Candidate au doctorat en océanographie, Sarah Brown-Vuillemin a remporté le Concours de vulgarisation de la recherche de l’Acfas. Elle est lauréate dans la catégorie texte pour sa présentation sur le sébaste intitulée « Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es! »

Le sébaste est une espèce qui effectue un impressionnant retour dans le golfe du Saint-Laurent après 25 ans d’absence, explique Mme Brown-Vuillemin dans sa présentation. « Telle une marée rouge déferlante, on estime que ce poisson de fond représenterait aujourd’hui plus de 90 % des organismes vivant dans les profondeurs du golfe. Et même s’il peut vous paraître inoffensif, ce poisson rouge constitue actuellement une source majeure de préoccupations pour les pêcheurs et les scientifiques, dont moi-même! »

Pour comprendre les habitudes alimentaires du sébaste, la chercheuse de l’ISMER-UQAR s’est penchée sur son contenu stomacal. Près de 4000 estomacs de sébaste prélevé lors de missions océanographique de Pêches et Océans Canada menées de 1993 à 1999 et de 2015 à 2019 ont été analysés. Plus de 90 espèces de proies ont ainsi été identifiées. « Les résultats montrent que les petits sébastes, de taille inférieure à 25 centimètres, consomment principalement du zooplancton. Toutefois, l’importance de ces petits organismes dans le régime alimentaire diminue rapidement avec l’augmentation de la taille. Dès qu’il atteint une longueur de 25 centimètres, le sébaste mise sur la consommation de crevettes et de poissons pour subvenir à ses besoins nutritifs », indique Mme Brown-Vuillemin.

Les travaux de la doctorante en océanographie ont permis de faire la lumière sur une différence alimentaire intéressante entre les années 1990 et 2010. Alors que les petits sébastes s’alimentaient surtout de crustacés planctoniques évoluant en eaux glaciales, ceux des années 2010 s’alimentent de crustacés planctoniques qu’on retrouve en eaux plus chaudes. « Il semble donc que les jeunes sébastes soient capables de s’adapter à des changements majeurs de leur environnement », souligne Mme Brown-Vuillemin. « Piscivore en grandissant, le sébaste raffolait du capelan dans les années 1990, une espèce remplacée dans les années 2010 par un autre poisson : le sébaste lui-même! En effet, le sébaste peut se montrer cannibale, ce qui lui permet d’autoréguler dans une certaine mesure la croissance de sa population et d’éviter la pénurie de ressources lorsque les adultes deviennent trop nombreux. »

Dirigée par le professeur Dominique Robert, Mme Brown-Vuillemin consacre son doctorat en océanographie à l’étude du régime alimentaire du sébaste. Une constante demeure dans le régime alimentaire de cette espèce : son goût pour la crevette nordique. « La pression de prédation du sébaste contribuera vraisemblablement à accélérer le déclin de la crevette nordique, pour le plus grand malheur des pêcheurs et des gourmets. Les prochaines étapes de mes travaux fourniront des réponses quant à l’impact de la prédation du sébaste sur le futur de la crevette », conclut la lauréate de la 28e édition du Concours de vulgarisation de la recherche de l’Acfas.