Imaginez. Vous enfilez un casque et vous voilà soudainement propulsé au cœur d’une unité de soins d’un hôpital. Avec des patients présentant diverses pathologies, des alarmes qui retentissent, des actions à poser pour assurer leur stabilité. Projet porteur et original à la fine pointe de la technologie, l’Unité virtuelle de soins (UVS) a notamment pour objectif de favoriser la formation des professionnels de la santé, dont les infirmières, dans des domaines spécifiques en regard de la surveillance clinique, selon des thématiques bien précises.

La mise sur pied de cette expérience d’apprentissage émane des professeurs en sciences de la santé de l’UQAR, Daniel Milhomme, Frédéric Banville, Andrée-Anne Parent à laquelle s’est joint, au cours de la dernière année, des chercheurs de l’UQAR, du Réseau des UQ ainsi que des collaborateurs des milieux cliniques et d’autres universités. Cet outil de réalité virtuelle immersive, option de plus en plus reconnue et utilisée pour évaluer, intervenir et enseigner, permet aux personnes apprenantes d’être transportées dans un environnement numérique inspiré d’une unité réelle de soins d'un hôpital québécois. On y applique les notions théoriques apprises en classes auprès de personnages présentant diverses complications. Les professionnels de la santé peuvent  pratiquer en toute sécurité et à leur rythme.

« Depuis trois ans, notre équipe technique a accompli de grandes choses. Un artiste 3D, un artiste en art et technologie à Montréal ainsi qu’un programmeur à Chicoutimi travaillent en collaboration avec des chercheurs de différentes disciplines dont les sciences infirmières, la psychologie, la kinésiologie, la physiothérapie, le génie informatique et l’éducation. « Par les projets menés au Laboratoire Onirique (laboratoire initié en 2015 par mon collègue Frédéric Banville), l’UQAR se démarque comme chef de file en réalité virtuelle immersive en santé », explique Daniel Milhomme. Le professeur en soins critiques s’intéresse au processus de surveillance clinique en contexte de soins critiques et au développement d’environnement virtuel immersif à des fins d’enseignement et de recherche.

Loin d’être hollywoodiens, les scénarios du module de soins critiques sont appuyés sur la thèse qui porte sur le processus de surveillance clinique en contexte de soins critiques de M. Milhomme et permettent un haut niveau d’interactivité. « C’est très réel [l’environnement de réalité virtuelle]. Tu as vraiment le sentiment d’être présent et la crainte de perdre le patient. Sa pression descend. On regarde le moniteur et on entend des alarmes. Et on doit poser des gestes…les bons gestes. On voit les conséquences de ses actions. On passe vraiment de la théorie à la pratique. Et tout cela appuyé sur une théorie émergente qui s’appuie sur plusieurs années de pratique clinique d’infirmières expertes », souligne le professeur qui, au départ, avait eu l’idée de ce dispositif pour mieux former des étudiantes d’un de ses cours.

« Notre originalité : créer un environnement de travail complet et flexible en réalité virtuelle pour l’enseignement et la recherche. Pour contribuer à sauver des vies, les pilotes d’avion sont formés dans des simulateurs; nos professionnels de la santé pourront l’être également. On veut démocratiser la formation, la rendre plus flexible et plus accessible pour tous les milieux, et spécifiquement pour les régions plus éloignées. »

Cet environnement de travail peut aussi recueillir des données de recherche, « on est capable d’aller détecter combien de temps cela a pris pour prendre telle décision, poser telle action ou tel comportement, combien de fois on regarde le moniteur avant de poser un acte. C’est un gros laboratoire pour enseigner, mais aussi pour faire de la recherche. Nous souhaitons même recueillir des données biométriques en cours de simulation pour mieux comprendre le comportement des apprenants. Mes collègues de l’UQAR Andrée-Anne Parent et Mehdi Addah se spécialisent dans ce type de mesures, et leur contribution est très importante dans le projet. Bref, on fait grandir tant l’enseignement que la recherche et tout cela aux bénéfices de la sécurité des patients », note le chercheur membre du CoRSeR et du laboratoire Onirique.

Depuis le printemps 2018, les initiateurs de ce projet ont multiplié les collaborations avec des partenaires des milieux cliniques. En effet, une collaboration avec le CHU de Québec, dans lequel des infirmières en obstétrique en région seront exposées à divers scénarios de réalité virtuelle, a vu le jour suite à l’obtention d’une importante subvention par le ministère de l’Économie et de l’Innovation. De plus, une autre collaboration dans le cadre du projet « Aventure Médecine », permettra de former les étudiants en sciences infirmières et en médecine sur la thématique de la collaboration interprofessionnelle. Enfin, l’obtention d’une nouvelle subvention octroyée par la Fondation de l’Hôtel-Dieu de Lévis permettra de débuter des travaux sur la trajectoire de soins en oncologie. Cette nouvelle collaboration avec le CISSS-CA s’avère tout aussi prometteuse que celles déjà en cours. 

L’équipe est à la recherche de partenaires au niveau du soutien financier, notamment des organisations s’intéressant à la simulation en santé. « Dans ce genre de projet, on développe la compétence et l’expertise de l’infirmière, et même des professionnels de la santé en général. On les expose à des situations moins courantes. Nous disposons d’une grande flexibilité sur le plan de la méthode pédagogique. Avec l’expérience acquise, nous avons de plus en plus de fluidité dans les séquences de travail, la conception, les scripts, le matériel, la modélisation, tout devient plus facile au fur et à mesure que le projet prend de l’expansion ».

L’UQAR est précurseur du développement et de l’enseignement à l’aide de la réalité virtuelle immersive depuis plusieurs années. Cela va permettre aux professionnels de la santé, aux étudiantes et aux étudiants d’être exposés à certaines situations de soins spécifiques et aux chercheurs de mieux comprendre les processus cognitifs et comportementaux lors de situations cliniques spécifiques. Débuté il y a près de 4 ans pour répondre à un besoin dans le cadre d’un cours et de stages, ce projet unique fascine de plus en plus et a déjà décroché un prix au 2e Défi en innovations sociales de la société de valorisation de la recherche universitaire Aligo Innovation. Reste maintenant à poursuivre les travaux pour que l’environnement devienne un outil incontournable pour la formation des professionnels de la santé non seulement au Québec, mais aussi à l’étranger.

Le projet est soutenu par la FODED visant la mise en place de projets communs en enseignement supérieur à distance. Cinq établissements universitaires qui offrent le programme en sciences infirmières (UQO, UQTR, UQAC, UQAT et UQAR) y participent.