Dirigée par le professeur-chercheur Pascal Bernatchez, l’équipe du Laboratoire de dynamique et de gestion intégrée des zones côtières (LDGIZC), puis la Chaire de recherche en géoscience côtière de l’Université du Québec à Rimouski ont développé depuis plus d’une décennie des réseaux et des outils technologiques pour suivre les changements environnementaux en bordure des côtes de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent.
Le tout premier réseau a pris naissance en 1995 sur la péninsule de Manicouagan à la suite de recommandations faites à la MRC de Manicouagan concernant l’érosion côtière. Le réseau de stations de suivi de l’érosion côtière s’est ensuite étendu à l’ensemble des MRC de Manicouagan et de Sept-Rivières dans le cadre des projets de maîtrise de géographie de Stéphane Leblanc et de doctorat en géomorphologie côtière et télédétection de Pascal Bernatchez.
En 2000, à la suite d’une entente spécifique sur l’érosion des berges signée par cinq ministères du gouvernement du Québec et le Conseil régional de développement de la Côte-Nord, le réseau de suivi s’étend à l’ensemble de la Côte-Nord. Embauché en 2002 à l’UQAR, Pascal Bernatchez obtient en 2003 une subvention de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI) et le ministère de l’Éducation du Québec pour mettre en place le Laboratoire de dynamique et de gestion intégrée des zones côtières et pour développer des outils technologiques pour le suivi des côtes.
Un système d’acquisition d’imageries géoréférencées aéroportées (SAIGA-3D) permettant la captation d’images haute résolution et de données LIDAR de la côte est développé ainsi qu’un système intégré de gestion de l’environnement côtier (SIGEC WEB) qui est basé sur une approche de cartographie interactive permettant une représentation cartographique des caractéristiques des côtes du Saint-Laurent sur le web. Toujours en 2003, le réseau de suivi de l’érosion côtière est implanté au Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie et dans la région de Chaudière-Appalaches, puis en 2005 aux Îles-de-la-Madeleine et en 2007 dans Charlevoix.
« Aujourd’hui ce réseau compte 5 400 stations de mesure réparties sur les différents types de côte de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent et permet notamment de suivre annuellement et de manière saisonnière l’évolution du littoral, de quantifier les processus d’érosion et d’accumulation, d’évaluer la sensibilité des côtes à l’érosion et de mesurer les effets des tempêtes sur les côtes », explique le professeur Bernatchez. Ce réseau est rendu possible grâce à la participation de milliers de résidents côtiers.
En collaboration avec le ministère de la Sécurité publique du Québec (MSP), plus de 5 100 bâtiments sont suivis chaque année. Ce suivi annuel permet d’évaluer leur vulnérabilité aux aléas côtiers et de fournir aux directions régionales du MSP un outil pour planifier les interventions. « Une collaboration avec le ministère des Transports du Québec permet aussi de suivre la vulnérabilité des infrastructures de transport », précise le professeur Bernatchez. Ainsi, depuis plusieurs années nous déployons plusieurs équipes sur le terrain à la suite d’événements de tempête comme ceux survenus depuis le 15 décembre 2016. En concertation avec le MSP et Transports Québec, des informations sont échangées pour documenter ces événements et bonifier les méthodes de cartographie des zones à risque et évaluer les solutions.
Pour combler les lacunes en ce qui a trait aux conditions météorologiques côtières, un réseau de suivi des paramètres climatiques des régions côtières a été implanté, puis bonifié par un réseau de plus de 50 caméras de suivi qui permet de caractériser les conditions environnementales côtières.
Enfin, dans le cadre des travaux de la Chaire en géoscience côtière, un réseau de plus de soixante-dix instruments mesurant les conditions de vagues et de niveaux d’eau a été implanté pour quantifier les effets des conditions météo-marines sur l’érosion des côtes et développer des approches pour cartographier le risque de submersion côtière. « Les informations tirées de ces réseaux de suivi servent directement à plusieurs organisations et firmes privées pour identifier et mettre en œuvre des solutions d’adaptation » indique le professeur Bernatchez.
Un milieu en changement
Avec les changements climatiques qui entraînent notamment une réduction du couvert de glace et une accélération de la hausse du niveau de la mer, le littoral de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent est davantage exposé aux événements de tempête. « Ces changements environnementaux ont déjà des incidences sur les activités pratiquées par les collectivités côtières. Les réseaux de suivis développés au cours des 20 dernières années sont essentiels pour mesurer l’ampleur de certains changements, mais aussi pour développer de meilleures pratiques et des solutions adaptées aux différents contextes locaux et régionaux », indique le professeur Pascal Bernatchez.
Dans certains secteurs névralgiques et représentatifs du Saint-Laurent, les données provenant des différents réseaux de suivi sont ensuite couplées avec des relevés d’un système mobile de LiDAR terrestre (SMLT). Celui-ci permet de scanner le littoral en 3D comme le système utilisé par Google street view. Ces relevés permettent entre autres de mieux comprendre comment les écosystèmes côtiers répondent aux événements extrêmes. Des relevés héliportés récurrents permettent aussi d’établir un état de référence à haute résolution des caractéristiques côtières de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent. L’ensemble de ces réseaux de suivi ont été regroupés sous l’Observatoire du littoral du Québec maritime (OLQM).
Un laboratoire naturel
En plus de servir à de nombreux projets de recherche d’étudiantes et d’étudiants, l’OLQM constitue un véritable laboratoire naturel permettant à de nombreux étudiants et étudiantes des programmes de baccalauréat et de maîtrise en géographie, du DESS en analyse et prévention des risques naturels, du doctorat en sciences de l’environnement et en océanographie de l’Université du Québec à Rimouski de réaliser des ateliers pratiques sur le terrain, mais aussi de se former en participant aux collectes de données effectuées dans le cadre des différents réseaux.
« Le contact avec les citoyens côtiers est aussi fort enrichissant, permettant aux étudiantes et aux étudiants d’échanger sur les différents problèmes qu’ils vivent, mais aussi sur la richesse qu’offre le milieu de vie du Saint-Laurent pour les collectivités côtières. Des étudiants du CÉGEP sont aussi initiés aux géosciences côtières via ces réseaux de suivi », note M. Bernatchez.
Un réseau d’observateurs sur le milieu côtier
Un réseau d’observateurs sur le milieu côtier a aussi été développé (http://dgizc.uqar.ca/Reseau_observateurs.aspx). « En côtoyant quotidiennement le littoral, les citoyens côtiers sont bien placés pour observer les changements au fil des événements et des saisons. Depuis 1995, leur collaboration a été essentielle au développement des réseaux de suivi et le partage de leurs connaissances a contribué à enrichir les réflexions des chercheurs quant à notre compréhension de l’évolution de nos littoraux et leur gestion », souligne le professeur Bernatchez.
Ce réseau d’observateurs permet d’intégrer le savoir des communautés côtières dans l’analyse et la compréhension de l’évolution de la zone côtière de manière plus structurée. Cette mise à profit des observations et des connaissances des populations locales permet même d’orienter les travaux de recherche et aider à cibler des secteurs d’étude pertinents et même des solutions. « Finalement, ce réseau permet de documenter les phénomènes et les transformations naturelles et humaines qui caractérisent le patrimoine du Québec maritime », conclut Pascal Bernatchez.
L’Observatoire du littoral du Québec maritime (OLQM) est composé de 7 réseaux de suivi :
Pour nous soumettre une nouvelle : communications@uqar.ca