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Voyage au Vietnam 2018 par Françoise Paquet et Gaston Dumont

Fascinés par l`exotisme de l’Orient, nous avons mis le cap en octobre sur un pays du sud-est de l’Asie, le Vietnam. Encouragés dans ce projet par des amis qui avaient déjà visité cette région en utilisant les services d’une agence vietnamienne, nous leur avons demandé une proposition s’étalant sur 23 jours, du nord au sud du pays. Rapidement, nous convenons, après quelques ajustements, d’un circuit hors des sentiers battus, adapté à nos capacités et à des prix fort raisonnables. En véhicule privé, avec guide francophone et chauffeur, nous découvrirons les divers visages de ce pays, tantôt à pied, tantôt à vélo ou en mobylette, tantôt en jonque, en sampan ou en simple radeau de bambou. Ainsi, le recours à ces divers véhicules a permis de découvrir des coins autrement inaccessibles.

Les Vietnamiens, au nombre de 97 millions, décrivent leur pays long de 1600 km à vol d’oiseau comme « une longue tige de bambou s’étirant du Nord au Sud et portant aux deux extrémités un panier de riz ». Ces derniers correspondent aux deltas du fleuve Rouge, au nord, et du fleuve Mékong, au sud, où l’on retrouve les deux grandes zones cultivées parsemées de rizières. Il faut dire que les 3/4 du Vietnam sont recouverts de collines et de montagnes, avec un point culminant situé au nord-ouest, le Fansipan, à 3143 mètres. Leurs pentes sont souvent sculptées en terrasses, pour la culture du riz en particulier, offrant dès lors des paysages exceptionnels, mais un très dur labeur pour les paysans. Le Vietnam du Nord supporte un climat tropical humide avec quatre saisons (beaucoup moins marquées que les nôtres…), ce qui permet une seule récolte de riz par an. Au moment de notre passage, il offrait ses massifs découpés en terrasses dorées piquetées de chapeaux coniques, telles des abeilles au travail. Du centre du pays jusqu’au sud, on a jusqu’à trois récoltes de riz par année en raison d’un climat subtropical marqué par une température chaude constante et deux saisons, la sèche et la humide. Deuxième plus grand exportateur de riz au monde, son climat lui permet également une culture maraîchère et fruitière exceptionnellement diversifiée, nous offrant l’occasion de goûter aux longaniers, ramboutans, manioc, riz gluant, et ce, en plus de ceux que nous connaissions déjà.

Marqués par la pauvreté et les guerres, les Vietnamiens utilisent au maximum ce que leur offrent la terre et la mer. Il est frappant de voir des montagnes de balles de riz (produit de la décortication du grain de riz) transportées et utilisées comme combustible dans les fabriques traditionnelles de bonbons, de briques, de poterie, etc., et leurs cendres employées comme engrais. Là où il y a du riz, il y a du bambou! Considéré comme une ressource renouvelable grâce à sa croissance très rapide, le bambou (une graminée) est étroitement lié à la vie quotidienne des Vietnamiens. Il fournit la maison tout entière : charpente, cloisons, planchers, meubles, baguettes, cure-dents, paniers, cordages, chapeaux, éventails et même la pipe! Impossible de visiter ce pays sans constater la débrouillardise de ce peuple confronté à une vie très souvent difficile. Pour illustrer ceci, pensons à leur incroyable résistance et à leur caractère imaginatif qui ont mené ce peuple démuni et affamé à gagner (en 1975) la guerre du Vietnam contre l’armée américaine! Les tunnels de Cu Chi, un réseau labyrinthique de 250 km situé au nord de Saïgon, nous ont offert un bel exemple de l’ingéniosité des armes rudimentaires, mais efficaces utilisées par les Vietcongs contre les Américains.

En 1976, le régime communiste du Nord-Vietnam s’étend à tout le pays alors réunifié. Curieux de connaître l’opinion du peuple sur ce sujet, nous questionnons, en privé, nos guides. Il nous semble clair que ce régime est beaucoup moins critiqué au nord qu’au centre et au sud du pays. Au nord, nos questions sur les différences dans le quotidien entre leur régime et le nôtre obtenaient des réponses évasives tandis qu’ailleurs on n’hésitait pas, lorsque nous étions seuls, à décrier les injustices qu’ils doivent endurer. « Les bons emplois vont à ceux qui sont proches du parti ou qui sont nés dans des familles riches », les autres doivent se contenter de petits boulots accomplis dans des conditions souvent inhumaines, ou encore, s’ils sont instruits, ils ne pourront pas accéder aux emplois correspondants à leurs qualifications. Il n’existe aucun filet social, même pour les handicapés : « pour manger, tu dois travailler! » L`éducation et les soins de santé sont payants. À la question « qu’est-ce que les élus font avec vos impôts? », on nous répond « ils se les mettent dans les poches… ». Et si quelqu’un placé en position de pouvoir essaie de changer les choses, « il disparaît… »!  Exagérations ou vérités ? Ces révélations laissent un goût amer, mais offrent tout de même un embryon de compréhension du phénomène de la pauvreté, endémique dans tout le pays.

