L’innovation au service des océans
Les recherches effectuées à l’ISMER permettent non seulement de répondre à des questions scientifiques complexes, mais aussi de développer des outils pour mieux cibler l’utilisation des écosystèmes marins et mieux se prémunir des impacts environnementaux qui affectent cette utilisation.
L’innovation au service des océans
De la cartographie des fonds marins et des habitats à la protection des berges en passant par le développement et l’exploitation de nouvelles molécules, les contributions des chercheurs de l’ISMER sont nombreuses.
Modélisation
L’outil intégrateur par excellence de plusieurs travaux effectués à l’ISMER est la modélisation numérique qui représente mathématiquement les différents processus (physiques, biologiques, biogéochimiques) et les intègrent numériquement dans l’espace et le temps, dans des régions d’intérêt particuliers et sur des périodes plus ou moins longues, passées ou futures.
La complexité des modèles est typiquement adaptée à la question de recherche. Parmi les modèles opérés par l’équipe de chercheurs de l’ISMER, il y a les modèles de circulation tridimensionnelle appliqués au golfe du Saint-Laurent, à la baie d’Hudson et à la baie de Baffin. Par l’étude de processus, les modèles sont constamment améliorés et testés avec les données récoltées sur le terrain ou provenant des bases de données opérationnelles. En intégrant un grand nombre de processus différents, les modèles permettent de mieux comprendre les interactions entre les différentes composantes et dans diverses situations idéalisées que l’on ne peut obtenir en réalité. Ultimement, les modèles servent à faire des prédictions à court, moyen ou long terme et des efforts seront déployés afin de les rendre opérationnels et ce, en travaillant de concert avec des partenaires nationaux et internationaux impliqués dans ces recherches.
Des études combinées de télédétection et de modélisation permettront de cerner les mécanismes océanographiques et biologiques contrôlant l’organisation spatio-temporelle et l’abondance des biomasses phytoplanctoniques, zooplanctoniques et nectoniques dans l’écosystème pélagique, et leur influence sur les flux de carbone entre l’atmosphère et la mer. Les analyses numériques des mesures satellitaires de couleur de l’océan permettent de fournir de l’information à grande échelle spatiale et à haute fréquence temporelle sur le matériel en suspension et le matériel dissous dans l’eau, ainsi que sur la biomasse et la production du phytoplancton et de donner des informations sur les communautés algales dont le détail augmentera avec le développement des capteurs hyperspectraux. Les outils développés à l’ISMER en télédétection aideront à étudier les changements subis par les populations algales à la base des réseaux trophiques depuis les dernières décennies sous l’influence des impacts anthropiques et les des changements climatiques.
Cartographie des fonds marins
Certaines planètes et leurs satellites, comme la Lune ou Mars, sont aujourd’hui mieux cartographiées que les fonds marins de notre propre Terre. Les travaux de recherche réalisés à l’ISMER en géologie marine visent l’étude détaillée des fonds marins et des zones littorales ainsi que de leurs sédiments à l’aide de techniques de pointe, qui sont employées aussi bien en laboratoire que lors de campagnes océanographiques dans le fjord du Saguenay, l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent, mais aussi le long de la côte est canadienne, dans l’Arctique et dans l’hémisphère sud.
L’objectif est de cartographier, d’analyser et de comprendre les processus qui façonnent les sédiments des fonds marins et des zones côtières. Les chercheurs de l’ISMER espèrent ainsi remonter plusieurs milliers, voire centaines de milliers d’années dans le temps, afin d’apporter des informations précieuses sur les catastrophes naturelles, l’érosion côtière, le transport sédimentaire, les changements climatiques et l’histoire géologique du Canada au-delà des enregistrements historiques. Les activités de recherche se déroulent selon plusieurs axes : (1) la reconstitution du paléoclimat à partir de carottes de sédiments ; (2) la stratigraphie des sédiments marins quaternaires ; 3) les risques naturels ; et (4) le transport sédimentaire, la provenance des sédiments et l’érosion côtière.
