Comment un site historique et archéologique devient-il un lieu patrimonial ? Étudiante à la maîtrise en développement régional à l’UQAR, Isabelle Malenfant étudie le cas de quatre forts miliaires de la vallée du Témiscouata et du Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick érigés vers 1840, mais dont les usages sont aujourd’hui bien différents.
À la fin du 18e siècle et dans la première moitié du 19e siècle, les régions du Témiscouata et du Madawaska sont au cœur d’une querelle frontalière entre Britanniques et Américains. Pour contrer une éventuelle attaque américaine, l’armée britannique érige une ligne de défense de quatre postes militaires : le Poste du Grand-Sault (Grand-Sault) et le Poste du Petit-Sault (Edmundston) au Nouveau-Brunswick, l’Avant-Poste du Dégelé (Dégelis) et le Poste du lac Témiscouata (Cabano) au Québec. « Ces lieux historiques, tous construits lors du Conflit frontalier américano-britannique (1783-1843), ont connu un sort très différent après le conflit. Dans le cadre de ma maîtrise, je m’intéresse à la patrimonialisation des sites historiques et archéologiques de ces forts », indique Madame Malenfant, bien au fait de la dimension historique de la question, puisqu’elle est également diplômée du baccalauréat en histoire de l’UQAR.
La patrimonialisation est le processus par lequel une communauté s’approprie un lieu historique, de façon à en assurer la conservation, la restauration, l’exploitation touristique parfois et la transmission aux futures générations. Ce processus aborde autant les aspects socio-culturels que politique, légal et économique. « Dans le cas de la mise en valeur patrimoniale du Fort Ingall, à Cabano, sa reconstruction, à partir du début des années 1970, a permis de lui donner un nouvel usage récréotouristique. Depuis, le site est devenu un centre culturel et touristique qui génère plusieurs emplois dans la communauté et apporte d’importantes retombées financières dans la région », souligne la chercheure.
En contrepartie, au Fort de Grand-Sault, bien que la communauté dans lequel il est physiquement inscrit soit davantage associée à la culture britannique (la population de la municipalité étant majoritairement anglophone), le potentiel patrimonial du site a été peu exploité et demeure moins reconnu de la communauté.
À l’aide de documents d’archives des municipalités, des sociétés historiques et des médias locaux, Isabelle Malenfant analyse ainsi le processus qui a mené ou non à la patrimonialisation de ces forts. «Le contexte socio-économique, politique et culturel de la communauté, l’appropriation des politiques gouvernementales du patrimoine, l’implication de la communauté et l’accès au financement lors des projets de mise en valeur ont influencé le passage de certains sites historiques et archéologiques peu exploités à des lieux patrimoniaux socialement et politiquement reconnus, jusqu’à l’intégration du site dans les usages d’une communauté, que ce soit sur le plan touristique, récréatif ou sociocommunautaire», explique-t-elle.
Dirigée par la professeure Karine Hébert, spécialiste de la mise en valeur du patrimoine historique québécois, Isabelle Malenfant cherche à fournir pistes de réflexion aux intervenants des milieux culturels concernant les facteurs qui influencent la prise en charge du patrimoine. « Mes études en développement régional me permettent de contribuer concrètement au développement du milieu, tout en posant une réflexion critique sur les questions d’identité et de culture des collectivités rurales », conclut Mme Malenfant.
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