L’une située au nord-est, l’autre située au sud-est : Hanoï et Ho-Chi-Minh-Ville (anciennement Saïgon) sont les deux plus grosses villes avec 10 et 13 millions d’habitants! Ces chiffres sont approximatifs étant donné l’arrivée massive des ruraux vers les villes où la vie est considérée plus facile. À Hanoï, 200 000 paysans viennent gonfler annuellement la population! Toutefois, les couples sont maintenant soumis à la règle de deux enfants par couple. Ces deux mégapoles frappent les deux Rimouskois que nous sommes par leur niveau sonore et par la densité de la circulation. Une armée de mobylettes aux klaxons agiles, étonnamment surchargées des objets les plus divers et conduites par des personnes masquées pour se protéger du soleil (la peau blanche est signe de beauté) s’empare des boulevards et souvent des trottoirs qui leur servent de stationnement. Assis à une terrasse pour y déguster les délicieuses bières vietnamiennes, nous sommes étonnés par la circulation : sorte de ballet où s’entremêlent motos, autos et camions toujours prêts à s’arrêter ou à contourner les piétons qui traversent ce train roulant sans s’arrêter… De même, déambuler sur les trottoirs est hasardeux : ils sont envahis par les motos stationnées, par des étalages improvisés de produits divers, par des terrasses de restaurants en plus des offres insistantes des vendeurs ambulants et des gigantesques trous dans les pavés, véritable capharnaüm visuel et sonore!

Après Hanoï, les huit jours suivants nous entraînent au Nord, à la frontière avec la Chine, région montagneuse et très pittoresque. Notre coup de cœur du voyage! Nous avons pu aller à la rencontre de plusieurs ethnies des montagnes habitant en haute altitude, dans des cabanes sans aucun confort regroupées en petites bourgades. Huit groupes linguistiques et cinquante-trois ethnies, qui se distinguent par de superbes vêtements vivement colorés, peuplent ces régions. Les Vietnamiens sont un beau peuple, particulièrement les jeunes filles, qui se marient souvent à l’âge de quinze ou seize ans. Logeant dans des abris plus que rudimentaires et travaillant extrêmement dur, notamment pour récolter le riz cultivé à flanc de montagne, les femmes en particulier vieillissent très rapidement.

Dans cette région très peu développée d’un point de vue touristique, nous logeons chez l’habitant, à l’étage d’une auberge en bambou sur pilotis destinée aux seuls touristes et construite grâce aux prêts consentis par le gouvernement. Très propre, un matelas au sol muni d’une moustiquaire, trois murs et un rideau, des toilettes et des douches : voilà le confort que nous retrouvons dans ces petites auberges, toutes pareilles et véritablement luxueuses aux yeux des paysans. Les repas sont cuisinés par les propriétaires, dont la maison jouxte l’auberge. Nous y avons goûté une multitude de mets traditionnels vietnamiens, dont plusieurs bouleversaient nos habitudes, mais encouragés par les nombreuses rasades de saké qu’ingurgitent les paysans, tout en mangeant. Les repas qu’ils prennent avec nous se terminent dans une joyeuse cacophonie, leur permettant, sans doute, d’affronter le dur labeur du lendemain.

Peu de touristes se rendent dans ces villages haut perchés, difficiles d’accès à cause d’un réseau routier en lacets, très fréquenté mais souvent à une seule voie asphaltée. Les conducteurs d’expérience roulent à 30 km/h à coups de klaxon pour dépasser une moto, un vélo, un piéton ou les omniprésents buffles, chiens et poulets. À ce rythme, les distances sont longues!

