Le développement des régions desservies par l’Université du Québec à Rimouski est étroitement lié à leur capacité à attirer et à maintenir une main-d’œuvre qualifiée. Par sa mission de formation, de recherche et de services aux communautés, l’UQAR contribue à relever ce défi majeur pour la vitalité socioéconomique de son territoire. Regard sur l’impact de l’Université à l’égard de la formation de la main-d’œuvre.

Le vieillissement de la population est l’un des facteurs importants qui amènent les entreprises, les institutions et les organisations à se pencher sur la question de la relève. Selon les projections d’Emploi-Québec, ce sont quelque 1 372 200 emplois qui seront à pourvoir aux quatre coins de la province pour la période de 2015 à 2024. Plus de 82 % de ces emplois seront à combler à la suite de départs à la retraite et près de 18 % seront des nouveaux postes.

Alexandre Gauthier Belzile est économiste de Services Québec pour la région du Bas-Saint-Laurent.Alexandre Gauthier Belzile est économiste de Services Québec pour la région du Bas-Saint-Laurent.Sur le territoire de l’UQAR, Emploi-Québec estime à plus de 78 000 le nombre d’emplois qui sont actuellement à combler, c’est-à-dire pour la période de 2015 à 2019. Parmi ceux-ci, on en retrouve 39 100 en Chaudière-Appalaches, 18 600 au Bas-Saint-Laurent, 10 400 en Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine et 10 100 sur la Côte-Nord. « Les entreprises font présentement face à des difficultés de recrutement, et ce, dans tous les secteurs d’activité », indique Alexandre Gauthier Belzile, économiste de Services Québec pour la région du Bas-Saint-Laurent.

Or, le nombre de travailleuses et de travailleurs en mesure d’occuper ces emplois est en décroissance depuis une dizaine d’années, poursuit M. Gauthier Belzile. « On observe une diminution de l’indice de remplacement de la main-d’œuvre depuis 2006. Nous sommes passés d’un taux de 86,9 % à 51 % en 2017. En 2020, nous devrions atteindre un seuil minimal de 49,5 % selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). Ces données concernent le Bas-Saint-Laurent, mais elles sont représentatives des autres régions à l’est de Québec. »

Si l’évolution de la population en âge de travailler a connu une augmentation de 7 % entre 2002 et 2016 au Québec, elle a en revanche connu une décroissance sur le territoire de l’UQAR. Ainsi, selon des données de l’ISQ, la population âgée entre 15 et 64 ans a diminué de 13 % en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, de 10 % au Bas-Saint-Laurent et de 5 % sur la Côte-Nord au cours de cette période. De son côté, la région de Chaudière-Appalaches a connu une légère hausse de 0,2 %.

Par ailleurs, la proportion des 15-64 ans était de 62,5 % à l’échelle du Québec en 2016. En 2026, elle sera de 54,2 %, selon des données de l’ISQ. « L’année dernière, plus de 70 % des 15-64 ans avaient un emploi au Bas-Saint-Laurent et environ 6 % étaient à la recherche d’un emploi. Il s’agit d’un sommet historique pour le taux d’emploi et cela se reflète dans les autres régions du Québec », note M. Gauthier Belzile.

La rareté de la main-d’œuvre

La professeure Catherine Beaudry. (Photo Valérie Fournier Photographe)La professeure Catherine Beaudry. (Photo Valérie Fournier Photographe)Spécialiste en gestion des ressources humaines, la professeure Catherine Beaudry constate que la rareté de la main-d’œuvre préoccupe de plus en plus les employeurs. « Quand on sonde les grands employeurs, ils disent que l’attraction et la rétention de main-d’œuvre sont leurs plus grands enjeux. En région, ces enjeux ont tendance à s’amplifier encore plus en raison de la rareté de la main-d’œuvre, surtout pour des emplois plus spécialisés. » 

Dans le cadre de ses recherches, la professeure Beaudry a constaté que les petites entreprises manquent, en général, de planification à long terme sur le plan de la gestion des ressources humaines. « Plusieurs d’entre elles ne perçoivent pas le recrutement et la rétention de la main-d’œuvre comme une priorité. Or, elles sont en processus perpétuel de recrutement. Donc, il s’agit bel et bien d’enjeux fondamentaux, mais ce ne sont pas tous les employeurs qui s’en rendent compte. »

Le taux de roulement de la main-d’œuvre peut avoir un impact significatif sur la rentabilité et la productivité d’une entreprise. « Par exemple, le remplacement d’un employé qui gagne 40 000 $ coûte au minimum 6000 $. En fait, le coût minimal du remplacement d’un employé est de l’ordre de 15 % de son salaire annuel. On estime en moyenne à près de 50 000 $ le coût du départ d’un travailleur pour une autre entreprise », mentionne la professeure en gestion des ressources humaines. Une somme qui comprend, notamment, les coûts inhérents à la fermeture du dossier de l’employé qui quitte son poste, au temps supplémentaire pour compenser le travail non accompli, à la diminution de productivité, au processus d’embauche et à l’intégration et à la formation du nouvel employé.

Par ailleurs, il n’y a pas de « recette miracle » pour les entreprises et les organisations qui veulent s’assurer de maintenir leur main-d’œuvre. Si le salaire peut être un incitatif important, la professeure Catherine Beaudry estime que l’environnement de travail est l’un des facteurs majeurs. « À salaire égal, un employé va choisir un environnement de travail qui lui semble plus agréable. » Ainsi, les relations interpersonnelles, la diversité des mandats, l’autonomie accordée aux employés, la stabilité d’emploi et la flexibilité sur le plan de la conciliation travail-famille vont avoir un impact déterminant sur la rétention de la main-d’œuvre.

