Les concentrations en oxygène dissout sous 250 mètres de profondeur dans l’estuaire du Saint-Laurent sont en chute depuis près de 100 ans. Les plus récentes données recueillies lors de missions à bord du navire océanographique Coriolis II montrent qu’elles se situent sous le seuil d’une hypoxie sévère.
Dans les années 1930, les concentrations en oxygène dissous s’élevait à 135 micromolaires (µM). Un taux qui est passé à environ 60 µM au milieu des années 1980 et qui est demeuré stable jusqu’en 2019, avec des variations de ± 5 µM. Depuis deux ans, les concentrations ont atteint un seuil inquiétant pour les scientifiques, affichant même des concentrations entre 34 et 30 µM en octobre dernier. Le seuil définissant une hypoxie sévère est de 62 micromolaires.
« À ces concentrations, plusieurs espèces ne peuvent survivre », indique la professeure Gwénaëlle Chaillou, qui est la titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la géochimie des hydrogéosystèmes côtiers. « Alors que les concentrations d’oxygène étaient stables les dix dernières années, on assiste depuis deux ans à une chute alarmante qui pourrait avoir de grave conséquences sur la macrofaune, comme les poissons, et la faune benthique, comme les crustacés et les mollusques, disparaîtraient. »
Les plus récentes données font suite à trois missions océanographiques sur le Coriolis II au courant des mois d’août, septembre et octobre. Elles étaient respectivement menées par des groupes de recherche de l’ISMER-UQAR, de l’Université McGill et de l’Université Concordia, d’étudiante et d’étudiants à la maîtrise en océanographie de l’ISMER-UQAR et, enfin, du Réseau Québec maritime (RQM) et de MEOPAR pour le projet TReX.
L’estuaire du Saint-Laurent est à un moment charnière, poursuit la professeure Chaillou. Les concentrations en oxygènes dissous sous 250 mètres de profondeurs laissent présager d’importants changements pour la préservation de cet écosystème et des organismes marins qui y habitent. « La superficie de la zone sous-oxygénée a pratiquement doublé en 15 ans! Dans ces conditions de sous-oxygénation aigue, les sédiments du St-Laurent pourraient devenir des sources pour plusieurs éléments chimiques, dont les sulfures dissous et des métaux, qui s’accumuleraient dans les eaux profondes. Quelles en seraient les conséquences écologiques, surtout quand ces eaux rejoignent la surface près de Tadoussac? », se questionne la titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la géochimie des hydrogéosystèmes côtiers.
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