Le marché des minorités ethniques de Bac Ha vaut à lui seul le voyage : il est situé de chaque côté d’une route boueuse où motos, autos, vélos s’entremêlent. Les diverses ethnies se pressent autour des étalages de fruits et légumes locaux, de boucherie, d’articles rudimentaires employés dans les foyers, de vêtements commerciaux ou traditionnels. Poules, cochons et chiens à vendre sont saucissonnés dans de petites cages cylindriques en bambou. Les femmes gèrent tous ces kiosques pendant que les hommes discutent en buvant du saké ou s’occupent de l’encan des gros animaux, surtout des buffles. Seule activité sociale de la semaine pour plusieurs, cette rencontre se déroule dans un joyeux tintamarre ponctué par les éternels klaxons et les « hellos » que les jeunes lancent aux quelques touristes comme nous. La plus grosse ville de ces montagnes du nord est Sapa, sise à 1500 mètres, souvent enveloppée dans un épais brouillard et pouvant vivre, semble-t-il, quatre saisons dans la même journée! Chose étonnante pour nous, dans cette région où les paysans vivent souvent dans des conditions moyenâgeuses, le réseau cellulaire et le réseau WiFi sont disponibles partout et à peu de frais!

Après une petite croisière à la superbe baie d’Halong, souvent nappée de brouillard et trop touristique, retour à Hanoï. Un périple de treize heures en train de nuit, dans une cabine-couchette pour quatre, nous entraîne au centre du pays. Visite de Hué, ancienne cité impériale, dont l’ensemble des monuments est classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Puis Hoi An, la magnifique, dont la vieille ville est également inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. C‘est la ville aux milliers de lanternes multicolores, aux ateliers de fabrication de la soie et aux ateliers de confection de vêtements sur mesure en quelques heures. Il est très agréable d’y flâner quelques jours.

Vietnam Airlines nous transporte ensuite du Centre vietnamien vers le Sud, à Saïgon. De nombreux et magnifiques bâtiments, construits pendant la période de la colonisation française (1887-1954), font encore la fierté architecturale de cette bruyante mégapole aux gratte-ciel colorés, reflet lumineux de son activité économique bourdonnante.

Le delta du Mékong, fleuve prenant sa source à plus de 4000 km dans l’Himalaya, sera la dernière étape de notre périple. Région très productive, elle héberge 20% des 93 millions de Vietnamiens. Chaleur et humidité y sont étouffantes. Frangipaniers, jacquiers, cocotiers, orchidées, lotus (la fleur emblématique du Vietnam), et hibiscus géants composent le décor dans lequel nous visitons diverses fabriques rudimentaires : feuilles et nouilles de riz, bonbons à base de noix de coco, bâtons d’encens, briques, poterie, etc. Il est souvent choquant de voir les conditions infernales dans lesquelles ces gens travaillent : des outils très rudimentaires, des fours sans ventilation faisant grimper les températures ambiantes entre 45 et 50 °C, et ce, pour un salaire de misère à peine suffisant pour couvrir les besoins de base, ce qui les oblige souvent à travailler sept jours sur sept. Ici, pas de normes du travail, pas de salaire minimum, pas d’assurance accident, mais on ne se plaint pas, car si on veut manger, on doit travailler…

Après trois jours à explorer en sampan divers embranchements du delta, force est de constater qu’à ces conditions de travail moyenâgeuses se superpose une pollution visuelle bien contemporaine! Les cabanes des pêcheurs et des petits commerces bâtis sur pilotis, le long des berges, accumulent de phénoménales montagnes de déchets — plastique, polystyrène, cannettes — qui sont pour la plupart emportés par les marées que subit le delta.

Nous avons visité l’un des derniers gros marchés flottants, celui de Cai Be. Chaque sampan expose tantôt des légumes, tantôt des fruits, tantôt des poissons frais, etc. Les petits commerçants viennent alors en bateau acheter ces produits en gros pour les revendre sur terre aux particuliers. Le marché fonctionne un peu comme un village avec son bateau-pompe à essence, son bateau-restaurant et même son bateau-kiosque de billets de loterie. Très abondants autrefois, ces marchés flottants sont maintenant en voie de  disparition. La vie sur un bateau est considérée maintenant trop difficile en comparaison de la vie sur terre, laquelle offre plus de liberté. C’est ainsi que la famille qui vivait sur le bateau le vend à de riches marchands qui embauchent à petits salaires des Vietnamiens pour vendre de courtes croisières aux touristes. Avec l’argent de la vente, la famille s’achète une cabane et une mobylette. Celle-ci lui donne accès à une multitude de petits boulots tandis que la cabane permet une vie plus facile. Et les enfants peuvent alors fréquenter l’école.

La tête remplie d’images inoubliables, satisfaits, nous remontons vers Ho-Chi-Minh-Ville pour une journée de repos avant d’entreprendre les vingt-et-une heures de vol nécessaires pour rejoindre Montréal.

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