Chaire de recherche du Canada en développement rural de l’UQAR (2001-2015)
La mission de la Chaire en développement rural de l’UQAR est de favoriser la recherche sur les questions relatives à la ruralité et au développement durable ou approprié des territoires ruraux dans une double perspective d’avancement des connaissances sur les réalités rurales et de soutien aux initiatives de développement des communautés rurales.
Présentation, objectifs et mission
- Maintenir une expertise de haut niveau sur les questions de développement rural durable au sein de l’équipe de recherche et de formation en développement régional de l’UQAR.
- Développer de nouvelles capacités de recherche sur les problématiques de développement sur les collectivités et les régions rurales en restructuration répondant à des besoins tant au Québec qu’au Canada et que plusieurs autres pays.
- Former une nouvelle génération de chercheurs et d’intervenants en développement rural capables d’accompagner les efforts de développement de la ruralité que se met en place actuellement avec la future stratégie gouvernementale québécoise de la ruralité et le Plan d’action rural du gouvernement fédéral.
- Assurer un partage des connaissances entre les milieux universitaires et les milieux ruraux par des initiatives de recherche-action et de formation susceptibles de favoriser un meilleur croisement des savoirs d’expérience et des savoirs académiques et une meilleure appropriation par les ruraux des nouveaux savoirs scientifiques.
- Offrir aux décideurs publics une expertise en conception et élaboration de politiques soutenant le développement durable des communautés rurales.
- Constituer un espace de réflexion et d’échanges sur les questions rurales reconnu par la communauté scientifique internationale intéressée par les études rurales.
Équipe
Bruno Jean, professeur
Département sociétés, territoires et développement
L’UQAR offre un programme de diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en développement régional et territorial, de maîtrise en développement régional ainsi qu’un programme de doctorat en développement régional et les étudiants participant aux travaux de la chaire sont inscrits à l’un ou l’autre de ces programmes.
Axes de recherche
La Chaire en développement rural de l’UQAR, en poursuivant des travaux sur le développement des régions et des collectivités rurales, propose une programmation de recherche qui s’inscrit directement dans l’axe de la recherche et de la formation en développement régional. Cette Chaire est donc en lien direct avec le plan stratégique de recherche de l’UQAR et il n’apparaît pas nécessaire ici d’en faire une plus ample démonstration.
Comme les problématiques de développement régional qui intéressent les professeurs – chercheurs de l’UQAR réunis au sein d’un groupe institutionnel de recherche, le GRIDEQ (Groupe de recherche interdisciplinaire en développement régional de l’Est du Québec), sont celles des régions en retard de développement, il s’agit souvent d’entités socio-territoriales qui se caractérisent par une forte identité ruralité. Une Chaire en développement rural, animée par un spécialiste reconnu sur le plan international et qui estime que la localisation de son université offre à la recherche sociale un laboratoire vivant de la ruralité contemporaine, trouve naturellement sa place au sein de l’UQAR et plus particulièrement au sein des programmes de recherche et de formation en développement régional de cette institution universitaire toujours attachée à conjuguer harmonieusement l’excellence de la recherche et de la formation universitaire avec le service à sa région d’appartenance.
Les régions rurales, représentant entre 22% et 43% de la population selon la manière de calculer leur poids démographique, constituent une réalité incontournable dans la problématique de développement régional au Québec comme au Canada. Les territoires ruraux sont très sensibles aux transformations économiques et sociales actuelles (mondialisation, nouvelle économie du savoir, etc.) Les restructurations et les adaptations y sont probablement plus importantes que dans le reste de la société, ce qui remet en question la cohésion sociale des petites collectivités constituant la trame des milieux ruraux. Par ailleurs, les ruraux ont été et sont encore capables de créativité, d’expérimentation et d’innovation sociale qui, non seulement leur permet de s’adapter aux changements, mais aussi d’offrir à toute la société des modes de vie différents, d’autres valeurs et des modèles organisationnels et institutionnels inédits qui se répandent souvent dans le reste de la société. Une telle problématique réclame un renforcement des capacités de recherche sur les questions rurales, effort auquel entend participer la Chaire en développement rural de l’UQAR.
