de synchronie est susceptible d’apparaître entre un prédateur (le Plectrophane lapon) et sa proie (les insectes qui sortent au printemps), étant donné que l’ajustement au réchauffement peut varier entre les espèces », précise-t-elle. Catherine Doucet évalue donc l’effet d’un décalage sur le succès reproducteur de ces oiseaux et la croissance des jeunes.
Pour ce faire, Mme Doucet s’est rendue au Nunavut à la fin du printemps pour suivre l’évolution d’une soixantaine de nids, de la ponte des œufs jusqu’au moment où les jeunes volent de leurs propres ailes, une période qui dure une vingtaine de jours. Le nombre d’œufs, d’oisillons et de jeunes qui finissent par quitter le nid figurent parmi les variables mesurées.
Les premiers résultats sont plus qu’intéressants. « Le niveau de synchronie influencerait légèrement le nombre d’oisillons par nichée, donc le succès reproducteur. Chez les oiseaux qui ont niché beaucoup plus tard par rapport au pic d’insectes, on dénombre moins d’œufs dans les nids, donc moins de jeunes. Toutefois, aucun effet n’a été remarqué sur la croissance de ces jeunes », révèle Mme Doucet.
Il est difficile pour les oiseaux migrateurs comme le Plectrophane lapon de prédire les conditions environnementales sur leur site de nidification, ce qui accroît le risque de perte de synchronie. « Les changements climatiques les plus flagrants sont anticipés aux pôles du globe. Le Plectrophane lapon est une espèce susceptible d’être décalée par rapport aux ressources, puisque les signaux environnementaux dans le Sud pour déclencher la migration pourraient être différents des signaux dans le Nord pour l’émergence des insectes. Le passereau pourrait alors arriver trop tard pour nicher dans la période optimale des ressources », explique la chercheuse.
Dans un écosystème arctique en pleins bouleversements, la recherche de Mme Doucet permet de mieux évaluer la capacité des espèces à faire face à des modifications de leur environnement. « Le Plectrophane lapon est encore bien loin d’être une espèce menacée, bien au contraire. Mais on doit quand même s’attarder aux mécanismes qui influencent le succès de reproduction des espèces pour essayer de mieux comprendre les effets potentiels des changements climatiques sur ces dernières », conclut-elle.
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