Biens et services d’écosystèmes
La notion de « biens et services d’écosystèmes » est une approche économique de l’environnement qui tente de calculer et d’attribuer une valeur aux divers processus biologiques qui produisent des bénéfices retirés par l’espèce humaine de son environnement immédiat et de l’écosystème global. Une telle approche est controversée et les scientifiques peuvent contribuer très positivement au débat parfois virulent qui s’en dégage.
Il faut répondre non seulement à la question : « comment protéger et conserver un écosystème ? » mais aussi expliquer « comment fonctionne ce système et identifier les bénéfices d’un fonctionnement équilibré » et dire « pourquoi il faut le préserver et à quel prix ». Les données scientifiques sur la qualité des eaux et des sédiments, sur les effets toxiques de substances d’origine anthropique, mais également sur les effets des activités humaines en général (par ex : chalutage, rejet d’eau de ballast, bruit, etc.) et sur les risques environnementaux entrent directement dans l’équation de ce débat de fond de la société.
L’un des défis actuels dans la gestion des écosystèmes marins est la détermination de zones prioritaires à protéger. Pour ce faire, il importe d’abord d’identifier les zones de grande biodiversité et de localiser les habitats sensibles et les sites de concentration des espèces rares ou menacées. La création de cartes continues de prédiction d’habitat potentiel est l’une des stratégies disponible. Ces cartes illustrent la présence de communautés d’espèces en fonction de l’habitat physique et biologique optimal pour ces communautés. Une fois le modèle initial de prédiction établi, il devient plus facile de mettre à jour les données de distribution spatiale en fonction des variables environnementales disponibles (chlorophylle, sédiment, courant, topographie, etc.). Il est aussi possible d’inclure dans le modèle les sources de stress (simple ou cumulé), que celles-ci soient d’origine anthropique (pression de pêche, aquaculture, pollution) ou naturelle (modification du niveau de la mer, température de l’eau). Ainsi, la réunion sur une même carte de l’ensemble des paramètres environnementaux et des activités anthropiques présents dans une zone d’étude permet, dans un second temps, de créer une carte continue de prédiction de la distribution spatiale des organismes benthiques et de la biodiversité. Qui plus est, ce type de modèle tient compte de l’état dynamique des communautés spécifiques répondant aux changements environnementaux. Cette approche permet d’anticiper les conséquences d’éventuels changements globaux sur la distribution des espèces, ce qui aide les décideurs à prendre les meilleures mesures pour une saine gestion de l’environnement marin. Les chercheurs de l’ISMER modélisent les habitats benthiques dans les trois océans bordant le Canada, ainsi qu’à l’étranger (par ex. : Polynésie, Guinée, Papouasie Nouvelle Guinée).
Érosion et protection des berges
La fréquence des catastrophes naturelles a augmenté ces dernières décennies et cette augmentation semble reliée au réchauffement de la planète. Le Québec et l’est du Canada ne sont pas épargnés et plusieurs zones géographiques sensibles ont déjà été touchées. En particulier, la hausse du niveau de la mer ainsi que la diminution de la couverture de glace accélèrent l’érosion dans de nombreux secteurs du littoral de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent. Les constats scientifiques relatifs aux changements globaux ont conduit l’ISMER et ses chercheurs à porter une attention particulière aux risques naturels qui en découlent et qui sont analysés sous toutes leurs facettes, en conditions extrêmes ou évolutives en fonction des événements actuels ou antérieurs.
Les travaux visent à analyser leurs impacts, entre autres, sur la diversité biologique (augmentation ou diminution du nombre d’espèces, migration vers les zones polaires, augmentation de la compétition interspécifique). D’autres travaux visent l’étude des floraisons d’algues nuisibles et la propagation d’espèces aquatiques envahissantes dans les eaux côtières canadiennes qui sont des phénomènes en expansion à l’échelle mondiale.
