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Islam, politique et terrorisme, par Fernande Fournier

« La laïcité est un principe qui est effectivement ignoré par l’Islam » – Sami Aoun

Dans le cadre des conférences conjointes ADAUQAR/ARRUQAR, le philosophe retraité Jean-Claude Simard a donné, le 29 septembre dernier, une conférence à l’UQAR intitulée « Islam, politique et terrorisme ».

Jean-Claude Simard

Pour analyser ces questions difficiles, le conférencier a conjugué les ressources de la philosophie, de l’histoire et de la géopolitique. M. Simard identifie un problème posé par les religions qui affirment l’existence d’un Dieu unique et transcendant : elles tendent à mêler religion et politique. C’est le problème théologico-politique, baptisé ainsi pour la première fois par Spinoza, un philosophe hollandais d’origine juive ayant vécu au XVIIe siècle. 

Il existe trois grandes religions monothéistes : le judaïsme, le christianisme et l’islam. Le premier s’appuie sur la Torah (l’Ancien Testament) et le Talmud, le deuxième sur le Nouveau Testament, le dernier sur le Coran. Plusieurs éléments rapprochent le judaïsme et l’islam, dont la transcendance absolue de Dieu, infiniment supérieur à l’être humain, et le refus de le représenter. Pour ces deux religions, il n’y a donc pas de dieu incarné (comme Jésus-Christ), mais des prophètes. Quant à la morale, elle est intangible et ne peut être changée. Qu’il s’agisse de la Torah ou de la charia musulmane, Dieu transmet sa Loi et demande la soumission. 

Si on fait un retour dans l’histoire, on constate que Moïse et Mahomet étaient tous deux des chefs religieux, comme Jésus, mais ils étaient aussi des chefs politiques et militaires. L’islamisme, i.e. l’islam politique, qui prône une vision théologico-politique, constitue donc une tentation présente dès l’origine.

Présentement, le christianisme compte plus de deux milliards d’adhérents et l’islam un peu plus d’un milliard et demi. De ce nombre, près de 90 % sont sunnites, une confession centrée entre autres sur l’Arabie Saoudite, et environ 10 % adhèrent au chiisme, concentré surtout en Iran.

Depuis la chute de l’Empire ottoman en 1922, certains musulmans rêvent de reconstruire un empire fort, sous l’égide d’un calife. L’Arabie et l’Iran proposent d’ailleurs deux grands modèles de théocratie, le second reposant davantage sur une hiérarchie religieuse, dont l’ayatollah est le plus haut dignitaire. Par contre, beaucoup de musulmans pacifistes ne voient pas de lien essentiel entre politique et religion. À ce propos, on peut mentionner le printemps arabe de 2011, dont les manifestants souhaitaient une séparation stricte de ces deux domaines.

Simard définit le terrorisme comme une guerre non déclarée, qui présente un côté sournois, puisqu’il n’y a pas de champ de bataille et que les victimes sont des civils plutôt que des soldats. De plus, il est pratiqué par des gens qui ne veulent pas ou ne peuvent pas mener une guerre officielle. Le terrorisme représente donc un prolongement militaire, quoique non conventionnel, de l’action politique.

Le Coran, constitué de cent quatorze chapitres, les sourates, édicte la Loi divine selon l’islam, mais celle-ci peut être interprétée de différentes façons. En effet, environ un cinquième des sourates, qui relèvent de la période appelée médinoise, revêtent un aspect politico-militaire, de sorte que des organisations terroristes telles Al-Qaïda et Daech, le groupe armé État islamique, peuvent s’en servir pour légitimer leurs actes.

Pour M. Simard, le djihadisme terroriste représente l’exacerbation de l’islamisme, l’instrumentation malheureuse d’une tendance présente dès les origines de l’islam. Et en général, il apparaît lorsque la situation sociopolitique n’offre plus de débouchés.

Simard termine sa conférence sur une note d’espoir. Selon lui, le défi actuel de l’islam est de se séculariser en dénouant le problème théologico-politique, i.e. en séparant, comme Spinoza y invitait, politique et religion. Il espère que la jeunesse, les femmes réclamant davantage d’égalité ainsi que les intellectuels musulmans éclairés entraîneront une évolution favorable des sociétés musulmanes, donnant naissance à de multiples printemps arabes.

Pour nous soumettre une nouvelle : communications@uqar.ca