La ruralité, dans le monde actuel qui est celui de la modernité avancée, contrairement à un ensemble de prédiction sur la « fin du rural », ne disparaît mais se restructure, se recompose. Dans ce chantier de recherche, nous allons abordé cette question des modes de recomposition de la ruralité contemporaine qui évolue dans un contexte nouveau, celui de la globalisation, celui aussi de la métropolisation qui donne d’ailleurs un certain fondement à l’approche du rural comme les régions non métropolitaines. Dans une perspective puisant à des courants théoriques aussi divers que l’analyse systémique et l’approche constructiviste, nous cherchons à identifier comment la ruralité est construite dans le discours des acteurs sociaux, à commencer par les ruraux eux-mêmes.
Et comme il y a eu une différenciation des territoires en plusieurs systèmes ruraux caractérisés par une activité économique dominante (agricole, forestière, récréo-touristique, etc.), nous cherchons à identifier les discours constitutifs de la ruralité selon ces systèmes ruraux pour mieux comprendre une ruralité devenue plurielle. En effet, de nos jours, la vieille différenciation rurale – urbaine qui fondait la définition du rural s’est largement estompée et c’est la grande différenciation socio-économique au sein même des milieux ruraux qui semblent caractériser maintenant la ruralité.
La ruralité n’est pas une réalité très homogène. Dans la plupart des pays occidentaux, les scientifiques s’accordent pour dire qu’il existe trois grands types, la ruralité péri-urbaine, les régions rurales éloignées et les régions rurales intermédiaires. Alors que les zones rurales sous l’influence des métropoles connaissent une croissance économique et démographique, les zones rurales périphériques connaissent un déclin socio-économique tel qu’il autorise à parler de revitalisation rurale pour des milieux ruraux en restructuration. Au Québec seulement, les anciennes régions de colonisation agroforestière sont souvent devenues des milieux ruraux de ce type qui nécessitent une meilleure connaissance des dynamiques de développement et l’identification des interventions aptes à assurer leur restructuration.
Les collectivités littorales ou côtières forment souvent une catégorie singulière de milieux ruraux en restructuration qui sont les plus périphériques, éloignées, défavorisées, en retard de développement, le centre de gravité des économies modernes ayant eu tendance à se soustraire à la vieille logique de localisation en fonction des communications par voie maritime. En plus, pour ajouter à leurs difficultés, leur base économique s’est souvent affaissée avec l’épuisement de la ressource halieutique ou la crise de l’industrie des pêches. Par ailleurs, toute réflexion et toute action, et surtout celles qui reposent sur la nécessaire approche de développement durable de ces communautés, passent par la création de nouveaux savoirs transdisciplinaires avec le concours à la fois des sciences sociales et des sciences naturelles. Réussir le développement de ces communautés nécessite une telle approche globale et intégrée où devront se concerter logiquement les recherches visant à la fois l’identification des opportunités économiques, des contraintes écologiques et des attentes sociales.
La Chaire en développement rural de l’UQAR participe à la mise en place de nouvelles synergies de recherche universitaire au sein même de l’UQAR, synergies qui se traduisent par la mise en action de cette transdisciplinarité dans des programmes inédits de recherche et de formation.
Depuis plusieurs années, nous participons activement à réseau canadien de chercheurs en études rurales. C’est au sein de ce réseau, dont nous assumons une partie du leadership en assumant présentement la présidence de la Fondation canadienne pour la revitalisation rurale, une association reconnue charitable et qui peut recevoir des dons comme exécuter des contrats avec des agences gouvernementales pour mettre action notre ambitieux projet de recherche sur la « Nouvelle économie rurale ». Il s’agit ici de comprendre comment les restructurations rurales en cours modifient les communautés rurales. Sachant qu’il y a une variété de situations qui varient selon des variables comme la proximité des zones métropolitaines, l’ouverture de l’économie rurale aux marchés extérieurs, le fait d’être une économie ayant accès ou non à des marchés protégés ou régulés, le niveau de scolarisation de la population et le niveau de revenu et de prospérité, nous avons construit une typologie des collectivités rurales selon ces cinq grandes variables. Ensuite, nous avons identifié pas moins de 32 communautés rurales réparties dans tout le Canada (dont six au Québec que nous suivons plus particulièrement avec des collègues de la Chaire Desjardins en développement des petites collectivités de l’UQAT) et qui correspondent à autant de types de collectivités rurales. Nous entendons conduire un ensemble de travaux, sur la longue durée, dans ces communautés, pour mieux comprendre comment les changements globaux se traduisent sur le terrain des communautés rurales elles-mêmes ; on peut alors prendre la mesure des effets de ces mutations et voir comment s’articulent les nécessaires adaptations. Sous le dynamisme de mon collègue de l’Université Concordia, Bill REIMER, et grâce à une récente subvention du CRSH sur thème de la cohésion sociale, nous entreprenons actuellement dans cet « Observatoire de la ruralité » des études pour comprendre comment se forme le « capital social » au niveau local et comment on peut « reconstruire les capacités » des communautés rurales.