Un rôle multiple pour l’UQAR

L’UQAR joue un rôle majeur à l’égard de la formation de la relève d’une main-d’œuvre spécialisée, mais également de l’attraction. « Nous formons des professionnels qui ont les connaissances et les compétences pour œuvrer dans différentes sphères d’activités, et qui sont aussi qualifiés que ceux provenant des grands centres urbains. Au-delà du transfert des connaissances et du savoir-faire, nous attirons des étudiantes et des étudiants de partout au Québec et même de l’étranger qui seront en mesure de combler des besoins de main-d’œuvre lorsqu’ils seront diplômés », explique le vice-recteur à la formation et à la recherche, François Deschênes.

L’immigration est une avenue qui est de plus en plus reconnue comme solution au manque de main-d’œuvre. Chaque année, l’UQAR accueille plus de 400 étudiantes et étudiants étrangers. Ceux-ci proviennent d’une quarantaine de pays, dont la France, la Chine, l’Algérie, le Brésil, le Sénégal, la Belgique, le Bénin et la Tunisie. Au cours de leurs études, ils ont l’occasion de découvrir les régions desservies par l’UQAR et pour plusieurs, de se familiariser avec le marché du travail. « Le travail est le facteur numéro un de l’intégration des personnes immigrantes. On s’intègre dans une communauté à partir du moment où on a une activité. Le contact avec l’autre et l’insertion sociale passent beaucoup par le travail », signale la professeure Beaudry.

Depuis sa création en 1969, l’Université du Québec à Rimouski a décerné près de 49 000 diplômes. Au cours de la prochaine année, elle franchira le cap des 50 000. « La grande majorité de nos diplômées et diplômés s’établissement dans les régions naturellement desservies par l’UQAR à la fin de leurs études pour faire leur carrière », souligne M. Deschênes. « Pour le marché du travail, il s’agit de travailleuses et de travailleurs qui sont appelés à jouer des rôles clés dans le développement d’entreprises, d’organisations et d’institutions en région. »

Plusieurs formations offertes par l’UQAR répondent directement à d’importants besoins de main-d’œuvre sur son territoire. Parmi ces formations identifiées par Emploi-Québec, mentionnons le génie, l’informatique, l’administration, les sciences comptables, la gestion, le marketing, les sciences infirmières, l’éducation, le travail social et la biologie. Certaines de ces formations peuvent être modulées afin de combiner en parallèle les études et le travail. « En termes de spécialisation, un diplôme universitaire est très important et très recherché par les employeurs. Pour ceux-ci, c’est une marque de productivité et un gage du fait que l’employé va bien s’intégrer », observe l’économiste Alexandre Gauthier Belzile.

Plusieurs des formations offertes par l’UQAR comportent des stages. En plus de permettre d’établir des liens entre l’Université et les entreprises et les organisations, ces stages représentent une expérience de travail concrète pour les étudiantes et les étudiants. « Nos finissantes et nos finissants peuvent ainsi se familiariser avec un emploi dans leur domaine et se faire connaître par de futurs employeurs, ce qui facilite leur intégration au marché du travail », précise le vice-recteur à la formation et à la recherche.

La recherche effectuée à l’UQAR est un autre moyen de former une relève de pointe dans de nombreux domaines. « Les étudiantes et les étudiants qui effectuent de la recherche dans le cadre de leur formation de cycle supérieur font certes preuve de curiosité scientifique, et développent aussi leur esprit d’analyse et de synthèse ainsi qu’un souci de l’innovation. Le fruit de leurs recherches représente des savoirs de pointe qui sont bénéfiques pour les entreprises de la région. Et certains vont même décider de se lancer en affaires, de créer leur propre entreprise à partir de leurs découvertes », ajoute M. Deschênes.

Avoir des connaissances à jour

La mise à jour des connaissances et la bonification des compétences sont aussi un enjeu important pour les personnes sur le marché du travail. Depuis 2011, le Service de la formation continue (SFC) de l’UQAR s’affaire à développer et à déployer un large éventail de formations créditées et sur mesure aux quatre coins du territoire desservi par l’Université. « La formation continue est bénéfique pour les entreprises et les organisations de toutes sortes, car elle permet le rehaussement des compétences de leurs employés tout en maintenant leur lien d’emploi », illustre la directrice du Service de la formation continue, Louise Bolduc.

Plus d’une quarantaine de formations sont offertes par le SFC de l’UQAR dans des domaines variés : gestion de projet, administration publique régionale, gestion des ressources humaines, gestion des personnes en milieu de travail, psychoéducation, trouble du spectre de l’autisme, enseignement professionnel, administration scolaire, intervention pédagogique en contexte sportif, sciences infirmières et santé mentale, entre autres. Plus de 1800 personnes ont suivi une formation créditée au cours des cinq dernières années. De plus, le Service de la formation continue a développé des formations offertes en ligne qui, en plus de répondre aux exigences de différents ordres professionnels, permettent aux individus en emploi de bonifier leurs connaissances.

Afin de répondre aux besoins particuliers des entreprises, des organisations et des organismes, le Service de la formation continue de l’UQAR offre des formations sur mesure. Plus de 5000 attestations de formation ont été remises au cours des six dernières années. « Ces formations sont composées d’activités d’enseignement, de séminaires, d’ateliers ou d’activités à distance qui sont conçues pour répondre à des besoins précis. Que ce soit par des formations créditées ou par des formations sur mesure, le rehaussement des compétences est un enjeu majeur pour les personnes sur le marché du travail et les entreprises, les organisations et les organismes qui souhaitent se développer et miser sur l’innovation », conclut Louise Bolduc.