La pandémie de la COVID-19 a amené un lot de défis à plusieurs personnes, notamment les femmes violentées ainsi que les personnes œuvrant dans les maisons d’hébergement pour femmes au Québec. Au cours des prochains mois, la professeure en psychosociologie et travail social du campus de Lévis de l’UQAR, Sastal Castro Zavala mènera avec la chercheuse principale Catherine Flynn de l’Université du Québec à Chicoutimi, une recherche sur l’expérience qu’elles ont vécue. Réalisée en partenariat avec la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, elle a comme objectif de documenter de quelle façon la crise sanitaire de la COVID-19 a transformé leurs pratiques affectant du même coup l’offre de services destinée aux femmes.

Différents acteurs sont engagés dans cette recherche réalisée grâce à une subvention d'engagement partenarial du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada de 24 588 $. Au premier chef : la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (FMHF) au cœur de cette recherche. « Cet organisme avait déjà amorcé une réflexion approfondie sur les réalités multiples et leurs enjeux avant la pandémie pour rendre ses services plus inclusifs, par une approche intersectionnelle », explique Sastal Castro Zavala. La FMHF souhaitait ainsi réduire les barrières rencontrées par certaines femmes, noires, racisées ou immigrantes, autochtones, LGBT+ ou en situation de handicap au moment de sortir d’un contexte de violence.

Par la recherche, « on va aller à la rencontre des intervenantes en première ligne, les coordonnatrices cliniques, les directrices des maisons ainsi que les femmes ayant reçu des services depuis les débuts de la pandémie pour connaître comment ça s’est passé sur le plan de l’organisation, leur vécu », explique la chercheuse de l’UQAR. « Nous allons explorer le terrain pour comprendre l’impact de cette pandémie sur ce type de pratiques qui étaient déjà en cours, sur l’inclusion des femmes, sur la permanence de la fédération qui aide à organiser les ressources de ces maisons. Elles offrent des services 24 heures sur 24, leur écoute et les accompagnent à travers les services, dont la cour. »

Ce terrain de recherche offre la possibilité de recruter et d’entendre le point de vue de groupes moins représentés dans les études dans le champ des violences faites aux femmes et de l’intervention féministe tout en favorisant l’émergence de points de vue souvent marginalisés dans la production scientifique. Une vingtaine de groupes de discussion réunissant de 5 à 8 participantes seront réalisés dans plusieurs régions afin de refléter les différentes réalités terrain vécues. Cela permettra de « mettre en dialogue les propos des personnes offrant ou ayant reçu des services sur les défis surmontés, les leçons apprises et les impacts de la crise sanitaire sans précédent sur l’offre de services destinée aux femmes ainsi qu’à leurs enfants », soutient Madame Castro Zavala.

Les retombées pour la recherche sont axées sur « comment améliorer ou favoriser des pratiques plus réflexives dans un contexte de pandémie, une offre de services peut être plus inclusive et identifier les stratégies qui sont gagnantes, déjà mises en place ou déjà amorcées ainsi que la façon de réagir des organismes, leurs façons d’innover ».  Des étudiantes seront également appelées à collaborer à cette recherche qui a une approche intersectionnelle.

Intervenante en maison d’hébergement pendant 10 ans auprès de femmes immigrantes jusqu’en juillet dernier où elle est devenue professeure à l’UQAR, Madame Castro Zavala raconte les défis vécus en début de pandémie, par exemple, pour protéger la santé des femmes hébergées ainsi que les intervenant.es qui y travaillent. « Je recevais des appels de femmes pour s’informer ou demander de l’aide. Certaines étaient en démarche de séparation, de divorce, pour obtenir l’aide sociale, en situation d’itinérance ou avec un statut d’immigration précaire en plus de la barrière de la langue. Ça m’a permis d’avoir le regard sur la complexité que ces personnes-là peuvent vivre ».

La pandémie a entraîné dans un court laps de temps d’importants changements dans les pratiques, notamment d’importante surcharge de travail en lien avec le roulement de personnel, une pénurie de main-d’œuvre et la reddition de comptes. Sans compter les nouvelles mesures sanitaires mises en place. Ont-elles pu constituer des barrières d’accès à des groupes de femmes spécifiques?

« Plusieurs problématiques sociales étaient déjà présentes. Comment pouvons-nous répondre à ces situations qui font ressortir les inégalités sociales qui se révèlent davantage dans ce contexte ? Nous avons l’espoir que cela pourra sensibiliser les décideurs », affirme la chercheuse. « Je suis très heureuse de faire partie de ce projet partenarial avec Madame Flynn et avec la Fédération », conclut la professeure Castro Zavala.

Le fruit de leurs travaux permettra d’effectuer des recommandations aux décideurs et aux acteurs du réseau de la santé et des services sociaux québécois. Au Québec, les 35 maisons membres de la FMHF rejoignent annuellement plus de 100 000 femmes par l’entremise de leur service, de leur soutien post-hébergement et par leurs activités de sensibilisation.

Mentionnons que Sastal Castro Zavala s’intéresse aux pratiques d’intervention auprès des populations immigrantes. Sa thèse de doctorat aborde les pratiques des intervenantes en maison d’hébergement auprès des femmes immigrantes victimes de violence conjugale en utilisant une analyse intersectionnelle. Professeure, chercheuse, intervenante et femme engagée socialement, elle a collaboré activement avec plusieurs organismes communautaires et tables de concertation pour faire avancer l’égalité de genre et la justice sociale pour toutes et tous.