La mobilité des sédiments en zone littorale représente différents risques pour les populations côtières, le trafic maritime et les exploitants de ressources marines. Au Québec existent en particulier de sérieux problèmes d’érosion côtière et de risques de submersion, en raison des fluctuations des niveaux d’eau. Les chercheurs de l’ISMER, en collaboration avec plusieurs partenaires, dont les ministères des Transports et de la Sécurité publique du Québec, étudient les processus responsables de l’érosion côtière pour la relier aux conditions hydrodynamiques (vagues et courants) et aux caractéristiques sédimentaires et géomorphologiques locales. Les objectifs sont de prédire des taux d’érosion et l’évolution de ceux-ci en fonction des changements climatiques futurs, en particulier les variations du climat des vagues, du niveau marin relatif et de la couverture de glace hivernale. Les objectifs sont aussi d’évaluer l’adéquation des interventions de génie côtier contre l’érosion littorale. Les chercheurs explorent également le rôle des canyons sous-marins dans le transfert des sédiments de la dérive littorale de la côte jusqu’à leur dépôt plus en profondeur dans le chenal Laurentien.
Les marais côtiers, qui sont des écosystèmes particulièrement riches, sont étudiés pour déterminer leur évolution passée et future, ainsi que pour comprendre les processus hydrodynamiques et sédimentaires et les relations avec les différentes communautés végétales. Il s’agit de déterminer les conditions sédimentaires qui conditionnent la préservation de ces zones humides actuellement menacées d’érosion, surtout dans un contexte de hausse du niveau marin global. Les travaux portent sur les variations saisonnières des processus, notamment sur l’influence de la végétation, qui réduit les courants et pièges les sédiments, et sur l’érodabilité des sédiments cohésifs, qui est fortement influencée par des biofilms recouvrant leur surface. Les marais jouent aussi un important rôle de zone tampon pour dissiper l’énergie marine frappant la côte, c’est pourquoi l’atténuation de l’énergie des vagues par la végétation et par d’autres éléments morphologiques est mesurée et la propagation des vagues dans la zone littorale modélisée. Une attention particulière est portée aux processus hivernaux avec (1) la quantification de la capacité des glaces flottantes de transporter des sédiments et de modifier la morphologie ; et (2) l’influence du couvert de glace sur la dynamique sédimentaire avec des mesures in situ du transport sédimentaire sous la banquise dans la zone intertidale et la zone subtidale peu profonde.
Risques naturels
Les récents séismes catastrophiques, comme ceux survenus à Haïti et au Chili en 2010 ainsi qu’en Nouvelle-Zélande et au Japon en 2011, nous rappellent à quel point nous vivons sur une planète dynamique. Au Canada, on reconnaît diverses zones sismiques, dont une importante dans l’est du pays : la zone sismique de Charlevoix/Bas-Saint-Laurent (ZSCBSL). Plusieurs séismes d’une magnitude supérieure à 6 sur l’échelle de Richter s’y sont produits au cours des derniers 350 ans dont celui du 5 février 1663 qui ébranla l’ensemble du nord-est de l’Amérique du Nord et causa d’énormes glissements de terrain tant terrestres (St-Jean Vianney, Shawinigan, Betsiamites, Mont Éboulé) que sous-marins (fjord du Saguenay, estuaire du Saint-Laurent).
Aujourd’hui, un tel séisme causerait des dommages considérables, tant sur le plan de la stabilité des infrastructures (viaducs, routes, ponts etc.) que sur la sécurité des populations. Une bonne compréhension des séismes de cette région et de leurs impacts est essentielle pour déterminer le risque et pour établir la période de retour de tels événements. Or, le milieu marin préserve les traces des événements catastrophiques comme les séismes, les glissements de terrain, les crues et même les tsunamis. Ces traces sont notamment visibles dans la nature et la composition des sédiments ainsi que dans leur stratigraphie et leur architecture.
Les chercheurs de l’ISMER tenteront donc d’identifier, de caractériser, de dater et de déterminer les mécanismes responsables du dépôt des glissements sous-marins dans le fjord du Saguenay, mais aussi dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent afin de connaître la fréquence et la magnitude de ces événements pour des régions particulièrement exposées comme les régions du Québec situées dans la ZSCBSL. De façon similaire, les travaux des chercheurs de l’ISMER porteront aussi sur des glissements sous-marins et des crues majeures identifiés dans la baie d’Hudson, l’Arctique canadien et en Argentine.
