Comment prédire, prévenir et contrôler les blessures morales chez les travailleurs et les leaders de la santé confrontés à la pandémie? La professeure au campus de Lévis de l’UQAR et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le sexe et le genre en santé au travail, Mahée Gilbert-Ouimet, mènera, de concert avec Manon Truchon de l’Université Laval, un projet de recherche pour répondre à cette question primordiale.

La crise sanitaire engendrée par la COVID-19 semble entraîner une détérioration des conditions psychosociales au travail et augmenter le risque de détresse et de blessures morales, en particulier chez le personnel du réseau de la santé. Ayant vu leur quotidien bouleversé par les mesures sanitaires, les travailleurs ont dû composer avec le risque d’être contaminés et de contaminer leurs proches. La réorganisation physique des espaces de travail, l’imposition de mesures parfois rigides, la pénurie de matériels et les questions éthiques relatives à la prise de décisions liées aux patients sont des sources de stress susceptibles d’engendrer de la détresse psychologique ainsi que des blessures morales.

L’amélioration des conditions psychosociales au travail ainsi que l’adoption de nouvelles stratégies d’adaptation individuelles pourraient contribuer à amoindrir l’impact de cette crise sur la santé mentale des travailleurs, en plus de fournir des outils permettant d’affronter les prochaines crises. Financée à la hauteur de 200 000 $ par le programme IDEeS pour la prochaine année, l’équipe de recherche s’intéressa au personnel d’établissements de santé au Québec lors de la crise sanitaire de la COVID-19.

La professeure Mahée Gilbert-Ouimet.La professeure Mahée Gilbert-Ouimet.Parmi les objectifs poursuivis par l’équipe, notons celui de comprendre les événements survenus en milieu de travail pouvant affecter les conditions de travail et générer des conflits éthiques et des blessures morales. Elle cherchera à identifier les conditions psychosociales du travail associées aux conflits éthiques et aux blessures morales. On y mesurera des biomarqueurs dans le sang pouvant être affectés par de mauvaises conditions de travail ou encore par les blessures morales. Enfin, l’équipe élaborera des directives préliminaires pour les leaders de première ligne (ex. infirmières en chef et gestionnaires) synthétisant les pratiques organisationnelles susceptibles d'améliorer ces conditions.

« Il s’agit du premier projet d’envergure de la Chaire. Ce qui me rend particulièrement fière, c’est que nous sommes la seule équipe québécoise dans le milieu académique récipiendaire de ce concours », soutient Mahée Gilbert-Ouimet. « Nous avons une grande équipe : une stagiaire postdoctorale collaborera avec nous. Plusieurs étudiantes travailleront sur le projet ; une lui consacrera son mémoire de doctorat et une autre sa thèse de doctorat. Une dizaine d’auxiliaires de recherche travailleront sur le projet », indique la chercheuse.

L’équipe de recherche se concentrera sur les travailleurs de la santé (médecins, infirmières, préposés aux bénéficiaires, inhalothérapeutes et autres) ainsi que sur les leaders (infirmières en chef, gestionnaires) de centres d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD) et d’hôpitaux traitant des patients ayant la COVID-19. Par des entrevues de groupes réalisées en virtuel pour au moins 65 participants et un questionnaire en ligne auprès de 500 participants, l’équipe documentera les événements et les conditions psychosociales du travail susceptibles d’accroître le risque de conflits éthiques et de blessures morales. Des prises de sang seront collectées auprès de 200 participants permettant de mesurer un ensemble innovant d’une quarantaine de biomarqueurs associés à la vulnérabilité au stress et aux problèmes de santé mentale.

En termes de résultats et de retombées, Mahée Gilbert-Ouimet souhaite que « ce projet permettra d’élargir les connaissances sur les événements en milieu de travail susceptibles de générer ou d’amoindrir l’impact des conflits éthiques et des blessures morales sur le bien-être et la santé au travail dans un contexte spécifique de crise sanitaire parmi des travailleurs du domaine de la santé ».

Les co-chercheurs sont Caroline Biron, Caroline Ménard, Lyse Langlois, Marianne Beaulieu de l’Université Laval ainsi que Jérôme Pelletier de l’UQAR. Mentionnons que cette recherche a été approuvée par le comité d’éthique du CIUSSS de la Capitale-Nationale.

Appuyant les efforts de recherche et de développement, le programme Innovation pour la défense, l’excellence et la sécurité (IDEeS) a collaboré avec Santé Canada, l’Agence de la santé publique du Canada et le Conseil national de recherches du Canada pour cerner les principaux défis et financer plusieurs solutions novatrices présentées par des innovateurs canadiens. Le concours du ministère de la Défense nationale visait à renforcer la réponse à la COVID-19, ainsi que les pandémies futures, grâce au développement de stratégies visant à soutenir les travailleurs de première ligne en matière de soins.

Recrutement de participant(e)s jusqu’au 15 avril 2021

Vous êtes ou avez été impliqués.es dans les soins de patients atteints de la COVID-19 dans un CHSLD ou en centre hospitalier de la province de Québec? Nous avons besoin de vous pour compléter un questionnaire en ligne anonyme de 30 minutes en cliquant ici.