Professeure en sciences de la gestion au campus de Lévis de l’UQAR et directrice scientifique du Centre d’expertise universitaire voué au développement des organisations (CEUDO), Anissa Frini s’intéresse à la prise de décision multicritère temporelle dans un contexte d’incertitude afin d’aider les organismes, tel le Bureau du forestier en chef, à prendre des décisions d’aménagement forestier durable en tenant compte d’une multitude de critères évalués sur une longue période de temps.

L’exploitation forestière est un atout majeur pour l’économie du Québec. Avec sa Loi sur le développement durable, le gouvernement du Québec assure un cadre commun de gestion pour tous ses ministères et organismes gouvernementaux afin que le développement durable soit au cœur de son action. Dans le domaine de l’aménagement forestier, les problèmes de décision sont complexes puisqu’il faut, entre autres, prendre en considération les conséquences des actions sur l’horizon de régénération de la forêt qui est d’environ 150 ans.

Ayant reçu une subvention du Fonds de recherche du Québec société et culture (FRQSC) – soutien à la recherche pour la relève professorale, Anissa Frini a l’occasion d’appliquer dans un contexte réel sa méthode d’aide multicritère à la décision (MUPOM). Développée en 2014, cette méthode consiste en une approche qui outille et accompagne les dirigeants dans leur processus décisionnel dans un contexte de développement durable.

Intitulé L’aménagement forestier durable : Une nouvelle approche multicritère temporelle participative en contexte d’incertitude, le projet de recherche de la professeure Frini vise à généraliser la méthode MUPOM dans un contexte d’incertitude et à appliquer cette généralisation pour recommander les scénarios d’aménagement forestier durable de meilleur compromis. Plus particulièrement, la méthode qui sera développée considérera autant les impacts à court terme que ceux à moyen et long termes et tiendra compte d’événements imprévisibles ou incontrôlables et d’évaluations imprécises ou incomplètes.

Ces décisions doivent reposer sur des critères de décision multiples et conflictuels (économiques, environnementaux et sociaux), des points de vue et des valeurs des parties prenantes (environnementalistes, conseillers municipaux, élus, membres des communautés, producteurs de bois et acteurs administratifs), l’horizon de régénération de la forêt et des événements incertains et hors de contrôle qui peuvent survenir (par exemple, les incendies forestiers ou les infestations d’insectes). Traiter toutes ces facettes sera d’un grand intérêt pour le Bureau du forestier en chef du Québec qui a pour mission de déterminer les possibilités forestières en considérant les contraintes d’aménagement des forêts tout en respectant la loi sur l’aménagement durable du territoire forestier.

« La littérature révèle l’absence d’approches et de méthodes multicritères qui prennent en considération simultanément la multitude de critères, les points de vue des parties prenantes, l’aspect temporel des évaluations et l’incertitude », explique la professeure Frini. « De ce fait, il s’avère pertinent et original de consacrer les efforts et les moyens nécessaires pour le développement d’une telle approche. Celle-ci apportera au Bureau du forestier en chef de nouvelles façons de faire pour soutenir un modèle de gestion forestière qui tiendrait compte des intérêts et des valeurs des communautés ainsi que du potentiel économique, écologique et social des forêts dans un contexte d’incertitude. »

L’approche qui sera développée va jumeler des aspects qui sont aussi importants les uns que les autres et qui ne doivent pas être ignorés dans le processus décisionnel. On ne pourrait pas, par exemple, imaginer de choisir les options d’aménagement sans évaluer les impacts sur un horizon à long terme, sans considérer l’éventualité de feux de forêts ou d’infestations d’insectes ou sans prendre en compte les valeurs des parties prenantes dans le processus. « Le caractère novateur de la recherche repose sur le fait que le problème sera traité en considérant tous les enjeux en même temps », précise la professeure Frini.

La recherche poursuit trois objectifs spécifiques. Elle vise d’abord à mener une approche participative d’aide à la décision afin de concerter les parties prenantes quant aux options d’aménagement à considérer, aux critères de décision selon lesquels ces options devraient être évaluées et aux sources d’incertitude à intégrer. Les éléments de préférence tels que les poids des critères et les seuils seront également élucidés.

Ensuite, la recherche formulera les indicateurs et simulera les impacts des options d’aménagement sur un horizon de 150 ans pour différents scénarios d’incertitude. Cela permettra de construire un modèle hiérarchique d’indicateurs pour mesurer chaque critère de décision résultant de la concertation et d’en conduire les modélisations et les simulations nécessaires afin d’évaluer les options d’aménagement pour chaque scénario d’incertitude.

Finalement, la recherche de la professeure Frini appliquera la méthode multicritère et multipériode dans un contexte d’incertitude et analysera les résultats pour recommander au Bureau du forestier en chef l’option de meilleur compromis. Ainsi, il sera possible d’adapter la méthode multicritère temporelle dans un contexte d’incertitude et de l’appliquer aux données issues des modélisations effectuées au préalable.  La recherche de la professeure Frini se déroulera jusqu’en 2020.