Les producteurs agricoles font quotidiennement face au défi de conjuguer les impératifs de rentabilité et les normes en matière de protection de l’environnement. Dans le cadre de sa maîtrise en développement régional, Mireille McGrath-Pompon a cherché à mieux comprendre la place qu’occupe le sujet de l’environnement parmi les préoccupations des agriculteurs du Bas-Saint-Laurent, à partir d'un projet de restauration de bandes riveraines.

Les bandes riveraines, ces ceintures de végétation en bordure des plans d’eau, jouent plusieurs rôles associés à la préservation de la qualité de l’eau : barrière à la pollution et à l’érosion, rempart contre le vent, refuge pour les animaux, etc. Pour être efficace, cette bande doit être composée de plantes, d’arbres et d’arbustes. Un projet pilote de restauration des bandes riveraines en milieu agricole a été réalisé de 2007 à 2011 à Rimouski.

« L’objectif de la recherche était de mieux comprendre la valeur de l’environnement pour les agriculteurs, en écho aux autres valeurs qu’ils attachent à leur métier. Je me suis penchée sur les représentations qu’ont ces derniers à l’égard des différentes facettes du projet afin de déterminer l’intérêt, mais aussi les réticences qu’il peut potentiellement susciter », indique la biologiste de formation. Sous la direction de la professeure spécialiste en sociologie de l’environnement Nathalie Lewis, ce projet de recherche a été réalisé à partir d’entretiens auprès de 20 agriculteurs de la MRC de Rimouski-Neigette.

Les résultats de l’enquête révèlent la pertinence de mieux comprendre l’ensemble du contexte dans lequel on tente d’intégrer des solutions environnementales. « D’abord, l’ensemble des producteurs interrogés prône le respect de l’environnement. Or, plusieurs répondants ont déploré un manque de reconnaissance sociale pour leurs efforts et les changements qu’ils ont déployés en matière de protection de l’environnement au cours des dernières années. Par exemple, certains ont fait remarquer que les consommateurs mettent toujours plus de pression pour un durcissement des normes environnementales envers les agriculteurs, mais inversement, que ces mêmes consommateurs optent pour des produits étrangers en raison des prix moins élevés », remarque Mireille McGrath-Pompon.

En ce qui a trait à la restauration des bandes riveraines, le projet proposé visait la résolution d’un problème de pollution. Toutefois, les agriculteurs doutent de son utilité. « Bien que, de manière générale, les répondants reconnaissent qu’une telle mesure soit bénéfique pour l’environnement, plusieurs considèrent que cette nouvelle pratique agroenvironnementale ne répond pas d’emblée à un besoin réel. Comme ils sont soumis à une panoplie de lois, de règlements et de normes reliés à la protection de l’environnement et qu’ils doivent malgré tout assurer la rentabilité de leur entreprise, les producteurs se représentent difficilement comment ce problème est lié à leurs pratiques et devrait devenir une priorité », souligne Mme McGrath-Pompon.

Ces constats confirment ainsi la pertinence de travailler avec les différentes parties prenantes de ces projets afin de trouver des solutions environnementales qui correspondent à leurs besoins et à leurs intérêts. « Nous avons constaté que la question environnementale s’intégrait parmi une foule de défis que les agriculteurs rencontrent. Surtout, les notions d’environnement et de nature à protéger ne revêtent pas la même signification pour tout le monde; il est donc primordial de travailler ensemble pour s’entendre sur des objectifs communs. Même si elle a un impact environnemental certain, l’agriculture est bénéfique pour l’ensemble de la société. C’est pourquoi, il est nécessaire de mieux connaître les acteurs en place, de comprendre leurs priorités, leurs besoins et leur vision pour établir un dialogue qui facilitera alors le développement de projets », conclut-elle.