Ce chantier offre de belles opportunités de formation aux étudiants de cycles supérieurs et nous espérons encadrer quelques mémoires de maîtrise et thèses de doctorat en développement régional à l’UQAR dans ce cadre. Par ailleurs, nous avons établi une coopération scientifique formelle avec des chercheurs de haut niveau en études rurales au Japon intéressés par notre approche originale d’analyse de cette nouvelle économie rurale ; d’autres liens sont à mettre en place avec des centres de recherche européens et cela entraînera des retombées en terme de stagiaires pour la Chaire en développement rural de l’UQAR.
Vivre en milieu rural, cela veut dire habiter une collectivité de petite taille. Au Québec 608 des 1,393 municipalités comptent moins de 1,000 habitants et plus de 500 localités ont moins de 800 habitants, un seuil jugé critique par certains leaders ruraux. Par ailleurs, avec les nouvelles approches du développement local, les collectivités rurales ne pourront plus se borner à offrir des services municipaux de base, elles devront assumer un rôle plus actif dans le « développement » même de leur milieu en mettant en place une nouvelle gouvernance locale. En effet, comme on sait maintenant que le développement économique est relié à la capacité innovatrice des milieux sociaux, les communautés rurales qui vont réussir leur développement seront celles qui pourront mettre en place des synergies inédites entre les secteurs public, privé et communautaire pour assurer à la fois la dispensation des services à une population de faible densité et dispersée et diverses formes de soutien aux petites entreprises rurales assurant la viabilité économique de ces milieux.
Notre intention est de développer une expertise scientifique qui, à notre avis, est déficiente tant au Québec qu’au Canada, sur l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques rurales. Mais comme il n’y avait pas stricto sensu de politiques rurales, le besoin d’une telle expertise n’existait peut-être pas, mais ce qui est certain, c’est qu’il va devenir important dans les années à venir avec les nouvelles politiques rurales qui se mettent en place.
Dans ce chantier, nous allons aussi continuer ce que nous avons déjà entrepris, soit une veille scientifique de l’évolution des politiques rurales de par le monde. Ce qui est d’abord d’un grand intérêt pour un pays comme le Canada, c’est de connaître l’évolution des politiques rurales aux États-Unis d’une part, et celles de l’Union européenne et de ses différents pays d’autre part. Sans oublier ce qui se passe en Amérique latine dont certains pays sont en train de vivre des problématiques de développement rural qui ne sont pas tellement éloignées des nôtres. On doit aussi ajouter l’Afrique car les pratiques de développement local dans ce continent sont proches de celles qui s’expérimentent ici et je trouve particulièrement riche le regard anthropologique du Sud vers le Nord.
Les consultations régulières que nous avons réalisées auprès du Ministère des régions du Québec, responsable de mise en œuvre de la première politique rurale du Québec, nous habilitent déjà à travailler dans ce domaine où il sera de plus en plus nécessaire de former des spécialistes dans les années à venir. Les études doctorales et la thèse de deux étudiants que je dirige vont dans ce sens et je souhaite en recruter quelques autres. Par ailleurs, j’ai préparé récemment une entente de partenariat avec le Ministère des régions et l’Université du Québec, dotée d’un fonds de 200,000$. Par un tel maillage inédit entre la recherche universitaire et la recherche gouvernementale, on assistera à un renforcement mutuel des capacités de recherche de ces deux institutions.