Une équipe de chercheurs dirigée par le professeur Jonathan Gagnon a mis au point une technologie permettant de valoriser les carapaces de la crevette nordique. Spécialisée en biotechnologie, la compagnie ontarienne Ovensa a obtenu une licence mondiale pour la production et la commercialisation de cette innovation, dont les applications touchent les secteurs de la pharmaceutique, du cosmétique et de la nutrition.
Cette technologie développée à l’UQAR est un dérivé du chitosane appelé le triméthylchitosane (TMC). « Le chitosane est le deuxième biopolymère le plus abondant après la cellulose », explique le professeur Gagnon. « Il s’agit d’un polysaccharide qui provient notamment de la carapace des crevettes. Lorsqu’on dissout les minéraux qu’elle contient, on obtient de la chitine. Et lorsqu’on enlève les groupements acétyles de la chitine, on obtient le chitosane, soit un polymère naturel qu’on retrouve notamment dans nos tendons. »
Les carapaces de la crevette nordique ont été choisies pour cette recherche d’envergure en raison de leur abondance. « C’est une biomasse importante. L’industrie des pêches génère des tonnes et des tonnes de carapaces de crevettes. En valorisant un tel résidu industriel, qui a d’ailleurs l’avantage d’être décortiqué en un même endroit, nous nous assurons d’avoir un bon approvisionnement pour une production à grande échelle », note le spécialiste de l’UQAR dans la purification, la caractérisation et la modification de polysaccharides d’origine naturelle.
C’est au début de 2008 que le professeur Gagnon a amorcé cette recherche. Les travaux menés au Centre d’appui à l’innovation par la recherche (CAIR) et au Centre de recherche et de transfert en biotechnologies TransBIOTech de Lévis ont permis de développer un produit hypocholestérolémiant, soit un produit qui diminue le taux de cholestérol sanguin. « Nous avons utilisé le TMC pour séquestrer des acides biliaires lors d’études in vitro et in vivo chez le hamster. Ces études ont démontré que ce dérivé de chitosane permet de diminuer le taux de cholestérol sanguin chez cette espèce modèle », explique le professeur de chimie.
Afin de favoriser une mise en valeur commerciale de leur produit à base de chitosane, l’équipe de chercheurs pilotée par Jonathan Gagnon s’est tournée vers les produits antibactériens. La professeure en bactériologie marine Karine Lemarchand, de l’UQAR-ISMER, s’est jointe à l’équipe afin de réaliser des tests avec le TMC. « Nous avions une banque de connaissance sur le TMC, mais il manquait beaucoup d’étapes avant de pouvoir prendre cette molécule et de l’utiliser à des fins industrielles. D’ailleurs, les propriétés hypocholestérolémiantes n’étaient pas encore connues pour cette molécule avant nos recherches », précise M. Gagnon.
Cette découverte a fait l’objet, en 2012, d’un brevet dans le cadre du Traité de coopération en matière de brevet (PCT) qui est administré par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Plus de 140 pays ont ratifié ce traité. Un dépôt de brevet a par la suite été déposé aux États-Unis, en Europe et au Japon. Notons que le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) a soutenu les recherches du professeur Gagnon par le biais de subventions du programme de l’idée à l’innovation.
La société Aligo Innovation a accompagné l’UQAR afin de valoriser les résultats de recherche de cette découverte. « Au Québec, sur quelque 30 000 tonnes métriques de produits marins transformés en usines annuellement, plus de la moitié du poids total constitue des résidus envoyés vers des sites d’enfouissement municipaux », indique Priyum Koonjul, directrice du développement des affaires d’Aligo. « Ainsi, la gestion des rejets d’usine engendre des coûts considérables aux municipalités et aux entreprises. La technologie développée par le professeur Gagnon nous permet d’entrevoir la valorisation de ces déchets grâce à une panoplie d’applications différentes. »
En janvier dernier, Aligo Innovation confirmait l’octroi d’une licence mondiale exclusive à la compagnie Ovensa Inc., qui se spécialise dans le développement de nouveaux bioactifs et de plateformes technologiques. « Nous croyons beaucoup au potentiel de cette technologie issue de l’UQAR compte tenu des nombreuses preuves de concept pour une variété d’applications », mentionne le président d’Ovensa, Stéphane Gagné. « Cette plateforme technologique nous permettra d’établir de nombreux partenariats et nous sommes encouragés par la réponse initiale de compagnies cosmétiques, pharmaceutiques et de biotechnologies. »
Ovensa va commercialiser le TMC sous le nom de TriozanTM. Les propriétés de ce produit antibactérien d’origine naturelle permettent, notamment, d’amplifier la pénétration d’actifs dans la peau et par la voie des muqueuses du corps humain. « Les possibilités d’applications sont énormes », conclut le professeur Jonathan Gagnon. Mentionnons que plusieurs professionnels de recherche de l’UQAR ont participé au développement de cette technologie, soit Youssouf Soubaneh, Steeven Ouellet, Cendrine Joly-Sawyer, Caroline Dion, Thomas Pollet, Marie-Ève Anglehart, Roxanne Brion-Roby,Mickael Barthe, Alexandre Dionne et Charles Létourneau-Berger.
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