L’Université du Québec à Rimouski se démarque par son expertise multidisciplinaire en nordicité. Depuis 25 ans, une quarantaine de chercheuses et de chercheurs s’intéressent aux enjeux liés au développement durable du Nord. Une masse critique qui fait de l’UQAR l’une des institutions universitaires les plus dynamiques sur le plan de la recherche à l’égard des questions liées aux environnements nordiques.

Spécialisés en biologie, en chimie, en géographie, en développement régional, en gestion, en sciences de la mer, en sciences de la santé et en génie, plusieurs professeures et professeurs de l’UQAR consacrent leurs recherches au développement environnemental et socioéconomique du Nord. Plus de 775 projets de recherche en lien avec la nordicité ont été réalisés au cours des cinq dernières années par des chercheuses et des chercheurs de l’Université.

« La nordicité est l’un des trois axes d’excellence de l’UQAR avec les sciences de la mer et le développement régional. Ces axes d’excellence favorisent les collaborations multidisciplinaires entre nos chercheuses et nos chercheurs et ceux d’autres institutions de recherche. Cette concertation de spécialistes d’horizons variés permet de répondre à des enjeux de plus en plus complexes, particulièrement en ce qui a trait au développement durable du Nord », indique le recteur, Jean-Pierre Ouellet.

L’expertise ainsi que la masse critique de l’UQAR à l’égard des questions liées au développement du Nord en a fait un membre incontournable du réseau ArcticNet, qui regroupe pas moins de 145 chercheuses et chercheurs du Canada. Représentant le deuxième plus important contingent de membres, la vingtaine de chercheuses et de chercheurs de l’Université du Québec à Rimouski sont particulièrement actifs dans ce réseau géré par l’Université Laval (UL) et dont la mission est de contribuer au développement et à la diffusion des connaissances sur l’Arctique.

L’UQAR est également très impliquée au sein du Centre d’études nordiques (CEN), un regroupement stratégique qui rassemble plus de 45 membres réguliers de l’UL, du Centre Eau, Terre et Environnement de l’Institut national de recherche scientifique (INRS), de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), de l’Université de Sherbrooke (UdeS), de l’Université de Montréal (UdeM), de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), de l’Université McGill, de l’Université Concordia et du Cégep F-X Garneau. Les chercheuses et les chercheurs de l’UQAR représentent encore une fois le contingent le plus nombreux après celui de l’UL, l’université qui gère le CEN.

« L’une des grandes missions du CEN est de favoriser le développement durable des régions nordiques par une meilleure connaissance des changements qui affectent ces environnements », mentionne le professeur Joël Bêty, directeur adjoint du CEN. « Les connaissances qui sont générées par la recherche servent à proposer des stratégies d’adaptation aux changements dans un contexte de réchauffement climatique et du développement socioéconomique accéléré en cours dans le Nord. »

La nordicité est un axe d’excellence en recherche de l’Université du Québec à Rimouski depuis l’automne 2005. Cette reconnaissance n’est pas étrangère aux activités et aux travaux du Groupe de recherche sur les environnements nordiques BORÉAS. Regroupant plus d’une vingtaine de membres réguliers et cinq membres associés, BORÉAS a coordonné le programme national EnviroNord qui visait à soutenir à la relève scientifique au Canada par l’octroi de bourses de mobilité, de stage, de communication et de recherche. « Cette initiative a permis de former plus de 400 étudiantes et étudiants d’une demi-douzaine d’universités à travers le Canada de 2009 à 2016 », note le professeur Dominique Berteaux, principal instigateur d’EnviroNord.

Un développement en mode accéléré

Le Nord est présentement confronté à trois grandes révolutions, observe le professeur Berteaux, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en biodiversité nordique. « Il y a la révolution démographique – il y a de plus en plus de monde –, il y a la révolution environnementale – le climat se réchauffe –, et il y a la révolution industrielle – les activités industrielles sont de plus en plus nombreuses et intensives. Ces trois grands changements font naître énormément de besoins en connaissances. »

Sur le plan démographique, on constate que la population est de plus en plus jeune. « Dans les villages inuits, c’est un peu comme en Afrique. Il y a de grandes familles et les moins de 25 ans représentent une forte proportion de la population.  C’est l’inverse de ce qu’on a ici », indique M. Berteaux. Le manque d’emploi, l’accès à la nourriture, l’accès à l’éducation et la pauvreté sont au nombre des problèmes sociaux dans le Nord.

