Dans le cadre de sa maîtrise en éthique à l’UQAR, l’ergothérapeute Karen Smith a mis sur pied un outil de délibération éthique destiné aux intervenants des ressources d’hébergement pour les personnes âgées en perte de mobilité, après une analyse des enjeux éthiques liés à l’utilisation de cette technologie.
Ces systèmes, destinés à prévenir les chutes auprès des personnes en perte de mobilité, peuvent prendre plusieurs formes : coussinet sensoriel de lit, tapis sensoriel de sol disposé près du lit, ceinture de fauteuil roulant à avertissement préventif, etc. Ces détecteurs de mouvements sont munis d’alarmes qui avertissent le personnel (ergothérapeutes, physiothérapeutes, infirmiers(ères), préposé(e)s, responsables des ressources d’hébergement, aidants naturels, etc.) lorsqu’un patient tente de se déplacer, et donc, risque de chuter.
« Dans mon travail d’ergothérapeute, j’ai eu à installer ce genre de dispositif à une personne en fin de vie, ce qui me rendait plutôt mal à l’aise sur le plan éthique », raconte Mme Smith. « Je sentais que je lui enlevais la dernière parcelle d’autonomie qui lui restait, au point de me demander si les enjeux cliniques des intervenants du centre d’hébergement passaient devant la dignité du patient. »
Elle s’est alors inscrite à la maîtrise en éthique à l’UQAR, un programme qui vise à aider les étudiants à cerner et à réfléchir aux enjeux éthiques de leur secteur d’intervention, mais aussi à mener une recherche sur une problématique pratique. Pour son mémoire de recherche, l’étudiante a construit un outil d’aide à la décision composée d’une grille de délibération basée sur les modèles des comités d’éthique.
« L’intérêt d’une telle recherche réside dans le fait que les intervenants n’ont pas nécessairement le temps de se réunir avec leurs pairs pendant plusieurs heures pour délibérer sur les valeurs de la personne et de celles de ses proches aidants, de leur souhait d’autonomie, des enjeux cliniques, etc. Toutefois, ces éléments doivent être pris en compte, dans un souci d’intervenir en respectant les valeurs et projets de vie du client. Il fallait donc trouver un moyen structuré et relativement rapide pour y arriver », souligne Mme Smith.
Pour construire son modèle, elle a fait appel à l’ensemble des ergothérapeutes du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, avec un questionnaire permettant de cibler si ceux-ci vivaient également des dilemmes en lien avec cette technologie, puisque la littérature sur le sujet n’était pas abondante. « Plusieurs collègues ont souligné que l’utilisation – ou la surutilisation – des systèmes de prévention de chutes peut constituer une « contention psychologique » des personnes en perte de mobilité. À vouloir trop atteindre le « risque zéro chute », les intervenants peuvent oublier les autres besoins des patients », précise l’ergothérapeute.
Les travaux de Karen Smith ont été réalisés sous la direction du professeur Bruno Leclerc, spécialiste de l’éthique clinique qui possède une grande expérience des comités d’éthique. D’ailleurs, depuis l’hiver 2011, l’UQAR offre le programme court de 2e cycle en éthique de l’intervention en santé. « M. Leclerc m’a permis d’élargir mes horizons, en me poussant à aller plus loin que les aspects cliniques et à analyser les aspects philosophiques, juridiques et sociaux. Ma recherche et l’ensemble de ma formation m’a apporté une approche plus humaine de ma pratique et même si je ne suis pas éthicienne, je me sers des acquis de ma maîtrise au quotidien », conclut Madame Smith.
Il est à noter que les formations de 2e cycle en éthique sont ouvertes aux diplômés de toutes les disciplines universitaires.
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