Matière organique et algues nuisibles
L’utilisation de plus en plus abondante d’engrais artificiels pour la culture à grande échelle, les rejets industriels et urbains et l’utilisation accrue des zones côtières à des fins récréo-touristiques et aquacoles constituent les principaux facteurs responsables de l’eutrophisation des régions côtières. Cette eutrophisation résulte en une augmentation de la fréquence des floraisons d’algues nuisibles ou toxiques, comme celle survenue dans l’estuaire du St-Laurent à l’été 2008 et causée par le dinoflagellé Alexandrium tamarense. De tels événements ont des effets importants sur la chaîne alimentaire marine (mortalité de poissons, d’oiseaux et de mammifères marins) qui peuvent se répercuter sur la santé humaine. Il importe donc de connaître les causes de tels événements, l’écologie des espèces impliquées, ainsi que les mécanismes de développement, de maintien des lits de kystes de dormance et de ré-ensemencement des masses d’eau de surface la saison suivante.
Les impacts anthropiques ne s’articulent pas seulement autour de composés chimiques ; l’augmentation en nombre et en taille des navires servant au commerce mondial a comme conséquence un transport accru de nombreux organismes aquatiques qui voyagent dans les réservoirs de ballast (eau et sédiment de fond) ou sur les coques des navires. Ces « espèces aquatiques envahissantes » peuvent parfois causer des dommages considérables aux environnements récepteurs (le cas de la moule zébrée dans les Grands Lacs est un exemple célèbre), soit en déplaçant des populations locales (affectant leurs prédateurs) ou en provoquant d’autres effets nocifs (par ex., colmatage de prises d’eau dans le cas de la moule zébrée).
Des chercheurs de l’ISMER s’intéressent au transport d’algues nuisibles et d’invertébrés via l’eau et le sédiment de ballast des navires en zone Arctique et dans les eaux de l’est du Canada, particulièrement pour les dinoflagellés dont plusieurs espèces sont toxiques. Leurs travaux s’insèrent dans le cadre du réseau de recherche canadien CAISN II et des programmes SPERA et POLAR, et les premiers résultats montrent la présence d’algues nuisibles dans plus de 80% des navires qui visitent des ports de l’est du Canada. Ces travaux contribueront à la mise en place de mesures de contrôle des eaux de ballast déversées dans les zones côtières canadiennes, et des mesures d’atténuation de leurs effets.
Valorisation de la biomasse marine
Le volet de la « valorisation » de la biomasse marine fait partie intégrante du vaste domaine des sciences marines en développement à l’ISMER et constitue l’un des points forts des nouvelles stratégies gouvernementales à l’effet de favoriser davantage la croissance économique des régions où l’on pratique la pêche en diversifiant la base des ressources halieutiques tout en respectant l’environnement. Cette diversification passe par l’aquaculture, d’une part, mais aussi par la recherche de nouvelles espèces encore sous-exploitées et par la valorisation des résidus d’usines pour les espèces déjà exploitées. La science des produits naturels se trouve avantagée par l’augmentation des capacités de séparation et de caractérisation des molécules marines naturelles développées à l’ISMER. qui permet de les valoriser en leur trouvant une application nutraceutique ou pharmaceutique.
Ce volet implique des travaux de recherche appliqués à la découverte de nouvelles propriétés nutritionnelles, nutraceutiques et pharmaceutiques pour des tissus ou fractions biologiques qui autrement n’auraient pas de valeur commerciale. Les travaux consistent à rechercher des molécules ou encore des familles de composés montrant des activités biologiques bien spécifiques comme la cytotoxicité envers des lignées cellulaires cancéreuses ou au contraire une activité pro-biotique favorisant la régénération de cellules de la peau ou de la flore intestinale. La station aquicole de Pointe-au-Père, avec ses capacités de production massive de microalgues, d’élevage de poissons et d’invertébrés et son nouveau laboratoire pour l’utilisation des radiotraceurs, sera le principal outil de ce développement de ce volet.
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