Plusieurs ressources naturelles du Nord sont prisées par les industries du Sud, dont le pétrole, le gaz naturel, le fer, le nickel et les diamants. Cet attrait exerce une pression de plus en plus grande sur le développement durable du Nord. « Les populations du Nord ont besoin d’emplois et le reste de la planète a besoin des ressources qui sont là-bas. Alors, les Inuits sont placés devant un dilemme : d’un côté, le développement leur amène de l’argent, mais d’un autre côté, ce développement crée des problèmes sociaux et ils n’ont pas forcément accès aux meilleurs emplois en raison de leur formation qui n’est pas assez spécialisée », note le professeur Berteaux.

Sur le plan environnemental, le réchauffement climatique est l’enjeu majeur dans le Nord. « À plusieurs endroits, on remarque une augmentation de trois degrés en 25 ans », souligne le professeur Bêty. Ce réchauffement se reflète par une diminution du couvert de glace, par une diminution des précipitations en neige et par l’effritement du pergélisol. « Du côté de la faune, on remarque qu’il y a de nouvelles espèces qui arrivent du Sud et un déplacement de certaines espèces vers le Nord, puisqu’elles sont parfaitement adaptées au froid. »

Le réchauffement climatique a également pour effet d’augmenter l’occurrence des floraisons phytoplanctoniques dans l’océan Arctique. L’englacement tardif et l’exposition accrue des eaux de surface aux effets du vent favorisent la production de phytoplancton à l’automne, mentionne le professeur Michel Gosselin, de l’Institut des sciences de la mer de Rimouski. « Auparavant, la production de phytoplancton – qui est à la base de toute la chaîne alimentaire de l’océan Arctique – n’était observée qu’au printemps ou au début de l’été. Depuis les années 1980, la superficie de glace de mer a chuté en moyenne de 14% par décennie dans l’océan Arctique. »

Les défis de la recherche

Les coûts associés à la recherche dans le Nord constituent un enjeu majeur pour les chercheuses et les chercheurs. « Ça coûte très cher pour se rendre dans le Nord. Un billet d’avion coûte plus cher qu’un billet pour aller en Australie ou en Chine », illustre le professeur Joël Bêty. À titre d’exemple, un séjour de deux mois dans le Nord pour un professeur et quatre étudiantes et étudiants coûte environ 60 000 $, ce qui comprend les frais associés aux déplacements.

Sur place, les déplacements se font en motoneige, en véhicule tout terrain, en hélicoptère ou encore à pied. Fait à souligner, les étudiantes et les étudiants qui se rendent dans le Nord doivent obligatoirement suivre un cours de maniement d’armes, un cours de premiers soins et reçoivent une formation sur la façon d’agir en présence d’un ours polaire. « Aller dans le Nord, c’est toujours une aventure personnelle », note le professeur Bêty.

La collaboration avec les Inuits est une clé de la recherche dans le Nord, estime le professeur Berteaux. « Ils ont une culture différente et il faut sortir de notre zone de confort. Il est important d’échanger nos connaissances avec eux et d’être à l’écoute de leurs priorités, qui peuvent être différentes des nôtres. De plus en plus, ils nous suggèrent des idées de recherche sur des préoccupations qu’ils ont, notamment sur la qualité de l’eau », précise le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en biodiversité nordique.

« La création de l’Institut nordique du Québec vise à favoriser l’essor de la recherche sur le développement durable du Nord », estime François Deschênes, vice-recteur à la formation et à la recherche. « Pour y arriver, il faut rassembler les expertises scientifiques du Québec dans les domaines clés de la nordicité. Ce modèle de coopération interuniversitaire et intersectorielle est très porteur pour faire avancer la connaissance, pour effectuer un développement durable du Nord et pour renforcer le positionnement du Québec comme leader mondial dans le domaine. L’expertise de l’UQAR en nordicité est assurément un atout intéressant pour cet institut. »