Le plectrophane des neiges est une espèce d’oiseau qui est étudiée de près par des biologistes de l’Université du Québec à Rimouski. Une recherche publiée dans Ecology and Evolution montre que ce spécialiste du froid a une faible tolérance à la chaleur et potentiellement au réchauffement de l’Arctique.

Le Plectrophenax nivalis passe la majeure partie de sa vie à des températures inférieures à 0°C. Il a d’ailleurs développé des mécanismes physiologiques qui lui permettent de résister à des températures extrêmement froides, allant théoriquement jusqu’à -90°C. Une équipe de chercheuses et de chercheurs de l’UQAR a étudié une population de plectrophanes des neiges à Alert, en Arctique, afin de mesurer leur capacité physiologique à tolérer une chaleur modérée.

« Les températures dans l’Arctique augmentent à un rythme plus rapide que la moyenne mondiale et les données sur la façon dont les espèces adaptées au froid peuvent tolérer la chaleur, même modérée, sont limitées », explique le professeur en biologie François Vézina. « Les plectrophanes ont montré des signes de stress thermique à des températures inférieures à celles généralement enregistrées chez les passereaux, par exemple. Ils ont considérablement augmenté leur perte de chaleur par évaporation à une température environnementale de 34,6 °C, alors que la plupart des espèces ont tendance montrer des signes de stress seulement à partir de températures proches de la température corporelle (41°C). » Bien que 34°C puisse paraître élevé pour l’Arctique, les données préliminaires de l’équipe indiquent que les températures ressenties – incluant l’effet du rayonnement solaire – par cet oiseau au plus chaud de l’été s’approchent déjà de ce seuil dans certains endroits de son aire de reproduction.

La capacité des plectrophanes à dissiper la chaleur est en fait extrêmement faible, indique Ryan O’Connor, un postdoctorant dans l’équipe du professeur Vézina. « L’inefficacité des plectrophanes à perdre de la chaleur provient d’une incapacité significative à se refroidir par évaporation – un peu comme les chiens qui halètent lorsqu’ils ont chaud. En fait, au cours de l’étude, 95 % des individus n’arrivaient pas à évacuer l’équivalent de leur propre production de chaleur, donc quand la température augmente, la surchauffe devient rapidement inévitable. »

Comme l’Arctique se réchauffe rapidement, l’équipe de recherche s’attend à ce que les températures environnementales plus élevées combinées à une forte activité signifient que les plectrophanes en milieu naturel pourraient connaître davantage de périodes de stress thermique. « Nos données montrent que les plectrophanes sont inefficaces pour dissiper la chaleur corporelle. Il est donc probable que les plectrophanes stressés par la chaleur doivent réduire leur activité, comme l’alimentation des oisillons, ce qui pourrait avoir un impact à long terme sur la capacité de reproduction et la pérennité des populations », souligne M. O’Connor.

L’article « Limited heat tolerance in an Arctic passerine: Thermoregulatory implications for cold-specialized birds in a rapidly warming world » est signé par Ryan S. O’Connor, Audrey Le Pogam, Francis Robitaille, Dominique Berteaux et François Vézina (UQAR), Kevin G. Young (Western University), Emily S. Choy, Kyle H. Elliott et Anna L. Hargreaves (Université McGill), Oliver P. Love (Université de Windsor) et Andrew Tam (Défense nationale). Il a été publié sur le site d’Ecology and Evolution en janvier.

Les travaux de l’équipe ont été menés au laboratoire d’étude de la faune de l’UQAR situé à la station militaire d’Alert, à environ 800 kilomètres du pôle Nord. Il s’agit d’un des laboratoires les plus nordiques du monde. Cette infrastructure a été aménagée en 2018 grâce à un partenariat avec le ministère de la Défense nationale. Le laboratoire est dirigé par les professeurs François Vézina et Dominique Berteaux.

Les prochains travaux de recherche du professeur Vézina permettront de tester la théorie selon laquelle l’augmentation des températures dans l’Arctique entraînera un stress thermique croissant pour les plectrophanes des neiges, un stress se manifestant notamment par une diminution des allers-retours pour le nourrissage des oisillons. « Si les plectrophanes connaissent plusieurs saisons avec un moindre succès de reproduction en raison de l’augmentation du stress thermique, cela pourrait avoir une influence significative sur les populations au fil du temps », conclut le professeur en biologie.