Dommage que le fleuve soit si peu accueillant pour les baigneurs rimouskois, même en été! L’étudiant au doctorat en océanographie à l’UQAR-ISMER, Frédéric Cyr, explique d’où vient l’eau froide de l’estuaire, essentielle à la biodiversité.
Frédéric Cyr s’intéresse aux eaux froides et oxygénées de la couche intermédiaire froide (CIF), un élément essentiel de l’habitat de plusieurs espèces visées par les pêches commerciales, comme la morue et le crabe des neiges. « La CIF occupe un important volume dans l’estuaire, jusqu’à 40 % du volume total. Elle a par conséquent un impact significatif sur l’environnement et le climat », souligne le doctorant.
La CIF peut même influencer les prévisions météo locales, la formation de glace dans le golfe ou la température de l’eau de surface à Rimouski! En effet, le mélange de cette eau profonde avec les eaux de surface près de Tadoussac influence la température des eaux de baignade dans presque tout l’estuaire maritime.
La formation de la couche intermédiaire froide
Dans le golfe Saint-Laurent, c’est la salinité de l’eau qui influence le plus sa densité. Plus l’eau est salée, plus elle se retrouve dans le fond. En hiver, le Saint-Laurent est constitué de deux couches océaniques. Une épaisse couche de surface autour du point de congélation de l’eau de mer (près de -2°C) et une couche profonde plus chaude et plus salée provenant de l’Atlantique.
En été, à la suite de la débâcle du fleuve et des rivières, une nouvelle couche peu salée apparait à la surface et se fera réchauffer tout au long de l’été. L’ancienne couche très froide se retrouve donc à mi-profondeur, emprisonnée entre deux couches plus chaudes. C’est la naissance de la couche intermédiaire froide (CIF). Ce phénomène est particulier à quelques mers arctiques et subarctiques comme le Saint-Laurent. « Le Saint-Laurent est un laboratoire exceptionnel pour les chercheurs. Les quatre saisons bien définies et la présence de glace durant l’hiver en font un univers marin unique », observe M. Cyr.
Un projet de recherche sur le réchauffement de la couche intermédiaire froide
Frédéric Cyr étudie particulièrement l’érosion de la CIF durant l’été (son réchauffement par mélange avec les deux autres couches) par les mécanismes de turbulence des fluides. Chaque semaine de l’été, l’ingénieur de formation part en petite embarcation à moteur relever les données de la station Rimouski, une station visitée régulièrement par les scientifiques de l’Institut Maurice-Lamontagne depuis près de 20 ans et munie d’une bouée météorologique depuis 10 ans. Ces données lui permettent de quantifier et qualifier la turbulence à la source de la dégradation de la CIF. « Les avancées faites dans la compréhension des processus turbulents serviront à l’amélioration des modèles numériques, des outils essentiels en météorologie, en projections climatiques, en navigation, en érosion côtière, etc. », remarque le chercheur.
Ces enjeux ne se limitent pas à l’estuaire. Au-delà de la modélisation, la turbulence est une question fondamentale en océanographie physique. Des projets de recherche semblables sur le mélange turbulent sont d’ailleurs en cours un peu partout dans le monde.
Pour l’accompagner dans ses recherches, Frédéric peut compter sur son directeur de recherche, le professeur Daniel Bourgault et son codirecteur, Peter Galbraith, chercheur à Pêches et Océans Canada. Alors que les deux chercheurs sont des spécialistes de la turbulence et du mélange en environnement côtier, le professeur Bourgault apporte son expertise sur les questions d’instrumentations et de modélisation numérique, tandis que Peter Galbraith possède une connaissance approfondie du Saint-Laurent puisqu’il produit chaque année un rapport sur le climat du golfe.
« Les modèles numériques permettent une analyse de l’évolution du système, d’année en année, en gardant à l’esprit le contexte de changements climatiques. La recherche permet de connaitre et de prévoir l’environnement de toute une population vivant sur les berges du Saint-Laurent », conclut M. Cyr.
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