De plus de plus de gens, en particulier les moins de 35 ans, prennent leurs nouvelles sur internet plutôt que dans les médias traditionnels. Malheureusement, quand on navigue uniquement sur internet, il est difficile de distinguer la vraie information par rapport aux fausses nouvelles qui se propagent librement. Il devient donc nécessaire de développer l’esprit critique des citoyens, dès le plus jeune âge, face à l’information qu’ils reçoivent.
C’est l’avis de M. Alain Saulnier, qui a été directeur général de l’information des services français de Radio-Canada de 2006 à 2012. Il était le conférencier invité dans le cadre du programme en éthique de l’UQAR, le 5 octobre dernier. Une cinquantaine de personnes ont assisté à sa conférence, qui était en diffusion simultanée au campus de Lévis. M. Saulnier a été l’un des créateurs de l’émission Enquête. Il enseigne aujourd’hui en communications à l’Université de Montréal.
« Le monde des médias et du journalisme vit actuellement une crise majeure », selon M. Saulnier. Avec l’expansion fulgurante d’internet, on assiste à une « invasion de fausses nouvelles qui se propagent facilement et rapidement », en concurrence avec l’information sérieuse, vérifiée et vérifiable.
L’idée n’est pas de dénigrer complètement le réseau internet. M. Saulnier fait remarquer qu’il s’agit d’une « extraordinaire bibliothèque » et que de merveilleuses possibilités y sont offertes dans de multiples domaines.
Par contre, on y trouve autant le pire que le meilleur… Il existerait même dans certains pays des équipes qui auraient pour mission de « manufacturer les fausses nouvelles », afin d’attiser les tensions dans un parti politique ou de mettre au point une situation néfaste pour une organisation.
Le contrôle de GAFA
Plus de la moitié des activités de l’internet passent maintenant par GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazone).
Le plus grave, cependant, c’est que ces grands contrôleurs d’internet s’accaparent d’une portion astronomique des revenus publicitaires dans le monde des médias (jusqu’à 70 %), au détriment des médias traditionnels (les quotidiens, les stations de télévision et de radio).
Au Canada, à cause des pertes de revenus de la publicité, les médias traditionnels ont perdu dans les dernières années de 10 à 30 % de leur personnel, selon les secteurs. Avec moins de journalistes dans les salles de presse, la qualité de l’information s’en ressent. Les grands médias s’occupent de la réalité des grands centres, délaissant les régions. Plusieurs médias ont même fermé leurs portes, notamment des hebdos. Ce sont pourtant tous ces médias traditionnels qui ont pour rôle de faire de l’information, de la vérifier avec soin et de la diffuser auprès du public.
Aujourd’hui, les grands contrôleurs d’Internet ont des pouvoirs démesurés. Ils piratent l’information produite par les médias traditionnels pour la diffuser sur leurs plateformes sans rendre de comptes à ceux-ci, qui ont fait tout le travail pour la produire. Et ces grands contrôleurs s’accaparent des revenus publicitaires à partir du nombre de clics sur leurs pages visitées.
Même le gouvernement canadien contribue à cette diminution des revenus pour les médias traditionnels en accordant un pourcentage très élevé de ses placements en publicité à des entreprises étrangères plutôt qu’aux journaux canadiens.
Le problème aussi, c’est ce qu’Alain Saulnier appelle la « dictature des algorithmes ». En fait, chaque utilisateur d’internet est orienté très fortement vers de l’information en fonction de ses goûts personnels et des intérêts de ses amis virtuels. Le côté vicieux de cette approche, c’est que chaque utilisateur est enfermé dans sa bulle, devenant imperméable et insensible aux réalités et aux idées autres que celles qui l’attirent déjà.
Le journalisme de demain
Pour l’avenir, le journalisme est confronté à de grands défis, constate M. Saulnier. « Le journaliste devra se distinguer dans cette masse de nouvelles. Il devra faire plus d’enquêtes, valider les informations pour contrer les faussetés et les mensonges, mieux expliquer l’actualité, faire du journalisme plus spécialisé. »
Et on devra aussi ne pas oublier la couverture de l’information régionale, qui souffre de la concentration de la presse dans les grands centres. « Dans le monde actuel, affirme le journaliste de carrière, Radio-Canada est un rempart plus essentiel que jamais. »
Et du côté des individus, il faudra démontrer que « nous sommes des citoyens, pas seulement des consommateurs. Comme société, nous devons favoriser l’esprit critique, le droit de débattre et de poser des questions. »
Pour nous soumettre une nouvelle : communications@uqar.ca