Il est reconnu que privilégier de saines habitudes de vie requiert des apprentissages par les individus et un environnement qui leurs sont favorables. Parmi celles-ci, l’adoption d’une saine alimentation serait facilitée par l’acquisition d’habiletés culinaires. Dans une société où tout va vite, il est souvent difficile de préparer des repas à la maison et d’habiliter les enfants à cuisiner. Les actions mises en place pour contribuer à développer de saines habitudes de vie sont nombreuses, mais difficilement mesurables en termes d’impacts.

C’est le défi que cherchent à relever les professeures au département des sciences infirmières de Lévis Danielle Boucher et Dominique Beaulieu en procédant à une recherche évaluative. Leur équipe de recherche se compose de Dominic Simard, professionnel de recherche et étudiant à la maîtrise en sciences de l'éducation et d’Ariane Chouinard, étudiante en sciences infirmières et boursière des IRSC à l’été 2015.

Tout a commencé avec une initiative lancée par Lévis en forme, dont le mandat est de mettre en œuvre des stratégies visant à développer un environnement favorable pour de saines habitudes de vie par une saine alimentation et la pratique d’activités physiques chez les enfants de 0 à 17 ans et leur famille. Ce regroupement a initié des ateliers culinaires en milieu scolaire en collaboration avec l’organisme communautaire La Chaudronnée, qui a pour mission de s’occuper de la sécurité alimentaire sur le territoire de la Ville de Lévis.

« Parmi les stratégies développées dans notre région, la mise en place d’ateliers culinaires dans les écoles primaires s’est révélée la plus appréciée. Déjà, Lévis en forme avait mandaté le LASER (Laboratoire de recherche sur la santé en région) pour réaliser une évaluation concernant l’implantation de leur premier plan d’action. Par la suite, nous avons poursuivi notre collaboration afin de vérifier l’impact des ateliers culinaires sur la motivation et l’implication des élèves à cuisiner à la maison », souligne la professeure Danielle Boucher. « C’est un exemple de recherche en santé communautaire où l’UQAR devient partenaire avec les acteurs clés de sa communauté pour répondre à un besoin exprimé par le milieu. »

C’est ainsi que le projet d’évaluation a débuté à l’hiver 2015 en milieu scolaire auprès d’élèves de cinquième année du primaire. La recherche a été guidée par une théorie de prédiction du comportement souvent utilisée dans le domaine de la santé. Pas moins de 320 élèves ont participé au projet. Au cours de la première phase, des entrevues ont été réalisées auprès des jeunes pour identifier les facteurs qui facilitent et qui encouragent le fait de cuisiner à la maison, mais également ceux qui sont considérés comme des obstacles. Cette première étape a permis de développer un questionnaire quantitatif en format électronique et adapté aux différents groupes d’âge.

La deuxième phase consistait en une étude évaluative de l’impact des ateliers culinaires à l’aide d’un devis quasi-expérimental, comportant un groupe expérimental (c’est-à-dire exposé aux ateliers culinaires) et un groupe témoin (non exposé aux ateliers), avec des mesures en pré et postateliers culinaires. Les deux premières phases ont été réalisées lors de l’année scolaire 2015-2016.

Le projet en est maintenant à sa troisième et dernière phase et se terminera à la fin 2016. Cette troisième étape consiste en une évaluation de l’impact des ateliers perçu par les parents. Une approche de recherche participative est mise en place avec la collaboration de la professeure en travail social Lucie Gélineau, qui possède une expertise dans ce domaine. « L’idée est d’intégrer des parents dans le processus de recherche en formant un comité conseil, afin d’ajuster la stratégie d’approche pour la collecte des données auprès des parents et de participer également à leurs analyses », note Dominic Simard.

Cela dit, Lévis en forme fait face à un enjeu de taille : à partir de 2017, leur financement pour l’implantation de stratégies par Québec en forme se termine et ils cherchent une façon de pérenniser cette activité dans les milieux scolaires.

« Ce projet est important, parce qu’on a été observé une perte des compétences culinaires et une augmentation de la consommation d’aliments industrialisés », observe la professeure Dominique Beaulieu. « Les chercheurs estiment que plus le jeune est impliqué tôt dans la préparation de recette, expérimente et acquiert certaines connaissances et habilités culinaires, plus il sera amené à s’impliquer dans la préparation des repas et sera sensibilisé à choisir des aliments sains et d’en développer le goût. Par l’amélioration de l’alimentation (car plus on cuisine à la maison en famille, plus on mange santé), on fait également la prévention des maladies cardiovasculaires, du cancer ou de l’obésité. L’école est le milieu privilégié pour ce type d’apprentissage. »

Les ateliers culinaires ont été réalisés à travers le cursus scolaire. Les écoles participant à cette recherche ont été identifiées par Lévis en forme selon leur profil sociodémographique, principalement basées dans des quartiers ayant un certain niveau de défavorisation sociale et matérielle.

« Les analyses statistiques de notre recherche sont encore en cours, mais le niveau de motivation du jeune à cuisiner semble être le facteur qui est le plus déterminant pour son implication à cuisiner à la maison. Ce qui reste maintenant à déterminer, ce sont les facteurs qui incitent à passer à l’action, ainsi que l’effet chez les élèves qui ont été exposés aux ateliers culinaires sur le fait de cuisiner à la maison », conclut la professeur Boucher.