Sensibiliser et accompagner sur la qualité de l’eau de puits
L’eau, élément essentiel à la vie humaine, est une ressource d’une valeur inestimable. L’eau potable de bonne qualité est également fondamentale pour la santé. C’est pourquoi il est recommandé aux propriétaires de puits privés de faire analyser leur eau deux fois par an. Or, peu d’entre eux le font. En 2018, préoccupée par ce problème, la Direction de santé publique de Chaudière-Appalaches a contacté un organisme de bassin versant de la région, le Comité de bassin de la rivière Chaudière (COBARIC), et la professeure Lily Lessard de l’UQAR pour explorer des solutions et favoriser ce comportement préventif.

Les problèmes d’eau de puits occasionnent des inégalités de santé pour les populations rurales s’approvisionnant à partir d’un puits privé en comparaison à celles qui ont accès à une eau de l’aqueduc constamment surveillée.
Lily Lessard, professeure en sciences infirmières et titulaire de la Chaire interdisciplinaire sur la santé et les services sociaux pour les populations rurales (CIRUSSS)
Un projet de proximité et humain
Suite à une revue des écrits afin de comprendre les différentes barrières logistiques, économiques, légales, sociales et psychologiques qui expliquent que peu de citoyennes et citoyens testent leur eau, comme le manque de connaissances ou la crainte de découvrir des problèmes coûteux à résoudre, l’équipe de recherche a travaillé sur un plan d’action.
Le projet « Mon eau, mon puits, ma santé » repose sur une approche complexe et de proximité. Son objectif : toucher plusieurs fronts simultanément pour inciter les citoyennes et les citoyens à tester leur eau. Une première étape consiste à négocier avec des laboratoires pour réduire les coûts d’analyse, en proposant aux municipalités de coordonner l’acheminement des échantillons. Ainsi, les résidentes et les résidents n’ont pas à gérer seuls la logistique, une mesure qui facilite et encourage la participation. Le projet a également intégré des campagnes de sensibilisation de masse pour informer les citoyennes et les citoyens sur l’importance de la qualité de l’eau, ainsi que la mobilisation des Organismes de bassins versants (OBV) et des municipalités pour accompagner les propriétaires de puits et l’action d’un réseau d’ambassadrices et d’ambassadeurs locaux.
Rencontre d’information pour citoyens dispensée dans une municipalité participant au projet (Simon Arbour, DSPu CA; Édith Blanchet, OBV Côte-Du-Sud; Tamari Langlais, UQAR; Johanne Savard, ambassadrice du projet pour la municipalité de Saint-Aubert)

Sources :
* L’Enquête sur les ménages et l’environnement, Statistiques Canada, 2021
** Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudières-Appalaches
Des citoyennes et des citoyens ambassadeurs pour porter le message
Une des innovations majeures du projet est la formation de citoyennes et de citoyens locaux capables de sensibiliser leur entourage dans un langage accessible. Ces personnes ambassadrices sont formées pour s’adresser aux habitants de la région dans des termes simples, adaptés à leurs réalités, sans jargon technique. En informant leurs voisins, ils participent directement à la mobilisation communautaire. Cette initiative reflète une approche inclusive qui s’adresse non seulement aux hommes, mais aussi aux femmes, souvent plus soucieuses de la santé de leur famille, afin de créer une dynamique d’engagement au sein des foyers.
Séance d’information destinée aux propriétaires de puits de Saint-Isidore en préparation à la campagne d’échantillonnage de l’automne 2024
Des formations pour la continuité du projet
« Mon eau, mon puits, ma santé » a également organisé des formations pour les acteurs locaux, en collaboration avec Tamari Langlais et Mélanie Martineau, responsables de la coordination du projet. Ces formations visent à préparer les organismes de bassins versants, qui à leur tour accompagnent les municipalités, permettant un accompagnement personnalisé des citoyennes et des citoyens. Un volet de « corridor d’accompagnement » a été mis en place pour aider les citoyennes et les citoyens à trouver des solutions en cas de problème. Selon la gravité de la contamination, les citoyennes et les citoyens peuvent être orientés vers des ressources locales, les autorités sanitaires, voire le ministère de l’Environnement.

