Textos, balados, réseaux sociaux, photos et vidéos. « Les jeunes, comme nous d’ailleurs, sont multimodaux. Pour communiquer, transmettre des informations, ils utilisent déjà du texte, du son, des gestes. Ils encodent le sens avec le plus de moyens possible », décortique le professeur de didactique de la littératie contemporaine au campus de Lévis de l’UQAR, Jean-François Boutin. Comment l’école peut-elle bien les préparer à mieux communiquer dans un monde numérique? Cette question et plusieurs autres mobiliseront l’équipe de recherche d’une trentaine de personnes qu’il dirige au cours des prochains mois.

Le but de la recherche? Développer la compétence numérique par la littératie médiatique multimodale (LMM) chez des élèves du secondaire, notamment, en ajustant des pratiques pédagogiques faisant appel au numérique dans les cours de français, d’univers social et d’arts.

« Les programmes d’enseignement, datant de deux décennies, appartiennent, du point de vue technologique et de la communication, à une époque révolue, sans tablette ni Zoom », estime le chercheur principal. Selon les recherches récentes, les enseignants manquent de temps, de préparation et de soutien technique et pédagogique pour intégrer le numérique à leur pratique et aider leurs élèves à développer des compétences numériques (la collaboration, la pensée critique et la production de contenu) qui leur seront utiles toute leur vie.

Comment s’y prendront-ils? « Au cœur de la recherche, sept enseignants-chercheurs seront nos collaborateurs pour développer et coconstruire différentes activités d’enseignement et d’apprentissage à partir des besoins manifestés par les élèves en matière de LMM et de littératie numérique (LN) », soutient M. Boutin. « On va bâtir ensemble des dispositifs didactiques employant la vidéo, la photo, la sculpture, l’impression 3D, etc. », détaille le didacticien du français qui sera accompagné de huit autres chercheurs universitaires.

Ensuite, ces activités subiront l’épreuve de sept classes. « Elles deviendront nos laboratoires. C’était un incontournable que nous partions des besoins de la classe et non des chercheurs », explique Jean-François Boutin. Les élèves seront à même d’explorer et de développer certaines composantes de la compétence numérique.

« On ne s’intéresse pas tant à l’utilisation des applications ou à la programmation informatique. C’est plutôt le rapport au sens que les élèves vont être capables de renforcer dans des environnements numériques qui suscitent notre intérêt », soutient le chercheur associé de la Chaire en littératie médiatique multimodale de l’UQAM. L’équipe de recherche procédera à l’analyse approfondie des nombreuses données recueillies pendant le projet. Elle proposera des parcours pédagogiques novateurs au corps enseignant québécois du secondaire dans le but de rendre les élèves de plus en plus compétents en littératie médiatique, multimodale et numérique.

Et quelles seront les retombées de cette recherche? Pour la formation des maîtres, c’est de « proposer des progressions des apprentissages tenant compte de la compétence numérique de façon systématique dans ces trois disciplines enseignées », souligne celui qui ne cache pas l’ambition de son équipe de transformer le monde éducatif. Pour les enseignants, « engagés dans un processus de transformation, perçus comme des leaders voulant changer leurs pratiques, ils incitent leurs collègues à intégrer le numérique au quotidien », se réjouit le professeur Boutin.

Pour les élèves, « former des citoyens engagés, informés et surtout critiques, capables de s’adapter au monde d’aujourd’hui et du futur », s’enthousiasme le professeur dont les travaux contribuent à positionner le campus de Lévis comme un « pôle de recherche crédible et reconnu ».

Pour les chercheurs, l’intégration de l’apprentissage du numérique à l’école, associée à des expériences créatrices de littératie, peut devenir le fer de lance de la prospérité de nos sociétés actuelles. « Notre but sera d’accompagner l’école pour effectuer ce virage-là : mieux répondre aux besoins de communiquer des citoyens. » Par exemple, en tentant de ramener à l’école des décrocheurs par le développement de leurs compétences à produire du sens, puis en recevoir par le numérique.

Les connaissances issues de ce projet de recherche-action, financé à la hauteur de 221 000 $ par le Fonds de recherche du Québec — Société et culture (FRQSC), contribueront à cibler, parmi les usages innovants du numérique, ceux qui sont les plus susceptibles de favoriser la réussite éducative de tous, et ce, à tous les ordres d’enseignement.