La formation et l’implication d’acteurs de proximité, comme les organismes de bassins versants, les municipalités et les ambassadeurs bénévoles recrutés par celles-ci, ont permis de mieux accompagner les propriétaires de puits privés et constituent des leviers essentiels au succès du projet
Tamari Langlais, responsable de la coordination du projet
Au-delà de la responsabilité individuelle, identifier les problématiques collectives
L’une des causes de résistance les plus fréquentes à la pratique de l’analyse de l’eau des puits est la crainte que la découverte de contaminants dans l’eau réduise la valeur de leur propriété ou les oblige à réaliser des travaux coûteux. Le projet « Mon eau, mon puits, ma santé » s’engage donc à fournir des solutions en partenariat avec les municipalités, les organismes de bassins versants et les diverses entités gouvernementales. En créant des solutions d’accompagnement et de prise en charge des problèmes, les équipes visent à réduire ces freins psychologiques et financiers et encourager la confiance dans le processus.
Une découverte inattendue de ce projet est l’identification de problèmes collectifs, là où plusieurs puits d’un même secteur partagent des problématiques similaires, comme la contamination microbiologique de nombreux puits due à de la pollution diffuse. Ce constat a permis d’identifier un problème qui dépasse les responsabilités individuelles et d’envisager des actions plus globales, mieux adaptées aux réalités locales et collectives, en collaboration avec différents acteurs régionaux et provinciaux.
Ligne du temps

Une ressource accessible en langage simplifié sous la forme d’un site web
En soutien à cette approche, un site web en langage clair et simple a été conçu, permettant aux citoyennes et aux citoyens de mieux comprendre les enjeux et les démarches nécessaires pour tester et traiter leur eau. Pour aller plus loin, un projet d’outil ayant recours à l’intelligence artificielle est en cours de développement pour guider les propriétaires dans leurs démarches, en fonction de leurs problèmes spécifiques. L’objectif est d’offrir un accès rapide aux informations et de compenser le manque d’experts disponibles, surtout dans une perspective d’étendre ce projet à plusieurs municipalités du Québec

Des partenaires qui ont grandement contribués à faire d’une idée un grand projet
Le financement initial en 2018 provenait de la Fondation de l’Hôtel-Dieu de Lévis, via un concours du Centre de recherche du CISSS de Chaudière-Appalaches, auquel s’est ajoutée une contribution du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parc (MELCCFP). Il a permis de réunir une équipe intersectorielle avec l’objectif de créer un plan d’action régional pour améliorer la pratique de faire des analyses régulières de son eau de puits. Les partenaires de la première heure étaient, en plus la Direction régionale de santé publique (DSPu) de Chaudière-Appalaches, de COBARIC, du MELCCFP et de l’UQAR, l’OBV Côte-du-Sud, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), l’Union des producteurs agricoles (UPA), le Conseil régional de l’environnement de Chaudière-Appalaches (CRECA), la Table régionale des élus municipaux de Chaudière-Appalaches (TREMCA), des municipalités, ainsi que quatre citoyennes et citoyens partenaires, dont deux impliqués en agriculture pour leur soutien dans la réalisation de ce projet de recherche.
Le projet a ensuite été expérimenté, en vue de devenir un modèle potentiel pour tout le Québec, dans quatre municipalités pilotes financé entre 2020-2023 grâce à un financement du MELCCFP. Depuis mars 2023, il se déploie dans 24 municipalités au Bas-Saint-Laurent, en Chaudière-Appalaches, au Centre-du-Québec et en Estrie dans le cadre d’un test de mise à l’échelle. Cette mise à l’échelle est financée par le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE) via le concours Innovation sociale, ainsi que par le MELCCFP qui poursuit son engagement avec l’équipe. Il implique huit organismes de bassins versants et les directions régionales de santé publique de ces régions.
Le projet poursuit ainsi l’ambition de renforcer l’autonomie des personnes citoyennes et des organisations locales dans la gestion de l’eau, en veillant à ce qu’ils acquièrent une indépendance durable pour préserver la qualité de l’eau de leur région.
Équipe de recherche

Tamari Langlais
